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Et si TikTok décidait ce que pensent les jeunes Bretons ?

de NHU Bretagne

TikTok fait désormais partie du quotidien des jeunes Bretons.
L’application n’est plus seulement un espace de divertissement. Elle agit comme un média total, un filtre culturel et un outil d’influence massif. Elle façonne ce que l’on voit, conditionne ce que l’on croit et influence même ce que l’on devient. Depuis cinq ans, elle a remplacé une grande partie de l’influence autrefois détenue par la presse régionale.

Pendant longtemps, nos parents ont construit leur vision du monde dans les colonnes de la PQR : Le Télégramme, Ouest-France, ces journaux d’un autre siècle, largement subventionnés par l’État central. Ils diffusaient une information contrôlée, parfois utile, souvent institutionnelle. Ils façonnaient l’opinion douce­ment, avec un récit national standardisé. Ainsi, ils ont structuré l’imaginaire breton pendant plusieurs décennies.

Cependant, ce système ne fonctionne plus. Il ne parle plus aux jeunes. Il ne parle plus à une génération qui ne lit plus la presse papier et qui se méfie des médias institutionnels. Ce qui échappe désormais aux journaux échappe aussi à leurs financeurs. Les jeunes Bretons s’informent ailleurs. Ils s’informent vite, en continu. Ils s’informent sur des plateformes qui obéissent à des intérêts qui ne sont ni français, ni bretons.

Finalement, un système d’influence en remplace un autre. On ne peut même plus parler d’“information”. On évolue dans une forme d’infopagande algorithmique où les plateformes choisissent ce qui apparaît, ce qui disparaît et ce qui devient viral.

Pourquoi TikTok inquiète les non-Chinois, et Meta les non-Américains ?

On pourrait croire que TikTok inquiète l’Occident pour des raisons morales. Ce n’est pas le cas. TikTok inquiète les non-Chinois parce qu’il appartient à Pékin. Meta inquiète les non-Américains parce qu’il appartient à Washington. Chaque puissance redoute la domination médiatique de l’autre. Chaque État craint de perdre la maîtrise de la perception, de la culture et des imaginaires.

Mais ce débat semble déjà dépassé. Pendant que l’on discute de la “menace chinoise” ou de la “domination américaine”, personne ne voit l’arrivée des monstres qui redessinent le monde. TikTok, Meta, Alphabet, OpenAI, DeepSeek… Ils ne sont plus des entreprises. Ce sont des infrastructures géopolitiques. Ils influencent la manière dont les jeunes apprennent, communiquent, consomment ou militent.

TikTok crée les tendances mondiales.
Instagram fabrique les normes sociales.
YouTube organise l’attention collective.
ChatGPT structure les textes, les idées et les récits.
DeepSeek accélère la vitesse cognitive.

Face à ces colosses, même les États européens ne font plus le poids. La Bretagne encore moins que les autres. La jeunesse bretonne dépend désormais d’algorithmes conçus à San Francisco, Seattle ou Shenzhen. Et aucun de ces systèmes ne comprend la Bretagne. Aucun ne connaît sa langue. Aucun ne porte son histoire.

L’algorithme : un filtre invisible mais total

L’algorithme de TikTok décide ce que chacun voit. Il met en avant ce qui attire et écarte ce qui ne capte pas l’attention. Il privilégie la vitesse, l’émotion et les signaux faibles. Ce fonctionnement ne laisse aucune place à la nuance. Il pousse les contenus faciles et évite les contenus complexes. Il lisse le monde pour mieux retenir les regards.

Ainsi, de nombreux jeunes Bretons s’informent sans jamais lire un journal, écouter la radio ou regarder un reportage complet. Leur fil d’actualité devient leur principale source d’information. Il devient leur premier contact avec l’histoire, la politique, l’identité ou l’actualité.

Ce filtre n’est ni neutre ni innocent. Il impose une vision du monde, il impose une hiérarchie et une forme de réalité.

Ce que TikTok montre de la Bretagne : paysages, folklore et humour

TikTok aime la Bretagne lorsqu’elle est simple. L’application met souvent en avant :

  • les paysages côtiers,
  • les drapeaux bretons flottant au vent,
  • les clichés humoristiques,
  • les soirées festives,
  • les codes folkloriques.

Ces contenus plaisent. Ils rassurent et amusent. Ils créent une Bretagne séduisante mais superficielle. Une Bretagne-cartoline, charmante mais sans profondeur. Une Bretagne consommable.

Ce que TikTok ne montre pas : langues, lutte, Histoire, autonomie

L’algorithme invisibilise ce qui ne génère pas suffisamment de réactions immédiates. Ainsi, il met rarement en avant :

Ces sujets existent. Ils sont portés par des militants, des associations, des créateurs ou des médias comme NHU Bretagne. Cependant, TikTok ne les diffuse presque jamais. Pour l’algorithme, ils ne sont pas “performants”.

Résultat : une génération peut vivre en Bretagne sans jamais voir la Bretagne réelle.

Langue bretonne : une opportunité immense, un risque énorme

TikTok pourrait devenir un outil formidable pour diffuser la langue bretonne. Des milliers de jeunes pourraient l’entendre chaque jour. Ils pourraient la voir utilisée dans des vidéos, des défis, des chansons ou des tutos.

Cependant, l’algorithme privilégie la norme dominante. Il diffuse davantage le français standard et surtout l’anglais. Il diffuse ce qui fonctionne le mieux à l’échelle mondiale.

Ainsi, de nombreux jeunes Bretons ne voient jamais une vidéo en breton. Ils ne voient jamais une vidéo en gallo. Ils ne voient jamais un contenu bilingue. Cela renforce une impression fausse : la langue n’existe plus.

Et si les jeunes Bretons apprenaient à dompter les monstres numériques ?

Soyons réalistes. La Bretagne n’a pas les moyens d’imposer un modèle technologique alternatif. Elle peine déjà à financer Diwan ou à protéger ses médias indépendants. Imaginer rivaliser avec TikTok, Meta, Google, OpenAI ou DeepSeek relève de la science-fiction.

Cependant, il existe une stratégie réaliste, concrète et puissante :
former les jeunes Bretonnes et Bretons à maîtriser les outils numériques qui dominent déjà le monde.

Nous ne gagnerons jamais la bataille de la puissance.
En revanche, nous pouvons gagner la bataille de l’usage.

Dès le collège, il faudrait apprendre :

  • comment fonctionnent les algorithmes,
  • comment TikTok sélectionne ou élimine un contenu,
  • comment créer des vidéos bretonnes visibles,
  • comment optimiser les hashtags et les formats,
  • comment protéger ses données,
  • comment utiliser l’IA pour diffuser la langue et la culture,
  • comment reprendre du terrain dans un espace numérique qui ne nous connaît pas.

Nous n’aurons jamais les moyens de créer les plateformes.
Mais nous avons largement les moyens d’apprendre à les dompter.

En Bretagne, reprendre la main sur nos imaginaires

TikTok amuse, mais TikTok influence. Bien sûr, TikTok connecte, mais TikTok oriente. TikTok aide à créer, mais TikTok efface aussi. Il décide ce que voient les jeunes Bretons et leur impose une Bretagne superficielle. Il ignore la Bretagne politique, culturelle ou linguistique.

La question n’est plus : que lisent les jeunes Bretons ?
La question est : qui décide ce qu’ils voient ?

Et surtout :
qui décidera demain de ce qu’ils pensent ?

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