sel de guérande

Le sel de Guérande, l’or blanc de Bretagne

de NHU Bretagne
Publié le Dernière mise à jour le

Les interviews de NHU Bretagne : le sel de Guérande / holen Gwenrann.

Pour ce nouvel entretien, nous nous sommes rendus dans le sud du pays.
Précisément à Batz sur Me r/ Bourc’h Baz, en presqu’île guérandaise, pour rencontrer Gwenaël RIO, récoltant passionné et passionnant du fameux sel de Guérande.

Bonjour Gwenaël RIO, et merci beaucoup de nous recevoir dans votre saline de Batz sur Mer / Bourc’h Baz, sous ce beau soleil du sud Bretagne.

Depuis deux heures que nous discutons ensemble entre les oeillets de votre saline, j’ai bien compris qu’ici, deux histoires se mêlent. D’abord l’Histoire de la Bretagne. Puis votre propre histoire familiale.
S’il vous plaît, pouvez-vous nous en dire plus ?

sel de guérande

Salines de Guérande en sud Bretagne par Le Voyage des Koumoul

D’abord sur la longue histoire du sel en Bretagne …

Après l’époque de la cueillette de dépôts naturels (vers 3000 avant JC), est venue celle de méthode ignigène (800 avant JC) qui consommait beaucoup de bois. Puis enfin la production solaire dont les origines remontent à deux mille ans. Les premiers écrits (cartulaire de Redon) décrivent des salines à Batz Guérande vers le IVe siècle. Et certaines salines carolingiennes sur Batz sont dans leur état d’origine.

Si on retrouve des sites de production ignigéne sur une bonne partie du littoral breton, les salines solaires, du fait des conditions météo, se sont plutôt concentrées au sud (de Vannes à la presqu’île Guérandaise). Parmi les propriétaires on retrouve bien entendu les Ducs de Bretagne. Également des institutions religieuses comme l’abbaye de Prière (Billiers), et la noblesse locale. Puis ceux qui avaient fait fortune avec les diverses activités florissantes bretonnes.

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Marais salants de la presqu’île de Guérande en sud Bretagne

Puis sur l’histoire familiale ancestrale de votre propre saline ?

La saline où nous sommes me vient de mon père. Elle se nomme Goival du nom de son commanditaire qui l’a fait construire en 1564 sur les bases d’une ancienne saline ruinée du nom de Mérit. Il était armateur au Croisic / Ar Groazig et siégeait au Parlement de Bretagne. Batz a toujours eu un statut d’île. La population (quoiqu’en contact avec le monde) ne se mariait pas beaucoup avec les gens de l’extérieur. Donc du côté de ma mère je représente la onzième génération de paludiers de père en fils. Cette saison est la quarantième année à mon compte.

Par opposition à un sel destiné à la chimie qui doit être pur, un bon sel alimentaire doit être friable, et contenir d’autres minéraux. Les salines bretonnes sont les plus septentrionales d’Europe. La période de récolte (mi juin début septembre) est de fait réduite. Et il nous faut récolter le sel à la main sur le fond d’argile tous les jours d’été. C’est cela qui fait notre particularité et notre qualité. Dans les marais traditionnels de Noirmoutier, la récolte a lieu tous les deux jours.

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Salines de Gwenaël RIO à Batz sur Mer – Photo NHU Bretagne

Les salines du sud de la Bretagne sont reconnues dans le monde entier pour la Fleur de Sel. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est cette Fleur de Sel ?

En l’absence de législation définissant le produit, nous sommes en présence d’un terme générique :
La fleur : « qui se forme à la surface d’un liquide », c’est la définition de la plupart des dictionnaires, contrairement à tout ce qui peut précipiter au sein du liquide ou au fond.

Dans notre cas, la fleur de sel est une cristallisation due à la saturation d’une solution saline. Celle-ci a lieu comme beaucoup de changements d’état physique dans les zones les plus froides. Donc au fond pour le gros sel (l’argile est frais) et en surface quand l’air est plus froid que l’eau surchauffée par le soleil.

Les cristallisations obtenues sont complètement différentes : petites pyramides la tête en bas, friables et éphémères pour la fleur de sel, et agglomérats de cubes plus durs, selon le temps de présence dans l’eau, pour le gros sel.

La meilleure Fleur de Sel du monde est bretonne ?

La fleur représente environ 6% de la récolte de gros sel, elle est plus blanche, encore plus friable, et donne son goût rapidement sur la langue.
Pour permettre sa cueillette à la surface de l’eau des marais salants il est indispensable d’avoir des cristallisoirs peu profonds, et de petites dimensions pour éviter les vagues qui en présence de vent, vont irrémédiablement faire couler la fleur de sel.

Parvenue au fond elle continue à cristalliser à la manière d’un gros sel, en cubes durs mais de manière organisée et non pas en agglomérats de cubes. C’est donc un gros sel cristallisé autour d’un embryon de fleur de sel. Ce produit ne correspond en rien à la définition de la fleur de sel, mais envahit le marché ! Nos salines en produisent beaucoup lorsque à l’issue de longues périodes très chaudes, le fond d’argile est aussi chaud que l’eau, le gros sel ne cristallise plus, et les marais se couvrent de fleur de sel, le paludier dit qu’ils sont « cuits ».

La véritable fleur de sel est donc incontestablement issue d’une cristallisation différente et c’est ce qui en fait sa qualité et sa spécificité.

sel de guerande

Le Voyage des Koumoul nous offre ces superbes couleurs des Marais Salants de Guérande en sud Bretagne

Gwenaël, vous êtes président de la société Trady’Sel en presqu’île de Guérande/Gwenrann. Pouvez-vous nous en parler ?

TRAD Y SEL est une société de producteurs de sel de Guérande basée à Batz sur Mer. Créée en 1999, loin du collectivisme des coopératives et de l’hégémonie des multinationales qui envahissent le monde agricole, elle propose un modèle économique alternatif pour les producteurs de sel indépendants du bassin guérandais, et est aujourd’hui (avec une production de 2 000 tonnes et un CA de près de 3M€) le deuxième acteur du sel de Guérande.

La société a été créée par des paludiers de père en fils désireux de prendre en main leur destin en contrôlant leurs circuits commerciaux, et en réduisant les intermédiaires. Outre les quatorze producteurs associés, une trentaine d’autres paludiers lui font confiance pour commercialiser leurs productions. Nos produits sont présents en particulier en grande distribution, restauration hors foyer, et export.

Découvrez en images une vue aérienne des Marais salants de Guérande

Quelle est l’importance économique des salines bretonnes ?

Si on ne parle que de l’alimentaire, le marché hexagonal représente environ 120 000 tonnes. Les sels dits « de terroir » représentent environ un bon tiers en volume et près de 60% en chiffre. Guérande y est le premier acteur avec environ 20 000 tonnes de vente.

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Les couleurs des salines de Guérande en sud Bretagne par Le Voyage des Koumoul

Quel avenir pour le sel breton ?

J’espère que nous avons devant nous un bel avenir, mais rien n’est acquis et les embûches sont nombreuses. Après avoir été condamnés à disparaître dans les années 70, au profit de la rentabilité et de l’industrialisation, grâce à l’entêtement de certains et l’apport d’éléments extérieurs, nous avons pu organiser le renouveau de notre métier. Certains prônent dans l’agriculture l’opposition de deux systèmes qui sont en réalité complémentaires. Ce comportement est dangereux et irresponsable.

Un produit naturel est difficilement normalisable, et nous sommes confrontés à des normes alimentaires de plus en plus nombreuses, compliquées et contraignantes.

Des contraintes pseudo-écologistes entravent de plus en plus notre site de production. L’association syndicale qui gère la protection de nos salines contre la mer se voit actuellement trainée en justice pour destruction d’habitat par la LPO. Que deviendrait notre site, et la richesse de sa faune, sans protection contre la mer ? Ce n’est que quelques exemples qui décrivent le ridicule de certaines situations. Sans un minimum de bon sens, notre société organise son déclin.

Trady’Sel est membre de Produit en Bretagne : concrètement, cela engage de quelle manière ?

Produit en Bretagne n’est pas qu’un logo sur des boîtes de sardines ou de pâté. C’est une association qui milite activement pour une Bretagne belle prospère, et ouverte sur le monde, en y favorisant l’emploi local. Elle ne vit que par l’action militante de ses membres. Pour notre part, j’essaye de m’investir selon mes possibilités dans la vie active de l’association. Et ce d’autant plus que l’identité Bretonne de notre région n’est toujours pas reconnue par des politiciens malhonnêtes trop soucieux de leurs avantages et intérêts personnels. Mais nous sommes têtus, et nous avançons irrémédiablement.

Gwenaël, un grand merci pour votre chaleureux accueil dans ce cadre magnifique de notre sud Bretagne. Un grand bravo et un grand merci pour ce travail de chaque jour pour perpétuer ce beau métier et contribuer à donner au sel de la presqu’île guérandaise ses lettres de noblesse dans le monde entier.

Vidéo et photos Le Voyage des Koumoul à suivre absolument sur leur YouTube.

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8 commentaires

Wiwibzh 14 mars 2020 - 21h39

Vous vous prenez pour qui d’utiliser le terme bretagne sur vos produits alors que vous êtes domicilié en loire atlantique ?

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NHU Bretagne 15 mars 2020 - 11h41

Ils se prennent pour ce qu’ils sont : des Bretons. Vous devez confondre la Région Bretagne, l’administration qui s’occupe de quatre des cinq départements bretons, et la Bretagne. La première entité est artificielle et a été décidé à Paris par le régime pro-nazi de Pétain il y a quelques soixante dix ans. La Bretagne elle, est une entité historique et géographique millénaire. La Loire Atlantique n’est pas dans cette région administrative artificielle mais est en Bretagne.

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Breizhou 19 avril 2020 - 23h06

Vous essayez juste de vous accaparer une identité qui ne vous appartient pas et c’est tout. Le 44 est en pays de la loire que ça vous plaise ou pas. Le 85 serait plus avantageux commercialement que vous vous revendiqueriez vendéen. Vous ne vous assumez pas.

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NHU Bretagne 20 avril 2020 - 9h28

Bonjour.
Vous confondez une entité artificielle de 70 ans : la Région Bretagne administrative, et une entité géographiquemet historique millénaire : la Bretagne. La Loire Atlantique n’est pas dans la première par la décision d’un régime politique pro-nazi et collaborationniste de la dernière guerre, mais est naturellement dans la seconde. La Vendée et la Bretagne sont deux régions aux fortes connections historiques.

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New LA 8 janvier 2024 - 12h17

Vendéen ?? ha ! ha ! Vous devez bien connaitre le Pays de Guérande dont le marais est aujourd’hui parsemé de Gwen ha du. Vraiment trop drôle.
En 1365 dans la chapelle Notre Dame la Blanche ( intra- muros pas loin de la collégiale de Guérande) a eu lieu le traité qui a mis fin à la guerre de Succession de Bretagne. A cette époque, la Vendée n’était qu’une petite rivière d’un diffus Poitou, ce nom deviendra celui d’un territoire ….quatre siècles plus tard avec la Révolution.

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Schweitzer 19 octobre 2020 - 19h05

Le sel de Guérande, le sel breton ?
Guérande est pourtant en Loire Atlantique, pourquoi les bretons s’accapare ce produit des pays de la Loire.

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NHU Bretagne 19 octobre 2020 - 19h36

Bonsoir et merci de votre commentaire.
Vous confondez la Région Bretagne administrative et la Bretagne. La première ne comprend plus la Loire Atlantique depuis le régime pro nazi de Pétain et ses décrets de 1941. Mais Gwenrann est du breton signifiant Pays Blanc (Guérande en langue française) et est bien sûr en Bretagne. Des hermines figurent d’ailleurs sur son blason.
https://www.nhu.bzh/wp-content/uploads/Ne-pas-confondre-région-Bretagne-et-Bretagne-1.jpg

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Pradel 8 janvier 2024 - 7h15

Merci pour cet entretien qui m’a appris des choses. Plus globalement il aurait été intéressant de découvrir plus précisément la lutte qui a été engagée il y a déjà quelques dizaines d’années car l’avenir du marais était alors très compromis par un plan de construction qui aurait entièrement détruit les mieux naturels pour mettre en place un ensemble immobilier et portuaire entre Guerande et la Baule. Aujourd’hui une coopérative rassemble la majorité des paludiers.
Je constate par ailleurs que nous êtes l’objet ici de quelques attaques par des gens qui ne connaissent pas le pays guérandais très ancré dans l’histoire de Bretagne. Je pense que cela n’est pas l’oeuvre de personnes mais bien d’une seule officine.

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