Entre réalité et légende : Les Migrations bretonnes en Armorique
Lorsque l’imaginaire s’impose face à l’Histoire, le message transmis s’égare parfois dans des chemins de traverse.
Sommaire
Une image d’Epinal ne fait pas l’Histoire :
Aussi belle soit-elle, cette image de moines traversant la Manche sur des auges de pierre pourrait prêter à sourire. Débarquant sur les côtes septentrionales de l’Armorique, Saint Guénolé, Saint Méen, Saint Gelvin, Saint Brandan (Brendan) et tous leurs congénères créateurs d’abbayes, de paroisses et d’ermitages occupent une place importante dans les discours vernaculaires.
Ressassées à l’infini, ces convictions viennent occulter les actes historiques participant largement à la création de notre identité régionale. Alors, si on accepte de scruter les faits, si on soulève le voile des phantasmes on perçoit une autre réalité concernant les liens qui unissent les peuples des contrées littorales de la Manche. Une réalité où transparait la volonté des hommes à s’ouvrir aux autres. Une réalité aux origines décelées dès les temps préhistoriques.
Origine des contacts outre-manche :
Oublions les auges de pierre pour les remplacer par de solides bateaux construits en bois.
Les archéologues suédois de l’université de Göteborg nous apprennent la diffusion du mégalithisme armoricain dès le début du Néolithique sur l’ensemble des pays ouverts sur la façade atlantique. Ainsi donc nos ancêtres étaient déjà des précurseurs !
L’Histoire maritime de la Bretagne permet de comprendre la réalité de contacts et d’échanges débutés dès ces temps anciens (vers -4 800 ans avant notre ère). Durant l’Age du Bronze, c’est un véritable commerce maritime qui s’instaure.
La cassitérite, l’ambre de la baltique, et d’autres matériaux transitent d’une région à l’autre. Par leurs infrastructures et l’intensité du trafic, des ports se remarquent sans difficulté à l’Age du Fer de chaque coté de la Manche. Ils se multiplieront durant la période gallo-romaine pour soutenir une activité maritime prospère. De la péninsule ibérique aux Pays nordiques en passant par les îles britanniques, des marchandises et des hommes se déplacent. Par une confrontation des cultures, ils s’enrichissent de nouveaux savoirs.
L’Océan pour horizon – Histoire maritime de la Bretagne des origines à nos jours
Les migrations du Haut Moyen Age suivent des routes connues :
Durant la phase finale de l’occupation romaine, la petite Bretagne se trouve confrontée à une suite de soulèvements et révoltes (les Bagaudes). Pour tenter de stabiliser les communautés, des cohortes de l’armée romaine (stationnées en Grande Bretagne) sont envoyées sur le continent en 184, 287 et 293.
En 383, le général Maxime débarque avec une troupe importante. Ce puissant contingent est suivi de plusieurs communautés civiles fuyant les conflits locaux de territoires en outre-manche.
A partir du Ve siècle, alors que le pouvoir romain s’est effondré en Gaule, Clovis ne parvient pas à soumettre la péninsule bretonne.
Lors de la difficile succession qui oppose ses deux fils Clotaire et Childebert (511-538), par stratégie politique, ce dernier favorise l’immigration de Grande Bretagne. Fuyant l’instabilité occasionnée par les Pictes, les Jutes et les Saxons des communautés entières quittent le Pays de Galles et les Cornouailles britanniques. Elles seront suivies par des migrants irlandais chassés par la présence agressive des Scots.
Arrivants dans des contrées déjà connues et au contact avec des populations fréquentées depuis des millénaires, ces émigrés auront peu de difficultés pour s’intégrer. Reproduisant sur place leur organisation sociétale, établie autour d’un leader (le Machtiern), elles s’inscriront dans des schémas reconnus et acceptés par les groupes autochtones.
En suivant les mêmes parcours migratoires, les ecclésiastiques, qu’ils appartiennent à ordre régulier, ou qu’ils soient gyrovagues, seront à l’origine d’abbayes, de paroisses ou d’ermitages. Leur sanctification rarement reconnue par la papauté ne réduira pas la dévotion du peuple.
Si on estime à environ 50 000 personnes débarquées durant cette séquence du Haut Moyen Age, il apparait évident que ces migrations ainsi que toutes les précédentes auront marqué le particularisme identitaire des populations de la Bretagne. Ces déplacements de populations se poursuivront jusqu’à XVIIIe siècle par la venue importante de Jacobites fuyant le règne de Guillaume d’Orange.
Quand la science bouscule les convictions :
Venant confirmer ces faits, le grand programme d’études génétiques (Acide Désoxyribonucléique) lancé ces dernières années sur l’origine des peuples de l’Europe occidentale montre un réel particularisme breton. Si comme l’ensemble des européens nous détenons encore quelques gênes hérités de Neandertal, les chercheurs nous apprennent toutes les influences de la longue saga du peuplement régional.
On peut reconnaître des traces communes dues aux apports des migrations Néolithiques venues du Proche-Orient (Croissant fertile). Les expatriations bretonnes, aujourd’hui parfaitement attestées, apparaissent nettement marquées dans notre chaine ADN. Le bref passage des Vikings (à peine un siècle) n’a pas échappé à l’analyse des chercheurs.
En conclusion, dans leurs publications les scientifiques reconnaissent un particularisme nettement affirmé sur les 2300 analyses effectuées sur des sujets de souche bretonne péninsulaire. Associés aux autres découvertes archéologiques ces éléments nous appellent à la prudence dans certaines affirmations.
Des Celtes Atlantiques ?
Aussi, pour trouver une explication rationnelle au particularisme des peuples de la péninsule armoricaine, ne pouvant rejeter les éléments factuels et pour ne pas rompre avec des mythes entretenus, certains spécialistes proposent l’idée d’une souche celte/atlantique. Cette proposition qui s’appuie sur la fréquence des croisements de populations littorales du Néolithique jusqu’au XVIIIe siècle, réduit sensiblement l’impact des influences d’Europe centrale.
En s’invitant dans le débat, les avancées de la recherche scientifique nous imposent la réflexion.
Photo de couverture ©BreizhOdyssée
5 commentaires
Votre chronique est intéressante ,mais le terme viking est de plus plus controversé en ce qui concerne la dénomination des peuples nordiques .En effet le terme viking signifie plutôt expédition ,si celles ci étaient le fait de nordiques à la base d’autres aventuriers issus de divers peuples prenaient part ,dans le but de piller ,commercer conquérir de nouveaux territoires et parfois terroriser les populations .
Votre observation sur ce qu’englobe le mot Viking est parfaitement justifiée. Plus connus aux périodes médiévales sous l’appellation de Norman’s (hommes du nord) ces groupes d’incursions sont constitués d’individus provenant de différentes régions. On y retrouve d’ailleurs de nombreux Teutons associés à des navigateurs originaires de la mer du Nord à la mer Baltique.
Par contre le terme viking, employé par les historiens et archéologues n’est nullement controversé. Il est reconnu comme un terme générique permettant de désigner un type de raid dans une séquence chronologique définie.
Cet article n’ayant pas pour objectif d’évoquer l’histoire de ces raids, j’ai choisi d’utiliser le générique en étant attentif à ne pas parler ni de nation viking, ni de peuple viking
Pour un article au titre qui en intéresse plus d’un on reste sur notre faim, on nous parle plus de la préhistoire, des vikings et des jacobites.
D’ailleurs ca représente quoi les jacobites en bretagne?
Rien sur la reconquête bretonne depuis la Brittia, comme si tout serai venu de l’influence des rois de france!!!
Ca fait vachement orienté comme article.
Trugarez deoc’h Yannick
a galon
Bonjour,
de même que Jorj-2, je reste dubitatif. Je n’arrive pas à saisir le propos sur l’origine celtique des Bretons: la considérez-vous comme un fait ou comme une simple légende?
Par ailleurs, je serais très curieux d’en s voir plus sur les 2300 analyses effectuées sur des sujets de souche bretonne péninsulaire. En quelle occasion et quels résultats?
merci