Bretagne est riche en minerais et terres rares

La Bretagne est riche en minerais et terres rares

de NHU Bretagne

La Bretagne est riche en minerais et terres rares : à qui doivent profiter ces trésors ?

Peu de Bretons en ont pleinement conscience : la Bretagne est riche en minerais et terres rares.
Sous leurs pieds, leur pays millénaire cache d’intéressants trésors minéraux. Métaux rares, terres précieuses, ressources stratégiques pour le XXIᵉ siècle… La Bretagne, terre de granit et de légendes, est aussi un sous-sol gorgé de richesses convoitées.
Mais à qui doivent-elles profiter ?
À des multinationales étrangères ou au peuple breton lui-même ?
L’histoire récente et les luttes passées rappellent que, dans ce pays fier et indomptable, rien ne peut se décider sans l’accord de ceux qui l’habitent et l’aiment.

Un sous-sol exceptionnel, trop méconnu du grand public

La Bretagne se distingue géologiquement du reste de l »Hexagone
C’est un vieux massif armoricain, formé il y a plus de 500 millions d’années. Son sous-sol, modelé par des orogenèses successives, recèle une grande diversité minérale : tungstène, étain, antimoine, tantale, lithium, or, plomb, zinc, argent … sans oublier de nombreuses terres rares, indispensables aux nouvelles technologies.

Certaines zones sont particulièrement riches :

  • Monts d’Arrée (Finistère) : potentiels en lithium et tungstène.
  • Tregeneg (Pats Bigouden) : gisement prometteur de lithium de dimension mondiale
  • Bruz et Pont Péan / Pont Pagan (Ille-et-Vilaine) : anciens sites d’exploitation de plomb et de zinc.
  • Beaulieu en Loire Atlantique.

Ces gisements, souvent modestes en taille comparés aux grands sites mondiaux, sont en revanche hautement stratégiques par leur qualité et leur accessibilité.

Carte : alternatives-projetsminiers.org/per-loc-envel

Un contexte mondial qui attise les convoitises

La transition énergétique impose de recourir massivement aux métaux rares pour produire batteries, éoliennes, panneaux solaires ou smartphones. L’Europe, dépendante des importations (notamment de Chine), cherche désormais à sécuriser ses approvisionnements.

Dans ce contexte tendu, la Bretagne attire les regards. Ses ressources minières deviennent un enjeu stratégique.
Et naturellement, des sociétés minières, souvent étrangères, se positionnent.

Tentatives d’exploitation : bilan de dix années

Depuis une dizaine d’années, plusieurs compagnies ont montré un vif intérêt pour le sous-sol breton :

  • Variscan Mines, filiale d’une société australienne, a tenté d’explorer plusieurs permis en Centre-Bretagne (notamment à Silfiac / Silieg, Lokenvel…). Son projet ? Identifier des gisements rentables en tungstène, antimoine et or.
  • Imerys, groupe franco-suisse, s’est intéressé au lithium dans le sud-Finistère, notamment du côté de Tregeneg.
  • D’autres juniors minières canadiennes et australiennes ont discrètement déposé des permis de recherche en Bretagne ces dernières années.

À chaque fois, les projets ont été stoppés.
Pourquoi ?
Parce que partout, la mobilisation populaire a été forte. Les Bretons, méfiants vis-à-vis des décisions prises à Paris ou à l’étranger sans réelle concertation locale, se sont levés. Associations, collectifs citoyens, élus locaux : un large front s’est opposé aux risques de pollution, aux atteintes paysagères, au pillage pur et simple du sous-sol breton.

À Lokenvel notamment, un petit village du Trégor, la résistance a été exemplaire. Un permis d’exploration a été suspendu après des mois de mobilisation acharnée.
L’histoire se répète : dès qu’on tente d’imposer à la Bretagne des projets perçus comme néfastes ou injustes, la riposte est vive.

lithium treguennec
Le message est clair !

Le cas emblématique du lithium de Tregeneg

Parmi les ressources les plus convoitées figure le lithium, métal clé pour les batteries électriques.
À Tréguennec / Tregeneg, dans le Pays Bigouden, un très important gisement a récemment attiré l’attention.

La société française Imerys, via sa filiale dédiée aux minéraux industriels, a effectué des sondages. Les résultats indiqueraient la présence d’un gisement intéressant, en quantité et en qualité. On parle en dizaines de milliers de tonnes.
De quoi alimenter les batteries « made in Europe » pour des décennies ? Peut-être.

Mais encore une fois, les habitants s’interrogent.
À Tregeneg, où le souvenir des exactions durant la Seconde Guerre mondiale (extraction de galets pour le Mur de l’Atlantique) reste vif, personne n’acceptera facilement une exploitation minière sans débat sérieux. La mémoire du pays bigouden est tenace.

La mémoire des luttes : Plogoff, Bonnets Rouges et aujourd’hui

L’histoire récente le montre.
Dans les années 1980, le petit village de Plogoff / Plougoñ a fait plier l’État français face au projet d’implantation d’une centrale nucléaire. Six mois de résistance acharnée, des affrontements violents avec les forces de l’ordre, un pays tout entier soudé pour protéger ses terres.

Plus récemment, le mouvement des Bonnets Rouges (2013) a démontré la capacité des Bretons à se mobiliser contre des décisions injustes, comme l’écotaxe imposée sans concertation.

crise agricole en Bretagne
Au fait, on en est où au niveau du stock ?

Aujourd’hui, face aux enjeux miniers, la même dynamique est à l’œuvre :

  • Refus de voir la Bretagne devenir une colonie intérieure et subir encore et encore des décisions prises trop loin..
  • Exigence que les décisions concernant la Bretagne soient prises par et pour les Bretons.

Le message est clair : si exploitation il doit y avoir, elle devra se faire dans le respect absolu du pays, de ses habitants, et pour leur bénéfice premier.

S'ils font sans toi, alors ils font contre toi
S’ils font sans toi, alors ils font contre toi

Vers une souveraineté minière bretonne ?

Posons la question autrement :
Si demain, la Bretagne choisissait son destin librement, autrement, comment gérerait-elle ses richesses minières ?

On peut imaginer :

  • Une exploitation publique ou coopérative, contrôlée par des structures bretonnes.
  • Une valeur ajoutée locale : pas seulement extraire, mais aussi transformer sur place (raffiner, fabriquer batteries, composants…).
  • Une répartition équitable des bénéfices pour financer l’économie, la transition énergétique locale, la préservation de l’environnement.

C’est tout un modèle vertueux qui pourrait émerger, loin des logiques prédatrices actuelles.

Mais cela suppose une vision politique claire, une volonté collective forte, et surtout… la liberté de décider par nous-mêmes.

La Bretagne est riche en minerais et terres rares : le choix du peuple breton

La Bretagne est riche. Pas seulement de son patrimoine, de sa culture, ou de sa mer.
Elle est aussi riche de son sous-sol, de ses terres rares, de ses métaux stratégiques.

Ces ressources peuvent être une chance immense. Mais elles peuvent aussi devenir une malédiction si elles sont pillées sans discernement, au profit d’intérêts extérieurs.

À la Bretagne, au peuple breton, de faire entendre sa voix.
Fidèles à l’esprit de Plogoff / Plougoñ, des Bonnets Rouges, et de mille ans d’Histoire de résistance, les Bretons sauront, encore une fois, défendre ce qui leur appartient.

L’avenir appartient à ceux qui n’acceptent jamais l’injustice en silence.

La Bretagne devrait décider elle-même
La Bretagne devrait décider elle-même

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3 commentaires

Jean-Luc Laquittant 16 mai 2025 - 19h10

J’ai hélas bien peur, que les Bretons d’aujourd’hui, même s’ils se disent Bretons, ne son plus ceux d’il y a seulement 20 ans. J’espère me tromper, mais je pense que si l’argent est là pour les communes visées et seulement pour elles, ça passera. Mais pas pour toute la Bretagne hélas .

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Émilie Le Berre 17 mai 2025 - 9h42

Aujourd’hui on ne parle plus que de territoire et non d’habitat. Un territoire est une surface abstraite sur lequel on peut poser là un aéroport et prendre l’avion à moins de 50€ pour un petit week-end à Marakech , tracer une LGV et le lundi se rendre à Paris rendre son hommage lige au siège social de sa multinationale ou encore creuser par-ci par-là des trous* pour satisfaire son abonnement à XXX Go de data ou encore utiliser l’AI à des fins futiles.
Il faut en tirer le maximum de « richesse » même si cela n’est que pour satisfaire une minorité à court terme. Quant aux conséquences à long terme, elles seront à la charge de tous les imposables.

L’habitat est autre chose, il y a une vue à long terme, une recherche d’équilibre, un esprit des lieux. On en est loin.

Une chose m’a frappé ces dernières semaines, la décision du POTUS (President of The United States) des mettre de forts droits de douanes sur les importations. En très peu de temps il met un sérieux coup de frein à cette globalisation si destructrice. Et qu’a t-on vu ? Même les opposants à la globalisation, écologistes et tout les bienpensants se lever et dire  » ah ben non alors ». Ont-ils seulement réalisé que POTUS a fait en quelques jours plus que des décennies de blabla que tous ces pseudos « écofriendly » ?

*en Serbie il y a une affaire de mine de lithium avec la société Rio Tinto. Je posterai l’article si je remets la main dessus.

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Émilie Le Berre 17 mai 2025 - 16h52

Comme promis un peu plus tôt ça se passe en 2021.

Serbie: une rivière rouge pour votre mobilité verte

On n’en parle guère en Occident, mais la Serbie est agitée depuis des mois par une révolte populaire dont l’enjeu est l’environnement du pays et la cause… «notre» passage à la mobilité dite «propre».

La Kryptonite existe, et on va vous l’excaver

Le plus grand malheur de la Serbie tient à sa géographie. Elle se situe au point de friction de Rome et de Byzance, de l’Europe et du Turc, de l’Occident et du monde russe, et aucune génération n’y a donc jamais connu la paix.

Son deuxième plus grand malheur tient à sa géologie. Son sous-sol est extrêmement riche et cela se sait au moins depuis le moyen âge.

Ainsi la multinationale minière Rio Tinto (Rivière Rouge), après des années de sondage, a découvert dans l’ouest de la Serbie un vaste gisement d’un minerai unique: un borosilicate de lithium et de sodium déjà baptisé Kryptonite (allusion à Superman) ou Jadarite, dont les applications dans l’industrie de pointe sont innombrables. Un véritable Eldorado au temps des gadgets à piles, allant du rasoir à la mobilité électrique.

Rio Tinto se propose donc de peler quelque 300 hectares d’une belle campagne largement préservée, la vallée verdoyante de la rivière Jadar, près de Loznica. 15 à 20’000 foyers, essentiellement ruraux, devraient être expropriés.

La corporation australo-britannique n’est pas à proprement parler une œuvre de charité. Elle s’enorgueillit de posséder le plus grand robot au monde, un système ferroviaire entièrement automatisé qui achève de nous convaincre que la planète pourra parfaitement fonctionner une fois que la machinisation se sera débarrassée des derniers hommes. Plus prosaïquement, désastres environnementaux (ici ou là) et scandales d’espionnage et de corruption s’agglutinent dans son sillage. Cynisme ou ironie involontaire, elle porte le nom d’un des cours d’eau les plus pollués au monde. Comme l’a résumé Emir Kusturica: «Une fois que tu as ouvert la porte à Rio Tinto, c’est comme si tu avais laissé entrer une force armée dans ton jardin.»

Bref, voilà le profil idéal de la compagnie qui va aider à «greenwasher» (repeindre en vert) le parc automobile européen! Car c’est bien le but. A force de marketing et de culpabilisation, les ventes de voitures électriques ont bondi de 43% en Europe en 2020 et les administrations annoncent pour 2030 un bannissement progressif du moteur thermique sur pratiquement tout le territoire ouest-européen. D’ici là, la Commission européenne entend lancer 30 millions (!) de nouveaux véhicules électriques sur les routes.

Où et comment va-t-on produire le courant nécessaire pour autant de joujoux 100% propres, lorsque par ailleurs la même Europe annonce des mesures de restriction énergétique de plus en plus draconiennes, cela reste une énigme que personne ne semble en mesure de démêler. Or il se trouve que la Serbie, encore elle, dispose aussi d’importantes réserves de lignite, de quoi produire une électricité thermique sale mais bon marché — et surtout très loin des jolies cités «vertes» d’Allemagne ou de Hollande. Vous me trouvez cynique? Vous me relirez… (Et s’il s’avère dans dix ans que je me suis trompé, c’est que le Grand Reset vous aura interdit la mobilité individuelle.)

«Zone sacrifiée»

Rien de nouveau, donc, sous le soleil: la batterie remplace le baril, mais la même cupidité dévorante reste à la barre. Comme le résume très simplement une ONG sceptique: l’industrie des nouvelles énergies reproduit les vieux schémas.

«L’exploitation minière verte n’existe pas. C’est un oxymore. Tout comme l’industrie pétrolière et gazière, l’exploitation minière des métaux et des minerais fait progresser l’extraction de manière incontrôlée et selon le principe économique de la croissance et du profit sans fin. C’est cette même croissance illimitée, cette même consommation sans fin et cette même mentalité d’extraction axée sur le profit qui nous ont plongés dans la crise climatique. Les solutions qui sont produites et avancées par le même état d’esprit nous semblent être de fausses solutions.»

La même ONG signale un autre effet collatéral de cette nouvelle ruée vers l’or. C’est que, s’il existe des «minerais stratégiques» — comme le lithium des batteries — dont l’extraction est une question vitale, il existe du même coup «des “zones sacrifiées”, où les communautés et les environnements sont jugés inutiles du point de vue de l’intérêt général». Pour le développement harmonieux et sans CO2 de l’Europe bobo, des aires balkaniques seront sacrifiées, les unes comme gisements, les autres comme dépotoirs.

Pensez-y lorsque vous voudrez troquer votre diesel contre une Tesla pour jouer les bons élèves. Et rappelez-vous — car les médias «écolo-conscients» ne vous le rappelleront plus — que la stratégie la moins nocive pour l’environnement consiste à user jusqu’à la corde votre vieille voiture, n’importe laquelle, plutôt que d’en faire fabriquer une neuve «pour polluer moins».

«No pasarán!»

La manne du lithium est une «chance pour la Serbie», clame le gouvernement. Mais la population ne l’entend pas de cette oreille. De fil en aiguille et de bouche à oreille, le souci des associations écologiques locales s’est étendu à une grande partie de l’opinion, jusqu’à susciter des mises en garde épiques: «Rio Tinto devra passer sur nos corps», etc.

(On découvre à cette occasion que les environnementalistes du «terrain» et les écologistes d’appareil ne sont pas tout à fait du même monde. La guerre du lithium, et donc de la voiture électrique, est une version techno de la lutte des classes. L’écologiste d’appareil protège la nature comme Tartuffe protège la pudeur. Mais passons…)

En quelques mois, et sans que les médias occidentaux fassent mine de s’en apercevoir, la défense de la vallée du Jadar est devenue une cause nationale, rassemblant dans un même camp des paysans, des nationalistes, des entrepreneurs locaux, des moines orthodoxes, des ONG financées de l’étranger, des partis d’opposition par principe… ainsi que l’armée habituelle des guerriers virtuels et désoeuvrés dont regorge l’un des pays les plus «accro» aux réseaux sociaux au monde. Même Novak Djoković s’est fendu d’un tweet de protestation, avant de préciser qu’il n’avait rien de politique…

L’actuel gouvernement n’a pas invité la multinationale minière, il a reconduit les brevets de prospection établis dès 2002 sous le gouvernement démocrate pro-occidental issu dе la révolution colorée qui renversa Milošević. Désormais, il s’agit de passer à la phase industrielle. Une centaine de millions d’euros, selon nos sources, auraient déjà été «saupoudrés» en cash pour lubrifier les rouages de l’administration. Le président Vučić voit dans l’exploitation du lithium un levier de développement pour le pays et entend verrouiller le projet Rio Tinto par un référendum.

C’est là qu’il commet un faux pas.

La bonne nouvelle de trop

En novembre, le gouvernement annonce donc une modification de la loi sur les référendums, abolissant le seuil des 50% de participation requis. Les résultats seraient désormais valides même s’ils ne sont votés que par une faible minorité de citoyens. L’astuce est assez transparente: seul le parti Progressiste au pouvoir a la capacité d’envoyer les foules au bureau de vote. Dépoussiérage constitutionnel, explique le gouvernement. Instauration d’une dictature populiste, crie l’opposition.

L’atmosphère se tend, mais la contestation ne se transforme pas encore en émeute. C’est alors que survient un événement apparemment sans grand rapport avec le sujet.

Fin novembre, Vučić obtient de Poutine un prix de faveur pour son gaz: 270 dollars les 1000 mètres cubes. Alliée fiable de la Russie, la Serbie — encore de par sa position géographique — occupe une position clef sur le gazoduc Tesla Pipeline qui permet, lui aussi, de desservir l’Europe en contournant l’Ukraine.

Bonne nouvelle pour le pays? Certes, mais surtout pour le pouvoir en place. Au lendemain de cette annonce, la contestation s’intensifie. Elle occupe les rues de Belgrade, elle bloque les places et les routes, et s’étend sur le reste du pays. La cause concrète — Non à Rio Tinto — se double de revendications environnementales d’ordre général portant sur la pollution de l’air et de l’eau ou la malbouffe.

Cette soudaine conversion d’un peuple balkanique à l’air pur et à la vie saine a de quoi faire sourire lorsqu’on sait que la Serbie est l’un des derniers pays au monde où l’on n’ait pas réussi à juguler la fumée dans les établissements publics. Sans parler des excès alimentaires, de la sédentarité ou de la consommation désordonnée d’antibiotiques qui y plombent l’espérance de vie et constituent un facteur évident quoique tabou de la mortalité liée au Covid. De toute évidence, la manipulation des foules s’est mise en branle. La mise en avant de ces exigences nébuleuses qu’aucun gouvernement ne peut satisfaire signale le détournement progressif de l’insatisfaction populaire vers quelque chose que ce pays a déjà bien connu — et même inauguré en l’an 2000: la révolution colorée.

Faisceau d’indices

Ce peut être une évolution spontanée, bien entendu. Mais la tactique des révolutions colorées est justement conçue pour camoufler les meneurs réels et leurs intentions jusqu’au bout — après quoi, une fois l’opération menée à terme, ils peuvent fanfaronner tant qu’il leur plaît. On ne peut donc pas exclure que ce soit un mouvement piloté. Auquel cas, les arrière-plans et les conséquences sont intéressants à étudier.

Un petit rappel historique est ici nécessaire. Après la chute de Milošević, la Serbie fut gouvernée par les «Jaunes» du Parti démocrate, pro-occidental. Leur règne fut marqué par un amateurisme prémacronien, une idéologie anti-étatique qui a conduit entre autres au quasi-démantèlement de l’armée et un alignement aveugle sur l’Occident qui heurtait le sentiment populaire — ce sans aucune des contreparties promises, telle que l’intégration à l’UE et l’amélioration du niveau de vie. Une fois cette alternative occidentiste grillée, le pouvoir est revenu au parti Progressiste, lui-même branche schismatique du parti Radical (nationaliste). Il est hautement probable — dans la mesure où personne en ces années-là n’accédait au pouvoir en Serbie sans l’onction des ambassades occidentales — que le parti dirigé par Tomislav Nikolić et son bras droit Aleksandar Vučić relevait de l’«anti-occidentisme contrôlé» et qu’il avait pour mission de faire avaler aux Serbes la pilule de l’aliénation du Kosovo plus subtilement que ne l’avait tenté le régime ouvertement félon des «Jaunes».

Nikolić et son successeur Vučić se sont cependant illustrés par un talent rare dans le louvoiement, les faux-fuyants et la procrastination sur le dossier Kosovo, finissant par exaspérer leurs «parrains» anglosaxons et allemands. Jouant des rivalités géostratégiques, Vučić s’est sensiblement rapproché de la Russie et d’Orbán, construisant comme ce dernier, mais en moins affirmatif, un régime «illibéral» qui hérisse les idéologues de Bruxelles. Sa marge de manœuvre est très étroite et les signes d’impatience des «parrains» se multiplient, en particulier depuis l’adhésion du Monténégro, l’appendice maritime de la Serbie, à l’OTAN.

Lors des manifestations anti-reconfinement de juillet 2020, les services de sécurité intérieurs avaient arrêté plusieurs manifestants étrangers, dont un tunisien et deux israéliens, d’origine kirghize et ukrainienne respectivement, occupés à monter des barricades et incendier des containers. Ce qui a fait dire au président serbe que des «services étrangers» étaient mêlés aux désordres de Belgrade, dans le but de «saper la réputation de la Serbie et d’exercer une pression avant les pourparlers sur le Kosovo-Métochie à Paris».

Fondée ou non, cette suspicion montre que le pouvoir en Serbie est sur ses gardes. Chat échaudé craint l’eau froide: on y a même monté un groupe de travail sur les révolutions colorées avec la Russie(1). Les risques de déstabilisation sont particulièrement aigus à la veille des échéances électorales (comme la France, la Serbie aura sa présidentielle au printemps), et lors des grandes manœuvres géopolitiques. Yanoukovitch, à Kiev, fut renversé alors qu’il venait de se détourner de l’UE en faveur de la Russie. Chez Vučić, le contrat gazier pourrait avoir été un déclencheur.

La suite des événements montre que le gouvernement serbe a clairement identifié l’engrenage et pris les deux mesures susceptibles de l’enrayer.

Pour commencer, il a renvoyé les forces de l’ordre dans leurs casernes, laissant la rue à la foule. Selon la recette d’Orlov : «Le retrait (des forces de police) laisse les manifestants en roue libre et les organisateurs en perdent le contrôle. Après un certain temps, les pillards s’y mettent. Cela retourne la population locale contre les manifestants… et la révolution commence à s’étouffer avec son propre vomi.»

Puis, le 8 décembre, Vučić a renvoyé au parlement les lois sur l’expropriation et sur le référendum, exauçant les exigences concrètes et ne laissant à la rue que les revendications idéologiques. Certains organisateurs ont immédiatement compris la manœuvre et déclaré qu’ils ne se réuniraient que pour «fêter» ce samedi 11 au cas où la mesure promise serait effective.

Les vestiges d’une utopie mort-née

L’ouverture du gazoduc North Stream 2 en 2021 a réalisé le cauchemar de la géopolitique anglo-saxonne — une alliance d’intérêt forte entre la sphère germanique et la Russie, et les Anglosaxons préféreraient de toute évidence voir l’Europe mourir de froid ou sombrer dans le chaos que de supporter les effets bénéfiques (mais pas pour eux) de cette complémentarité industrielle et économique. La terreur climatique répandue par l’élite occidentale — à commencer par le WEF de Davos —, outre qu’elle témoigne d’un délire d’automutilation qui serait plutôt l’affaire des psychiatres, pourrait aussi s’expliquer en partie par la volonté désespérée d’isoler l’ennemi héréditaire, quitte à se priver de ses hydrocarbures.

Il est évident en effet, à voir l’ampleur de leurs investissements dans les gisements du grand Nord, que les Russes ne croient pas à la catastrophe climatique imminente. Les Chinois ne s’en préoccupent pas beaucoup non plus, malgré l’opération cosmétique qui a consisté à électrifier le transport urbain à Pékin ou à Shenzhen. L’Occident va rester seul dans sa croisade pour le climat, à moins qu’il puisse faire plier de force des ensembles qui le dépassent de tout point de vue, y compris militaire. Les structures inachevées des «smart cities» électriques et automatisées demeureront, comme les vestiges des JO de Sarajevo de 1984, le témoignage d’un bond dans l’utopie à quelques minutes de l’effondrement général.

En attendant, la dévastation de la Serbie occidentale par le minage de lithium reste une étape sordide mais capitale sur le chemin de cette pseudo-sainteté écologique. Les élites occidentales ne peuvent laisser une telle «zone stratégique» entre les mains de la Russie ou d’un de ses alliés proches. Comment investir dans une telle entreprise si on n’a pas le gouvernement local «bien en main»? Le contrat Rio Tinto est de fait un contrat, au sens des tueurs à gages. La cible en est un pays tout entier, ou à tout le moins son gouvernement, tant qu’il n’est pas un parfait zombie occidental. De toute évidence, Vučić sait à quoi s’attendre.

NOTES

1. En Russie comme en Chine, cette forme de guerre est prise très au sérieux alors même que les médias occidentaux n’en ont qu’une très vague idée. En 2016, le chef d’Etat-major des armées russes, le général Guérassimov, livrait un cours à l’Académie des sciences militaires sur la manière de l’identifier et de la combattre. Guérassimov est du reste le concepteur de la théorie russe des guerres hybrides. En mars de cette année, par ailleurs, le ministre chinois des affaires étrangères a proposé aux Russes d’«unir leurs efforts» avec la Chine pour contrer les révolutions colorées.

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