saints superhéros bretons

Les saints, ces superhéros bretons

de Erwann PEÑSEC

Les saints, ces superhéros bretons

Les saints, superhéros bretons.
Depuis bien des décennies, notre imaginaire collectif est peuplé de superhéros Marvel, Disney ou DC Comics, issus d’une culture mondialisée, lissée, nous éloignant toujours plus de nos racines véritables. Pourtant, en Bretagne, nous possédons traditionnellement un large éventail de personnages tout aussi inspirants et charismatiques, qu’il s’agisse de héros ayant véritablement existé ou issus de légendes ancestrales, mais aussi des figures présentes dans les récits religieux.

Les saints bretons, au nombre de plusieurs centaines, représentent une source intarissable d’émerveillement, chacun disposant de sa propre épopée, de « pouvoirs surnaturels » et d’actes miraculeux. Ces individus aux destins extraordinaires ont tant marqué notre identité qu’ils se retrouvent encore aujourd’hui dans les noms de nos villes, dans les sculptures ornant l’ensemble de notre territoire, au gré de nos fontaines, calvaires et chapelles. Aussi, peut-être serait-il bon de raviver la mémoire de ces hommes et de ces femmes ayant été, durant des siècles, vénérés par nos ancêtres, et n’ayant aucunement à pâlir face à ces Superman, Spiderman et autres Iron Man venus d’ailleurs.

Voici donc le portrait, digne des plus beaux contes, de quelques-uns d’entre eux, accompagné des fabuleuses illustrations du duo d’artistes Eon Avel, originaire de Cornouaille et œuvrant au renouveau de la représentation graphique de notre identité millénaire.

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Saint Corentin / Sant Kaourintin

L’un des Sept saints fondateurs de la Bretagne, il était autrefois ermite dans les forêts de Plomodiern / Ploudiern, au pied du Menez Hom. Il y vivait en toute piété près d’une fontaine magique, dans laquelle se trouvait un poisson qui, bien qu’il en prélevait chaque jour un bout pour son repas, se reconstituait éternellement. Cet animal est depuis devenu le principal attribut de Corentin dans sa représentation.

Un jour, Gradlon, roi d’Armorique et de Cornouaille, s’égara avec sa suite lors d’une partie de chasse dans les bois. Affamés, lui et ses hommes furent alors secourus par Corentin. Il les nourrit de ce même poisson, qui, en cette occasion, se démultiplia. Le seigneur le convia ensuite à Kemper pour qu’il en devienne le premier évêque. Gradlon lui céda pour cela son palais, qui se trouvait, dit-on, à l’emplacement de l’actuelle cathédrale, et élit lui-même domicile dans la légendaire cité d’Ys.

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Saints superhéros bretons – Sant Ronan par Breuuenn (Eon Avel)

Saint Ronan / Sant Ronan

Un jour, Ronan vit surgir un loup tenant dans sa gueule un mouton et poursuivi par un homme en détresse. Il prit ce dernier en pitié et pria Dieu de sauver l’animal. Aussitôt, le mouton se retrouva aux pieds des deux hommes. Le berger alla par la suite souvent voir Ronan pour qu’il lui parle de Dieu. Cependant, sa femme, Keben (souvent présentée comme une druidesse, son nom signifie « mégère » en breton), injuria Ronan et l’accusa d’avoir ensorcelé sa famille, lui demandant donc de se tenir à distance sous peine de châtiment. Elle alla ensuite voir le roi Gradlon, accusa Ronan d’avoir tué sa fille et de se transformer en loup. Le souverain ordonna alors d’enfermer le sage à Kemper. Puis, on l’attacha à un arbre et on lâcha sur lui deux chiens sauvages et affamés. Imperturbable, Ronan fit alors un signe de croix sur son cœur et, aussitôt, les bêtes s’enfuirent.

Voyant ce miracle, Gradlon demanda à Ronan ce qu’il voulait. L’ermite exigea la grâce pour Keben : sa fille n’était pas morte, mais elle l’avait enfermée dans un coffre. L’on alla ouvrir ce dernier et l’on y trouva néanmoins le cadavre de l’enfant, qui avait fini par succomber. Ronan la ressuscita, ce qui incita le roi et ses gardes à s’agenouiller et à implorer son pardon.

Un matin, un paysan le découvrit mort et décida de couper son bras droit afin de le conserver en guise de relique. Or, la nuit suivante, son propre bras se détacha de son corps. Il se hâta donc de rendre celui de Saint Ronan, et recouvra le sien.

Par la suite, la charrette transportant la dépouille du saint croisa le chemin de Keben, qui en profita pour se moquer de lui. Soudain, la terre s’ouvrit et l’aspira dans les flammes en un lieu désormais dénommé Bez Keben (Tombe de Keben), à Locronan. L’on dit d’ailleurs que la Kroaz Keben (Croix de Keben), érigée ici, est la seule devant laquelle les Bretons ne doivent pas s’incliner.

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Saints superhéros bretons – Saint Gwenole par Breuuenn (Eon Avel)

Saint Guénolé / Sant Gwenole

En 490, Guénolé ouvrit miraculeusement un passage dans la mer depuis l’île de Tibidy pour aller fonder, sur la rive opposée, à Landevenneg, une nouvelle abbaye, qui deviendra l’une des plus anciennes et importantes de Bretagne.

Selon une légende, il aurait accompli un miracle sur sa petite sœur Klerwi lorsqu’elle était très jeune. Un jour en effet, la fillette rentra chez elle en hurlant de douleur : une oie s’était emparé de son œil et l’avait mangé. Guénolé se rendit donc à la basse-cour et repéra un jars au centre du groupe. Il l’éventra et reprit l’œil de sa sœur pour le lui rendre. Il la signa de la croix et Klerwi recouvra la vue. C’est ainsi que Guénolé devint saint et patron des ophtalmologistes.

Une autre légende raconte que, lorsque Fragan, le père de Guénolé, emmena ses trois fils en bateau sur l’île Lavrec pour les confier à saint Budoc, les voyageurs furent pris par une brutale tempête. Guénolé la calma par un signe de croix. Depuis, le saint est également invoqué pour la quiétude des marins et s’impose comme le patron des femmes de marins-pêcheurs.

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Saints superhéros bretons – Sant Telo par Breuuenn (Eon Avel)

Saint Théleau / Sant Telo

Chassé par la peste qui sévissait dans son Pays de Galles natal, il débarqua en Armorique. Cherchant à s’établir dans la forêt de Landelo, il fut alors attaqué par les chiens du seigneur de Châteaugal. Le noble retint les animaux et promit au saint de lui accorder toutes les terres qu’il pourrait parcourir en une journée. Alors, un cerf apparut et proposa à Théleau de le chevaucher. Tous deux partirent ainsi au galop délimiter la nouvelle propriété du saint.

Par la suite, en compagnie de Saint Samson, dont il devint le disciple, il aurait géré le premier monastère de Dol et aurait planté un verger long de cinq kilomètres pour nourrir les pauvres. L’on affirme d’ailleurs que ce serait une branche de pommier ramenée par Théleau du Pays de Galles qui serait à l’origine des beaux pommiers qui fleurissent désormais dans toute la Bretagne.

Un jour, le prince Budic, marié à la sœur de Théleau, vint le supplier de délivrer l’Armorique d’un dragon qui avait déjà fait périr bien trop de monde. Théleau, inspiré du ciel, attaqua par conséquent le monstre et, lui passant son étole autour du cou, le précipita dans la mer.

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Saints superhéros bretons – Saint Mediateur par Breuuenn (Eon Avel)

Saint Médiateur

Ainsi, à l’instar du Saint Médiateur fictif imaginé par Breuuenn, intemporel et se dressant en figure conciliatrice, il serait intéressant, en Bretagne, de replacer les saints au cœur de notre imaginaire collectif. Que l’on soit croyant ou non, ces personnages sont une source intarissable d’inspiration, incarnant bonté et don de soi, tandis que leurs exploits ne sont en rien inférieurs à ceux des héros de notre enfance. L’on peut d’ailleurs regretter que leur vie ne fasse pas plus l’objet d’œuvres à destination des jeunes Bretons : dessins animés, livres imagés ou autres.

Ce serait un excellent moyen de planter une graine dans leur inconscient, qui ne demanderait qu’à germer et servir de terreau pour une identité bretonne florissante. Élevons donc au rang de modèles intergénérationnels ces hommes et ces femmes ayant été les fondateurs de la Bretagne et ayant fait office, des siècles durant, de ciment pour notre société, au point d’en être, aujourd’hui encore, omniprésents dans notre paysage, et ce, sous les formes les plus diverses : monuments, simples toponymes, ou rites toujours vivaces.

Version originale à retrouver sur l’Instagram Éveil Breton / Dihun Breizh

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2 commentaires

Anne Merrien 15 août 2025 - 12h10

La supposée druidesse est affublée d’un sobriquet d’origine latine (keben viendrait du latin cupiere, convoiter), tandis que les autres ont des noms celtiques (du vieux breton) :
Kaourintin (secourable) de cobrant (secours) avec diminutif en -in
Gradlon (gracieux) de grat (grâce) et lon (plein)
Ronan de ron (phoque) avec diminutif en -an
Gwenole de uuin (blanc, sacré, heureux, béni) et de uualoe (valeureux)
Klerwi ou Kreirvia (joyau)
Fragan (irlandais Fraochan ?)
Budoc de bud (gain, victoire, bénéfice), diminutif en -oc, hypocoristique de Budmael (mael : prince)
Telo avec le préfixe hypocoristique Te- (que tu es) suivi d’une forme affective d’Eliud (de sens obscur)
Quant à Samzun, c’est un nom hébraïque (gardien).
D’après Albert Deshayes.

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