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L’histoire du Gouren, un jeu millénaire qui se mondialise.

de Maël KERDRAON
Publié le Dernière mise à jour le

Les origines très anciennes du gouren.

L’origine du gouren ou lutte bretonne se perd dans les brumes les plus lointaines de l’Histoire. Seule certitude, c’est que cette pratique guerrière devenue jeu des campagnes puis sport moderne est très ancienne.

Le gouren serait né d’un brassage culturel entre la lutte apportée par les Bretons et les Irlandais lors des migrations du IVème au VIème siècle et celle pratiquée par les Armoricains. La lutte bretonne a beaucoup de points communs avec le back hold présent dans le nord de l’Angleterre et l’Écosse et surtout la lutte cornique que l’on trouve en Cornouailles britannique.
Le terme gouren est mentionné dès 1464 dans Le Catholicon, le tout premier dictionnaire trilingue (breton, français, latin) où l’on peut lire : « gouren : lutter ; gourener : lutteur ».

Des règles fondées sur l’honneur et le respect

Il s’agit d’une lutte pratiquée exclusivement debout dont le but est de mettre sur le dos son adversaire avant toute autre partie du corps. C’est ce que l’on appelle le lamm qui donne le gain immédiat du combat. Une autre spécificité du gouren, c’est que les mains agrippent uniquement dans la roched (chemise en français), et les jambes bien sûr qui peuvent s’accrocher entre elles, permettant de nombreuses techniques comme les barrages, les taolioù gar (fauchages en français), les taolioù skarzh (balayages en français), ou encore le fameux kliked (enroulé d’orteil autour du mollet de son adversaire) qui a forgé la réputation des lutteurs bretons, et que certains chroniqueurs ou écrivains nommaient « croc en jambe » ou encore « jambette à la mode de Bretagne ».

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Gouren ou lutte bretonne en français – Photo de Joël MARC Porspoder 2017

La notion de respect de l’adversaire est primordiale.

Le gouren a hérité de valeurs chevaleresques du Moyen Âge qui ont perduré au cours des siècles. Les lutteurs, aujourd’hui encore, prêtent serment avant chaque tournoi. On ne peut combattre sans avoir au préalable levé la main droite et juré « de lutter en toute loyauté, sans traîtrise et sans brutalité… ».
Chaque lutteur témoigne de sa sincérité par ce serment et s’engage à respecter la coutume des ancêtres. Commettre un fazi (faute en français) donne un avantage important à l’adversaire, avoir un comportement violent ou dire une parole injurieuse entraîne immédiatement le divrud (la disqualification en français).

Les hauts faits des lutteurs bretons à travers l’histoire.

Cet esprit chevaleresque et cette notion d’honneur n’ont rien d’étonnant.
La littérature médiévale narrant les exploits du roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde fait référence à la lutte que pratiquent le souverain et sa cour.

Mais de quelle lutte celtique s’agissait-il ? Le back hold ? La lutte cornique ? La lutte bretonne ?
Le premier livre qui mentionne à proprement parler la lutte bretonne ou gouren se nomme l’Histoire de Bertrand du Guesclin et de son époque de Siméon Luce. On y apprend qu’en 1337, le jeune noble alors âgé de dix-sept ans participe à un tournoi de lutte bretonne et gagne le premier prix.

La noblesse s’adonne au gouren avec fougue et passion. Les lutteurs au XVème siècle sont très appréciés des Ducs de Bretagne qui font appel à eux pour les escorter à Bourges ou à Tours à la cour du roi de France.

Même les Rois s’y mettent …

En 1520, lors de la fête du Camp du Drap d’Or, à Ardres, François Ier et Henri VIII assistent à des luttes entre Français et Anglais en trinquant. Le monarque anglais attrape tout à coup le roi français au col et lui dit : « Mon frère, je veux lutter avec vous ». Le roi de France qui s’était instruit à l’école des gars de Quimper et de Vannes lui donne un tour de Bretagne et le jette par terre nous raconte le Maréchal de Florange, témoin de l’événement.

La noblesse voyait dans cette lutte un excellent exercice de préparation physique et militaire, mais répandait aussi sa pratique en encourageant les paysans à la pratiquer.
Tel un ciment social, toutes les classes de la société bretonne de l’Ancien Régime se sont adonnées au gouren, y compris le clergé.

Gouren de Bretagne

Le gouren ou lutte bretonne

Une pratique guerrière prisée des paysans.

A partir du XVIIème siècle, avec l’émergence des armes à feu, la noblesse va peu à peu délaisser cette pratique guerrière au peuple qui va en faire un jeu des campagnes sans abandonner pour autant les notions d’honneur et de respect et la règle fondamentale qui reste la recherche du lamm.

Au XVIIIème siècle, la réputation des Bretons à la lutte est connue de tous. Jacques Cambry, en 1794, dans son Voyage dans le Finistère fait l’éloge des lutteurs bretons en affirmant : « la lutte, exercice dans lequel les Bretons l’emportent sur toutes les nations du monde ».

Au XIXème siècle, des écrivains comme Emile Souvestre ou Auguste Brizeux et des peintres comme Paul Sérusier ou Paul Gauguin ont immortalisé le gouren, en décrivant ou en peignant des combats épiques entourés par une foule survoltée et chahutante, ou bien absorbée et extrêmement attentive, preuve de la passion immodérée de tout un peuple pour ses luttes. Les artistes évoquent les trophées comme une génisse, un taureau ou un bélier, le fameux maout, mis en jeu chaque été, de nos jours encore, lors des tournois mod kozh (à l’ancienne mode en français).

Un vif succès populaire

Au XIXème et dans la première moitié du XXème siècle, le gouren connaît un immense succès populaire en Bretagne, comme l’attestent les photos, les cartes postales puis les films de l’époque. Il s’agit du jeu roi des campagnes.

En 1930, le docteur Charles Cotonnec règlemente le gouren. Le nouveau serment remplace alors l’ancien empreint de croyances et de superstitions. Le jeu des campagnes devient alors un sport codifié. Le docteur COTONNEC et ses compagnons créent la première fédération, la FALSAB (Fédération des Amis des Luttes et des Sports Athlétiques Bretons) qui modernise le gouren en appliquant une durée de combat, des catégories d’âges et de poids, des points intermédiaires, une lice en sciure de bois…

Un sport moderne en pleine expansion.

Au cours du XXème siècle, le gouren, sans se dénaturer et en gardant son règlement qui lui est propre, a beaucoup évolué, et il continue de le faire au XXIème siècle.

A l’heure actuelle, la lutte bretonne compte 1700 licenciés. La Fédération de Gouren est organisée en une cinquantaine de skolioù (clubs en français), en comités départementaux, et fait partie depuis 1995 de la FFL. Le gouren est une option facultative du Baccalauréat, 25% des licenciés sont des féminines, beaucoup d’enfants et d’adolescents le pratiquent en loisir comme en compétition, des salariés fédéraux diplômés du BPJEPS interviennent dans les établissements scolaires de toute la région.

Deux saisons rythment le calendrier fédéral.
Une saison d’hiver, en salle et sur pallenn (tapis en français) qui se ponctue par le Championnat de Bretagne, ainsi qu’une saison d’été en extérieur et sur sciure de bois, jalonnée de neuf tournois à l’issue de laquelle le meilleur lutteur est récompensé par le Trophée Pierre Philippe, et la meilleure lutteuse se voit remettre le Trophée Triskell.

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Fédération de gouren

Les compétiteurs sont des athlètes de haut niveau à part entière.

Les plus motivés d’entre eux peuvent notamment intégrer l’Équipe Internationale de Bretagne qui vient de remporter chez les femmes comme chez les hommes le titre de Championne d’Europe des luttes celtiques en avril 2017 à Brück, en Autriche. Dès 1928, des rencontres interceltiques entre Bretons et Corniques eurent lieu, remplacées par les Championnats d’Europe à partir de 1986, suite à la création de la FILC (Fédération Internationale des Luttes Celtiques) qui regroupe aujourd’hui une douzaine de nations.

Ainsi le gouren ne cesse son évolution.

Le gouren ne cesse son évolution à l’image des plus grands championnats d’Europe jamais organisés jusque-là en 2016 à la Brest Arena, et de la participation de l’Afrique et de l’Amérique, nouveaux continents dans la sphère du goure, représentés par les équipes de la République Démocratique du Congo et des USA depuis quelques années lors des rencontres internationales. Les valeurs de respect, d’honneur, de partages et d’échanges entre les peuples transmises par le gouren semblent aujourd’hui séduire plusieurs nations.
Le jeu millénaire breton poursuivra-t-il cette ascension et cette mondialisation dans les années 2020 ?
L’avenir nous le dira.

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