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Irlande et Bretagne, deux territoires pour une même fracture
Irlande et Bretagne, deux partitions.
La Loire-Atlantique est-elle à la Bretagne ce que l’Irlande du Nord est à l’Irlande ?
À première vue, le parallèle peut surprendre. Pourtant, ces deux territoires connaissent une histoire étonnamment similaire. Une séparation politique et administrative imposée de l’extérieur. Une volonté centralisatrice d’affaiblir un peuple. Et surtout, un potentiel économique majeur que les États dominants cherchent à contrôler.
D’un côté, Londres. De l’autre, Paris.
Une partition imposée
Commençons par le commencement.
L’Irlande a été colonisée dès le XIIe siècle par l’Angleterre. Après plusieurs siècles de luttes, une partie du pays obtient son indépendance en 1921. Mais les six comtés du nord-est, à majorité unioniste, restent sous domination britannique. C’est la naissance de l’Irlande du Nord. Une partition vécue comme une blessure profonde par la majorité des Irlandais.
Côté breton, la fracture intervient plus discrètement, mais tout aussi brutalement. En 1941, sous le régime de Vichy, la Loire-Inférieure – aujourd’hui Loire-Atlantique – est détachée de la Bretagne. Cette décision, jamais justifiée démocratiquement, sera entérinée par les pouvoirs publics français après-guerre. Depuis, Nantes / Naoned, ancienne capitale de la Bretagne, est administrativement rattachée aux Pays de la Loire, une région artificielle sans âme ni identité historique, et condamnée à disparaître dans les hérésies de l’Histoire.
Irlande et Bretagne, deux partitions à population équivalente
Les parallèles ne s’arrêtent pas là.
L’Irlande du Nord (ce que nous préférons nommer « nord de l’Irlande) compte aujourd’hui environ 1,9 million d’habitants. La Loire-Atlantique, elle, en regroupe près de 1,5 million. Deux territoires de taille comparable, au poids démographique conséquent. Leur importance stratégique, politique et économique n’a donc rien d’anecdotique.
Ces chiffres pèsent lourd dans les équilibres régionaux. En séparant ces territoires de leur nation historique, les pouvoirs centraux ont affaibli les ensembles auxquels ils appartenaient. Une stratégie claire : diviser pour mieux régner.

Une logique coloniale assumée
À Londres comme à Paris, les logiques sont identiques. Il s’agit de contrôler les marges. D’empêcher toute montée en puissance des nations dites périphériques. Et de casser les dynamiques culturelles et politiques d’émancipation.
En Irlande, la partition s’est accompagnée de décennies de tensions, de discriminations et de violences. En Bretagne, la séparation de la Loire-Atlantique a entraîné un affaiblissement du sentiment d’unité nationale bretonne. Et pourtant, dans les deux cas, les populations concernées n’ont jamais été consultées. Aucun référendum. Aucune enquête d’opinion. Rien. Juste des décisions prises en haut lieu, imposées à des peuples entiers.
L’industrie comme enjeu central
Autre point commun majeur : l’industrie. Et en particulier la construction navale.
Belfast / Bhéal Feirste, dans le nord de l’Irlande, est célèbre pour ses chantiers navals, notamment Harland and Wolff, où fut construit le Titanic. Ces industries ont longtemps été un pilier de l’économie irlandaise du Nord, tout en servant les intérêts stratégiques britanniques.
À Nantes / Naoned et Saint-Nazaire / Sant Nazer, en Loire-Atlantique, la construction navale est également un secteur historique. Les Chantiers de l’Atlantique figurent parmi les plus importants d’Europe. Longtemps au cœur de la puissance économique bretonne, cette industrie a été déconnectée du reste de la Bretagne par la partition. Une stratégie qui permet à Paris de garder la main sur une richesse majeure.
Un affaiblissement volontaire du reste du pays
Dans les deux cas, la partition n’a pas seulement pour but de contrôler un pays, île ou péninsule clé.
Elle vise aussi, et surtout, à affaiblir le reste de la nation.
L’Irlande, amputée de ses régions industrielles du nord, a dû se réinventer économiquement. Ce n’est qu’à partir des années 1990 que le « tigre celtique » a su tirer son épingle du jeu. La Bretagne, privée de sa façade atlantique industrielle la plus puissante, reste encore aujourd’hui freinée dans son développement économique. La capitale historique, Nantes / Naoned, est volontairement écartée du reste du pays.
Une résistance persistante
Malgré tout, les peuples concernés n’ont jamais abandonné.
En Irlande, la question de la réunification reste d’actualité. Les accords du Vendredi saint (1998) ont ouvert la voie à un référendum d’autodétermination en cas de majorité favorable. De plus en plus de voix, notamment chez les jeunes, militent pour une Irlande réunifiée.
En Bretagne, les appels à la réunification sont constants. Depuis plus de cinquante ans, des mouvements citoyens réclament le retour de la Loire-Atlantique au sein de la région Bretagne administrative. Des sondages réguliers montrent qu’une majorité de Bretons y sont favorables. Mais l’État central, sourd à ces demandes, maintient le statu quo.
Deux visions du monde qui s’affrontent
En filigrane, deux conceptions du monde s’opposent. D’un côté, une logique impériale, centralisatrice, qui refuse de reconnaître les droits des nations sans État. De l’autre, une volonté de reconnaissance, d’autonomie, voire d’indépendance.
La France, malgré son discours sur « les droits de l’homme », refuse obstinément de reconnaître l’existence du peuple breton. L’Angleterre, elle, a fini par accepter, du bout des lèvres, l’existence d’un peuple irlandais distinct. Les accords de paix en Irlande du Nord, aussi imparfaits soient-ils, montrent qu’un autre chemin est possible.
Et demain ?
Le contexte européen et international évolue. Le Brexit a relancé le débat sur la réunification de l’Irlande. L’Écosse souhaite organiser un nouveau référendum. En Bretagne, la société civile se mobilise de plus en plus. Associations, collectifs, élus locaux, jeunes militants… Tous réclament une Bretagne réunifiée, forte, et pleinement actrice de son avenir.
La partition de la Loire-Atlantique n’est pas une fatalité. Comme en Irlande, l’histoire peut s’inverser. Il ne tient qu’à nous de faire entendre notre voix. Pacifiquement, démocratiquement, mais avec détermination.
La Loire-Atlantique et l’Irlande du Nord partagent une histoire commune : celle d’une partition imposée, au nom d’intérêts centralisateurs. Ces deux régions, riches de leur industrie et de leur culture, ont été séparés de leur nation d’origine dans le but d’en affaiblir la puissance. Mais les peuples, eux, n’oublient pas. Ils se lèvent. Et réclament, encore et toujours, le droit à l’unité, à la justice, et à la liberté.