Le Plafond de verre

Comment écrire en anglais m’a libéré du contexte culturel français.

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Brise-lames

Photo by Alex Holyoake on Unsplash

Maintenant que je prends confiance pour écrire et publier en anglais, je me rends compte que la mentalité française a pesé lourdement sur mon expression, je me suis souvent senti comme un marginal. Lorsque j’utilise l’expression plafond de verre, je suis conscient qu’elle concerne principalement la couleur de la peau, le genre, la classe sociale, le handicap ou la sexualité mais peut aussi concerner votre accent, votre apparence et votre milieu culturel.

Qu’est-ce que le plafond de verre

Je sais en partie ce que c’est que d’être une femme noire, ma femme est noire et j’ai vu combien il est humiliant d’être réduit à la couleur de votre peau, bien que vous ayez une intelligence qui dépassent largement celle de votre prédateur raciste. Vous touchez alors le plafond de verre comme si vous étiez dans une boîte transparente. Ça fait mal quand vous heurtez le verre. Ma fille dit avec humour je ne suis pas noire mais marron chaud.

Je parle plutôt ici du contexte culturel et de la façon dont vous intégrez une attitude inconsciente, pour que les autres vous acceptent dans leur contexte culturel. C’est un peu comme quand vous êtes enfant vous conformant aux désirs de vos parents pour être accepté. Cela devient alors une partie de vous-même et vous ne vous en rendez parfois compte que très tard ou pas du tout.

Comment je m’en suis aperçu ?

J’ai commencé à écrire en anglais, inconscient qu’il était si difficile d’avoir une expression vivante dans une langue qui n’est pas une langue maternelle. J’ai pris de l’assurance en écrivant dans l’e-zine Medium et une certaine liberté d’expression non pas parce qu’il n’y aurait pas de liberté d’expression en France — il y en a même si elle dépend de la langue et du contenu surtout s’il est politique –, mais parce que j’avais une injonction interne et culturelle comme quoi je n’avais pas de légitimité pour m’exprimer.

Comment nous avons intériorisé notre illégitimité à parler ?

En Bretagne, nous parlons librement avec sincérité et spontanéité. Cela dépend aussi des pays car la Bretagne n’est pas un territoire uniforme. L’injonction française a impacté tout le monde. Selon celle-ci, nous n’avons aucune légitimité pour parler, surtout en gallo ou en breton, ou avec un accent différent de l’accent parisien utilisé par les médias français. À Paris, je faisais rire les gens de ma spontanéité, malgré mon accent conforme. Ignorant les codes sociaux parisiens, j’ai été vite catalogué comme un Breton avec tous les clichés qui vont avec, dont la naïveté. Ce n’était pas forcément méchant mais j’ai intériorisé cette injonction française pour exprimer moins de spontanéité. En voyageant dans plusieurs pays celtiques, j’ai trouvé la même spontanéité qu’en Bretagne avec aussi peu de code social. Il est quand même rare d’entrer dans un café en Bretagne et d’en sortir sans avoir eu une conversation.

La liberté de parler en anglais ?

Dans Medium, j’ai commencé par rédiger un article sur les druides. Ensuite je me suis pris au jeu, écrivant des poèmes. Un jour, quelqu’un m’a demandé de participer à sa publication dans Medium et tout s’est mis en place. Puis j’ai réalisé que je recevais des idées et que j’aimais les mettre en forme. Mon audience et ma rétribution augmentaient chaque mois.

J’ai pris de plus en plus confiance en moi, osant dire des choses que je tairais en français. Je me sens libre maintenant, réalisant à quel point j’avais laissé la culture française construire un plafond de verre dans mon expression personnelle. Je n’osais pas être moi-même.

Depuis que j’écris en anglais, je respire un nouvel air et je touche plus de monde, sans oublier bien sûr de parler de la Bretagne.

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Á propos de l'Auteur

Jean CARFANTAN
Jean CARFANTAN 4 posts

Après avoir vécu en Bretagne jusqu'à mes vingt ans, je suis parti en France et à l'étranger. Comédien et scénariste pendant une dizaine d'années, j'ai aussi écrit quatre livres d'informatique. Je vis à Pau où je travaille comme développeur d'applications web. Les Bonnets Rouges, en libérant la parole, l'initiative et la fraternité ont suscité en moi une vague d'idées et de projets web pour mon pays. J'ai lancé, il y peu, le site krou.us avec l'ambition de faire une encyclopédie contributive des pratiques artistique en Bretagne.

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