druidisme et druides

Le druidisme et les druides, par Mona Braz, druidesse en Bretagne

de Mona BRAZ
Publié le Dernière mise à jour le

Sommaire

Le regard d’une druidesse du XXIe siècle sur le druidisme et les druides.


En préambule à cette déambulation autour des druides et du druidisme, il est essentiel de préciser d’où je parle.

Le druidisme, ou le domaine celtique, ne sont la propriété privée ni la chasse gardée de qui que ce soit en Bretagne ou ailleurs. Ils font partie à la fois de notre histoire, de notre construction culturelle, de notre identité et de notre imaginaire et nous offrent à ce titre, un socle solide et dynamique.

Chacun et chacune les conçoit, et, soit les rejette, soit se les approprie à son niveau et selon sa porte d’entrée (universitaire, historique, philosophique, culturelle, métaphysique, religieuse, etc…). Ce texte n’est en aucun cas « la » vérité sur ce sujet, mais mon regard singulier sur ce qu’a été le druidisme antique et ce qu’il est devenu aujourd’hui à partir de mon expérience propre, amie de druides depuis les années 70 et initiée druidesse en 1985 par Gwenc’hlan Le Scouezec.

Et, comme j’aime à le préciser lorsque j’écris, le travail d’écriture est fait de solitude et de solidarité. A la première on doit bien sûr imputer toutes les maladresses et erreurs que vous trouverez dans ce texte. La seconde, elle, crée un ensemble d’obligations et de reconnaissance envers celles et ceux sans lesquels il n’aurait pas pu exister et que je remercie ici.

Construite des briques familiales, sociales, culturelles, éducatives, professionnelles, militantes, politiques, syndicalistes, philosophiques, religieuses qui ont fait de moi celle que je suis à 67 ans; le regard que je porte aujourd’hui est de fait singulier et se tient éloigné des confusions et embardées « mystico-chamano-druidiques » qui fleurissent par temps de New-Age contre lesquelles les chercheurs mettaient déjà en garde dans les années 70…
Sauf à reconnaître qu’il s’agit tout simplement d’usurpation et de dénaturation de fonctions ancestrales.

Il faut aussi poser le fait que ce sujet ne peut pas être traité en dehors du cadre des structures et des comparaisons du vaste domaine indo-européen. Puis, il faut rappeler le fait qu’il n’y a pas eu de continuité linéaire entre les druides de l’antiquité, vivant à l’époque de la civilisation celtique, et les druides ou néo-druides, ou pseudo-druides ou encore druidisants des époques modernes, post-modernes, ultra-modernes ou encore contemporaines. 

Les trois axes fondamentaux de la tradition celtique sont donc : la mythologie, la théologie et l’idéologie au sens que lui donne Georges Dumézil dans « L’idéologie tripartie des Indo-Européens » A savoir, les trois fonctions sociales et cosmiques (y compris l’extension de la répartition fonctionnelle à la médecine, au droit, au symbolisme des couleurs, etc.) et les diverses fonctions dans la théologie, la mythologie et l’épopée.

« Notre mentalité tout entière, nos conceptions des choses sont nées du moyen âge chrétien, qu’on le veuille ou non. Le « siècle des lumières » n’a rien effacé; l’empreinte du christianisme se retrouve jusque dans la façon dont l’homme voulut rationaliser le monde. La vision chrétienne du monde est, par suite, une donnée psychologique qui échappe aux explications intellectuelles. C’est un passé qui, dans ses traces et ses conséquences, sera, comme tout passé, un éternel présent. Nous sommes, une fois pour toutes marqués, au coin du christianisme. Mais il n’en est pas moins vrai que nous portons également le signe de ce qui l’a précédé. » disait Carl Gustav Jung dans « L’Homme à la découverte de son âme« .

Si, par signe, nous entendons signe astrologique, le signe qui a précédé l’Ere des Poissons et celle du christianisme, est celui de l’Ere du Bélier et du druidisme…
Mais nous pouvons aussi entendre par signe, quelque chose de figuratif, qui représente un concept et qui en est l’image parfois empruntée ou attribuée, l’attribut, l’emblème (ainsi la croix pour le christianisme, le gui et les mégalithes pour les druides, le tambour pour les chamanes; la plume, l’arc et le tipi pour les Amérindiens, l’étoile de David pour les juifs, la roue à huit branches pour les bouddhistes, etc…)

Il y a donc une vision druidique du monde et de l’Homme qui a traversé les millénaires depuis la période celtique, qui a irrigué le christianisme (voire le christianisme celtique qui a vécu sept siècles jusqu’au XIIè siècle de notre ère) et qui perdure dans le folklore et les traditions populaires.

J’appartiens à la Terre et au Ciel, ma liberté intime et inaliénable plante ses racines dans la terre de mes ancêtres et dans le ciel.
Ce sont cette appartenance et cette liberté qui guident ma plume pour partager avec vous ce qui suit, dans la gratitude immense due à tous ceux et toutes celles qui m’ont précédée.


druidisme et druides
Le druidisme et les druides – Les secrets d’une druidesse, de Mona Braz, aux Éditions Robert Laffont

Quelle est l’origine du mot « Druide » ?

Véritable histoire de vases communicants linguistiques, le mot français « DRUIDE » viendrait du latin druidae, lui-même emprunté au gaulois druid-, du celtique dru-wid-es, « très savant » et aussi apparenté au grec ancien δρῦς, drûs et au gaulois *deruos/derua signifiant « chêne » dans les deux langues.
Toutes les activités multiples du druide sont éclairées par l’étymologie et l’origine du mot « druide » dont le premier terme « dru » est un préfixe intensif et le second terme « uid » vient de « weid », voir et savoir. Or, nous savons l’importance accordée par les anciens druides au chêne, cet arbre symbole de solidité, de force, de fermeté.  


Dès lors, le druide est le « Connaisseur de l’Arbre du Monde ».

Cette Connaissance est la vision de celui qui sait d’avance (le devin, le visionnaire), le savoir fidèle à ses racines, ferme et solide comme l’est le bois du chêne. Le linguiste Xavier Delamarre (CNRS) se fonde sur le terme indo-européen *dóru/*dru-, « arbre, bois », pour y voir également « ceux qui connaissent l’Arbre », non au sens botanique du terme mais cosmogonique de l’Arbre du monde. Ainsi, par extension « les savants qui connaissent l’Arbre du Monde ». Toute cosmogonie est un récit mythologique qui décrit la formation du Monde, les Celtes ont la leur.

En irlandais médiéval, le mot druidechta (druidisme) recouvre de nombreuses notions attachées à l’autorité spirituelle, y compris des notions morales, ce qui était une singularité dans le monde antique; morale fondée non pas sur le bien et le mal du christianisme, mais sur le vrai et le faux.
D’où la formule : Ar gwir en arbenn d’ar Bed ! La vérité à la face du Monde !
Je souligne que ce mot gwir désigne autant la vérité, le vrai que le droit et la justice…

Druide est un terme ancien, druidisme est beaucoup plus récent en français.

Le mot druidisme apparaît pour la première fois dans la langue française à partir de l’anglais druidism vers 1715, au siècle même des Constitutions de James Anderson. Le lexicographe Antoine Furetière, 1619-1688, auteur d’un fameux dictionnaire universel, faisait ainsi référence à la figure du druide : « un homme vieux et expérimenté qui a vu le monde. » Il assignait à ce personnage les rôles de savant et mathématicien, prêtre et sacrificateur, philosophe, jurisconsulte et orateur, astronome et astrologue, médecin, généalogiste et théologien, rien de moins…

Aristote parlait déjà de la philosophie des druides, comme de celle des gymnosophistes indiens et des prêtres de Chaldée. Diodore appelle les druides des philosophes et des théologiens. Sans attribuer à ces deux mots la valeur qu’ils ont aujourd’hui, il est indéniable qu’il s’agissait d’un grand éloge. Strabon lui, représente les druides comme s’occupant de l’étude de la nature et de celle de la morale, et Pomponius Mela les appelle des maîtres de sagesse. On a parlé aussi de la science des druides : César remarque qu’ils discutent du cours des astres, de la forme et de la grandeur de la Terre, du système de la nature. Enfin, Ammien Marcellin écrit que les druides vivaient en petites communautés, selon les règles d’une discipline exigeante et l’esprit toujours tendu vers la recherche des problèmes les plus élevés…

Où est né le druidisme ?

Les témoignages concernant les druides sont contemporains ou postérieurs à la conquête romaine.
Il y a une double nature des sources écrites : les textes des Romains et des Grecs d’un côté, et de l’autre, les textes beaucoup mieux documentés et descriptifs des récits mythologiques et épiques de l’Irlande médiévale et du pays de Galles.

 Ainsi, selon Posidonios d’Apamée, philosophe stoïcien grec, également savant, géographe et historien (135 – 51 avant JC) : « Leur doctrine (celle des druides) a été élaborée en Britannie, et de là, pense-t-on, a été apportée en Gaule ; aujourd’hui encore la plupart de ceux qui veulent mieux connaître cette doctrine partent là-bas pour l’apprendre. » 

L’équivalent irlandais de ce long voyage d’études, est le séjour des Tùatha Dé Danann dans les îles au Nord du Monde, l’Hyperborée, là où ils ont appris l’art des druides, la science, la prophétie et la magie, jusqu’à ce qu’ils fussent experts dans les arts de la science païenne. Pour les Irlandais, il pouvait s’agir du Nord de l’Écosse entourée d’îles. Pour les Celtes continentaux, nous savons que l’île de Mona (actuelle île d’Anglesey), au nord-ouest du pays de Galles, était un sanctuaire majeur où se retrouvaient les druides insulaires et continentaux. Vers 61 après J.-C., le général romain Caius Suetonius Paulinus, puis en 78 le général Agricola, déterminés à saper leur autorité politique et morale, attaquèrent l’île, y massacrèrent tous les druides et leurs familles qui s’y trouvaient, et détruisirent leur nemetons, temples et bosquets sacrés …

César affirme la prééminence de l’influence bretonne (la Bretagne antique est la Grande-Bretagne actuelle) : « La discipline des druides a été trouvée en Bretagne et c’est de là, suppose-t-on, qu’elle est passée en Gaule ; actuellement encore, ceux qui vont l’étudier à fond s’en vont, la plupart du temps, terminer leur formation dans l’île. »

Il existe aujourd’hui plusieurs thèses sur l’émergence de l’institution druidique.

• Une origine fondamentale et spécifique de la civilisation celtique,
• Une origine pré-celtique issue du néolithique,
• Une création tardive des derniers siècles du Ier millénaire av. J.-C., avec l’apparition d’intellectuels, notamment des savants versés en astronomie (en latin, astronome se dit mathématici, et astronomie et astrologie sont synonymes en Occident jusqu’au XVIIè siècle car « L’astrologie est l’expression d’une vision mathématique de la condition humaine ») se distinguant des sociétés réparties sur le pourtour de la Méditerranée.

Pour autant, actuellement, les chercheurs divergent quant à l’origine géographique du druidisme : certains défendent l’idée d’une origine préceltique du druidisme, celui-ci absorbant lieux et rites de la civilisation mégalithique et atlantique précédente. Pendant que d’autres comme Jean-Louis Brunaux, affirment que le druidisme n’est attesté qu’en Gaule.
D’autres encore, tels Christian-Jacques Guyonvarc’h, Françoise Leroux, Pierre Sergent, Matthew Halford, rapprochent cette institution du brahmanisme; à la grande différence près que l’organisation sociale des Hindous s’est sclérosée et que les classes de la société se sont figées en castes…

Le druidisme a donc une origine indo-européenne avérée, sans exclure qu’elle ait pu intégrer localement des éléments issus de la civilisation atlantique spécifique, substrat aux particularités celtiques encore bien vivantes.

druidisme et druides
Le druidisme et les druides

Quand est né le druidisme ?

L’origine de l’institution druidique plante ses racines dans les strates des sociétés européennes protohistoriques.
Sachant que la protohistoire correspond à la période qui sépare la diffusion de la métallurgie du bronze, vers -2200 avant JC., de la conquête romaine de la Gaule en -52 appelée aussi les âges des métaux.
Cette période est située entre la préhistoire et l’histoire. Vers -480, la civilisation de Hallstatt qui correspond au Premier Âge du fer se transforme en une nouvelle civilisation, celle de La Tène qui correspond, à l’échelle de toute l’Europe, à la période du Second Âge du fer (de -480 à -50).

La civilisation de La Tène est souvent identifiée à celle des Celtes historiques, tels qu’ils nous sont décrits par les auteurs grecs et romains. Elle connaît, en cinq siècles d’existence, d’importantes évolutions esthétiques et stylistiques. Le Vè siècle avant notre ère verra se développer la production de sculptures en pierre, de parures sophistiquées telles que torques, bracelets et fibules; ainsi que des ornements pour chevaux tels que les phalères. Puis, aux IVè et IIIè siècles avant JC, la maitrise technique du moulage à la cire perdue permet des formes complexes avec des motifs curvilignes en relief.  Enfin, l’introduction de la monnaie, vers la fin du IIIè siècle, permet la création de motifs très stylisés, caractéristiques de l’art celtique et porteurs de symboles cosmogoniques puissants.

OGHAM

En raison du fait qu’ils refusaient de confier leurs savoirs et connaissance à l’écriture pour des raisons sacrées (l’écriture fige alors que la parole est vivante et dynamique), les Celtes et les druides ont laissé très peu de traces écrites. Ceci leur a valu d’être mal considérés, voire dévalorisés, notamment par la civilisation occidentale dans laquelle nous sommes structurée par les religions du « Livre » et par la suprématie accordée à l’écriture et aux Classiques grecs et romains.
Cependant, pour leurs affaires profanes, les Celtes, de l’Irlande au pays de Galles, du IIIème au XVIIIème siècle, utilisent trois écritures : l’Ogam, le Coelbren et l’alphabet de Nennius.

La naissance invite à évoquer la disparition de la classe des druides.  

La conquête romaine a supprimé l’unité d’organisation des druides.
Aux derniers siècles précédent l’ère chrétienne, les druides pouvaient être considérés comme les alter ego des philosophes grecs. Avant César, les druides conseillaient les rois et tenaient des assemblées régulières et périodiques, où, venant de tous les points des Gaules, ils se réunissaient dans la forêt des Carnutes (près de l’actuelle ville de Chartres).
Il n’y a plus trace de ces assemblées après lui…

Les druides et leur culture ont été victimes des attitudes très hostiles des empereurs romains César, Auguste, Claude et un druide important avec lequel Cicéron s’entretient, Dividiac, trahira son peuple et aidera César dans ses actions en Gaule en essayant de profiter du contexte pour lui-même et ses proches…

Pour autant, Pline et Tacite nous montrent des druides au temps de Vespasien, au Ier siècle après JC.
On sait aussi que jusqu’au VIIIe siècle, l’Église dans ses conciles, et les rois par leurs capitulaires, continuent à poursuivre certaines pratiques, telles que le culte des fontaines et la révocation des morts.

La tradition orale bretonne (galloise) du temps des druides, n’a été retranscrite qu’à partir du Moyen-Âge, parallèlement à la disparition du druidisme. Les premiers écrits remontent au VIème siècle et sont l’œuvre des cynfeirrd, les « premiers bardes », survivants du druidisme, qui transforment la poésie d’une pratique magique à un art littéraire. Les poésies de cette période qui s’étend du VIème au XIIIème siècle sont écrites en vieux gallois.

Les poètes les plus célèbres de cette période sont Aneirin et Taliesin. Puis, du XIIIè au XVIIIè s’ouvre une autre période bardique qui nous lèguera le texte majeur Les Mabinogion, ou Les Quatre Branches du Mabinogi, un ensemble de quatre récits médiévaux écrits en moyen-gallois, s’inspirant de la mythologie celtique.

Sans parler de continuité, ce serait inapproprié, évoquons plutôt une tradition, une filiation et une transmission partielle et discontinue qui explique le renouveau celtique et le néo-druidisme moderne et contemporain. 

C’était quoi un druide, une druidesse ?

Historiquement parlant, un druide était un membre de la classe sacerdotale des Celtes de la Gaule, de la Grande-Bretagne et de l’Irlande anciennes, classe héritière et gardienne des traditions religieuses.
Le druide était chargé de l’éducation, de la justice et du culte.
Les Classiques nous disent que les druides sont experts dans le droit et la religion, ainsi que dans les procédures et rituels correspondants.

« Partout en Gaule il y a deux catégories d’Hommes qui sont considérés et qui comptent : l’une est celle des druides et l’autre celle des chevaliers -dont émane le roi… Auprès des druides des jeunes gens viennent en grand nombre pour s’instruire et ont pour eux les plus grands honneurs. On dit qu’auprès d’eux ils apprennent un grand nombre de vers et quelques-uns restent-ils vingt ans à apprendre. Les druides en effet tranchent presque tous les conflits publics ou privés… »
Nous dit César dans sa Guerre des Gaules.

Plus largement, le druide, éducateur de la jeunesse est un cas unique dans les structures religieuses indo-européennes : la transmission étant entièrement orale.

« On peut dire que les druides représentent à la fois l’ « Église », le tribunal et l’université : la religion, la justice et les savoirs… Ils forment l’élite intellectuelle du monde celtique…» Peut-on entendre dans le documentaire d’Arte de juin 2021.

Les druides répondant à l’essence même du nom qui est le leur, ne sont pas uniquement des sacerdotes (à ce titre, ils sont détenteurs de la doctrine pratiquent la divination, la prophétie et les sacrifices des rites garants de l’ordre cosmique et social), ils exercent des fonctions multiples selon leur niveau d’études.

Ainsi, ils peuvent être chefs politiques au sens où ils conseillent les rois et peuvent aussi être diplomates. Ils peuvent être juges, appelés à agir en tant que médiateurs entre les humains et entre les peuples. Les druides sont aussi enseignants, et nous savons que l’apprentissage des futurs druides, uniquement oral, durait de dix à trente années car la vision du monde interdisait de confier ces savoirs sacrés et cette connaissance à l’écriture. Ils enseignent aussi les bases scolaires aux enfants de l’aristocratie. Les druides sont savants, experts reconnus par les Grecs et les Romains en ce qui relève de l’étude de l’astronomie, indissociable des calendriers agraires et rituéliques de la religion, et aussi de l’astrologie avec la détermination des jours et périodes mat/bon et anmat/mauvais.
Ils sont savants et experts de la physiologie comme science de la nature, de la botanique et des mathématiques. Les druides sont philosophes, rompus aux spéculations métaphysiques, à la cosmologie au sens de l’explication de l’univers par le verbe, et à la cosmographie au sens de géographie sacrée de l’organisation des territoires…
Ils sont médecins sur trois registres : la médecine incantatoire, la médecine par les plantes et l’eau, la médecine par le sang ou la chirurgie.

Il existe de nombreux points communs entre les croyances des druides et celles des pythagoriciens.

► L’immortalité de l’âme comme substrat à la représentation du monde et de ses cycles.

► La métempsychose ou transmigration des âmes : à la mort de l’homme, l’âme va migrer en diverses destinées de minéraux, de végétaux et d’animaux, de manière toujours cyclique, jusqu’à retrouver une matrice humaine et accéder un jour à l’état divin en Avalon.

► Également la prééminence du statut de druide, (ou d’initié orphiste pour les pythagoriciens), sur les autres corps de la société, permettant la préservation du savoir sacré, voulu parfaitement secret ou seulement réservé aux hommes capables d’accéder à ces sagesses et de les incarner dans leurs vie quotidienne (attitude qui rapproche les druides des brâhmanes de l’hindouisme, et de leurs divers yogis ou saddhus).

► La volonté d’incarner la science sacrée par le biais des prières, de la connaissance, des rites, de la pratique de la vertu, de la méditation, de la communion avec les éléments et les êtres par le biais de la magie bienveillante et de la sacralisation de la Nature (le barde, ou poète sacré, était un druide spécialisé dans cet art si important dans la civilisation celte car lié à l’Awen, l’inspiration sacrée).

Qu’est-ce qu’un druide, une druidesse, aujourd’hui ?

Que dire du druide au XXIè siècle ?
Parler de druide, de néo-druide, de druidisant ?

Dans un monde de plus en plus terne où l’agitation et l’excitation procurent un sentiment d’exister, éphémère par nature;; la celtomanie élargie désormais à un éventail où se mêlent « druidisme-chamanisme et new Age » séduit des personnes souvent déculturées et en mal d’identité. C’est là où la question de l’identité bretonne, à commencer par la langue et la culture, se pose.

Le patrimoine celtique, qu’il soit breton ou insulaire, est riche d’éléments antiques permettant de creuser la voie celtico-druidique tracée par nos ancêtres, sans polluer celle-ci par des éléments exogènes, étrangers à notre culture et à notre cosmogonie. Au niveau celtique et druidique, nous disposons des récits de narrations de naissance de l’univers, des dieux et des humains. Nous avons des récits des cycles cosmiques et de l’ordre que les humains doivent maintenir dans leurs vies et dans la société pour maintenir l’ordre cosmique, nous disposons d’artefacts, d’objets tels que la cruche de Brno, le disque de Nebra, le calendrier de Coligny qui nous disent le niveau de savoirs astronomiques et de connaissances astrologiques (périodes et jours propices ou néfastes), etc…

Aujourd’hui, idéalement et selon un point de vue qui n’engage que moi, un druide (ou un druidisant) s’inscrirait dans un ré-enracinement dans la tradition druidique telle qu’elle nous est parvenue, mais dans un contexte qui n’est plus celui de la civilisation celtique historique dont les règles de vie ne sont plus les nôtres depuis longtemps.

Aujourd’hui, que l’on soit druide solitaire ou dans une clairière druidique, « honorer les dieux » passera par célébrer les quatre fêtes celtiques et les quatre fêtes calendaires, mais aussi et surtout dans la manière de vivre au quotidien.

Cet honneur rendu aux dieux et déesses de nos ancêtres passera aussi par l’étude, et les maisons d’édition bretonnes telles que Yoran Embanner ou LN éditions, ou des sites comme « academia.edu », donnent matière à qui veut bien s’instruire sur ces registres. Honorer les dieux de nos ancêtres passera aussi par participer activement à la culture bretonne (langue, fest-noz, fêtes populaires y compris religieuses, etc…).

yoran embanner
Yoran Embanner, l’Éditeur des Peuples Oubliés

Honorer les dieux passera par mener une vie personnelle, familiale et sociale construite autour des principes moraux druidiques « ne pas faire le mal et être courageux » qui ne sont pas du tout des « Tables de la Loi » mais une invitation à la responsabilité, à s’extraire de l’ignorance, de la peur, de la masse indifférenciée. 

Quel est le rôle d’un(e) druide ?

Historiquement, les druides « s’occupent des choses sacrées, ils dirigent les sacrifices publics et privés, et interprètent tout ce qui a trait à la religion, » écrivait par exemple Jules César en 50 avant notre ère, après avoir envahi la Gaule…
Description soumise à caution, venant de l’envahisseur colonisateur.

Historiquement parlant, les druides forment une institution sociale celtique : la classe dite sacerdotale, mais qui déborde et dépasse ce que ce mot sous-tend. Les druides sont présentés par les Classiques comme des philosophes, des prêtres, des mages, des poètes, des chantres d’hymnes, des mathématiciens, des astronomes, des devins, des conseillers y compris des rois, des médecins, des ambassadeurs, des administrateurs, des juges, des précepteurs, …

Plus qu’une religion, au sens où nous le comprenons aujourd’hui, le druidisme est le fondement même de la civilisation celtique, et le socle de l’ensemble de la société. Toute la vie des Celtes, y compris des rois et guerriers, est indissociable de la parole des druides et construite autour de celle-ci. Il ne peut pas y avoir de distinction entre la vie profane d’un côté et de l’autre, le sacré.

druidisme et druides
Le druidisme et les druides – le sanglier, animal sacré des Celtes

Le divin et le sacré sont indissociables de la vie quotidienne.

Le druide a reçu l’initiation après de nombreuses années d’études, et c’est lui qui confère au roi l’initiation royale après qu’il ait été élu par son peuple. Druide et roi forment ainsi une unité bicéphale à la tête de la société celtique : le roi gouverne et le druide conseille avant toute prise de décision. Le sanglier est le symbole du druide et de l’autorité spirituelle, l’ours celui du roi et du pouvoir temporel et politique. Le jour où cette royauté bien particulière disparaissait, l’équilibre traditionnel et l’organisation des sociétés étaient gravement compromis, et le sacerdoce druidique condamné à moyen terme. C’est ce qu’avaient compris les Romains qui, aidés du christianisme, démantelèrent la société celtique ancienne.

Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans ce monde antique, et le druidisme est devenu autre chose, il s’est métamorphosé et porte de multiples visages.

Les druides, identifiés comme tels, peuvent être appelés pour des célébrations importantes dans une existence humaine : naissance, mariage, obsèques ; mais aussi pour des accompagnements psycho-spirituels dans des étapes difficiles : deuils, fin de vie, séparations, et autres accidents de la vie. Les demandes émanent de personnes qui n’ont plus confiance dans les religions institutionnalisées mais pour autant, veulent un accompagnement de dimension religieuse et spirituelle à certains moments clés de leurs vies.

Les druides étaient considérés en tant qu’intermédiaires avec les dieux.
Ils étaient réputés pouvoir interpréter correctement les présages. Devins et prophètes, les druides étaient des astronomes passionnés et des experts dans l’utilisation des calendriers.  En tant que dépositaires de l’ensemble des connaissances accumulées par la communauté – transmises oralement par les anciens aux novices – les druides jouissaient d’un statut élevé dans les sociétés celtes.

Le druidisme est-il seulement pratiqué dans les pays celtiques ?

Dans sa thèse et son ouvrage déjà cité, « Les druides, les sociétés initiatiques contemporaines », Michel Raoult identifiait et comptabilisait plus de quatre cent sociétés druidiques organisées en groupes constitués et officiels, rassemblant plus de deux millions de membres; sociétés réparties sur la planète entière. Bien sûr aujourd’hui encore, échappent au radar de l’observation, les groupes dont l’existence n’est pas formelle du point de vue administratif.

Nous trouvons des sociétés druidiques dans les pays celtiques bien sûr, le berceau du druidisme : Écosse, Irlande, Pays de Galles, Cornouailles et Bretagne armoricaine ; mais aussi dans l’Angleterre, malgré la colonisation de ce territoire breton par les Romains, les Angles et les saxons. Le 2 octobre 2010 le druidisme a officiellement accédé au statut de religion au Royaume-Uni et compterait quelque 10 000 pratiquants en Grande-Bretagne.

Si nous rajoutons les trois Gaules (transalpine, cisalpine et narbonnaise) à se substrat antique, au XXè siècle, le druidisme en tant que philosophie de vie et spiritualité fondée sur l’unité de l’Homme et de la Nature, enracinées dans les profondeurs de l’histoire, va essaimer en Autriche, Danemark, Allemagne, Suisse, Norvège, Suède, Corse, Italie, Espagne, Québec, Canada, USA, Australie, Nouvelle-Zélande, Patagonie, Colombie-Britannique, Japon, etc… Où existent de nombreuses clairières druidiques ou se réclament du druidisme et de ses principes.

Quelle est la religion des druides ?

Les druides et leur philosophie religieuse dont le fondement est cosmogonique (immortalité de l’âme, interdépendance de l’ordre des mondes souterrains, cosmiques et humains, cycles de l’univers et des vies humaines…), évoluaient dans un monde essentiellement agraire et paysan dont la modernité et le progrès nous ont coupés tout en nous en extrayant au prix de graves régressions, prix à payer en sacrifice sur l’autel de la modernité….

La classe sacerdotale se compose de trois spécialisations :

Le druide proprement dit, qui est « théologien » et dont les domaines d’attribution sont la religion, le sacrifice, la justice, la diplomatie, le conseil au roi, l’enseignement, la poésie, l’astronomie, la divination, la prophétie, etc.

Le barde est spécialisé dans la poésie orale et chantée, son rôle est de faire la louange, la satire ou le blâme.

Le vate, ou ovate s’occupe plus particulièrement du culte, de la divination et de la médecine. Les femmes participent à cette fonction de prophétie telles les Gallisenae de l’île de Sein / Enez Sun.

Les sociétés paysannes et campagnardes traditionnelles ont vécu jusque dans les années 70 du XXè siècle.
Après quoi, le progrès technique est devenu un dogme qui les a fait quasiment disparaître. Et le logiciel de réflexion autour du progrès, que nous retrouvons dans le transhumanisme, n’intègre toujours pas la dimension indissociable du « régrès ».
Les rites domestiques, religieux et communautaires des Bretons qui étaient encore bien vivants dans les campagnes jusque dans les années 70, ont disparu, emportés par le tsunami de la modernité. Ainsi des radios et TV qui nous abreuvent de contenus insipides, niveleurs et assimilateurs, d’industrialisation de l’agriculture et de l’élevage, du remembrement et de l’exode rural, etc…

Nous ne pouvons que faire un constat : le progrès technique engendre des régressions culturelles, parfois dramatiques.
C’est-à-dire que l’horizontal du monde technique et technologique l’emporte aujourd’hui sur le vertical du monde culturel et spirituel.

Comme le dit Régis Debray : « L’uniformisation et la standardisation des outillages, de la vie économique et sociale, provoque une perte d’appartenance, un nivellement attentatoire aux singularités et aux fiertés nationales ou culturelles. Donc, ce vide d’appartenance crée un appel d’air et le recours à des résurrections identitaires fondées sur des archaïsmes fondateurs. Autrement dit, le « village global » n’est global que dans ses appareils et ses outillages, mais il est de plus en plus fragmenté dans son vécu culturel. Ce qui m’amène à dire que la postmodernité sera encore plus archaïque qu’on ne pense précisément à cause de cette menace d’indifférenciation qui crée un légitime contrepoids dans des résurrections linguistiques, religieuses. »

Justement, les traditions ancestrales celtiques et druidiques, toujours vivantes sous le vernis de la christianisation, ont laissé des traces dans les traditions populaires et des graines dans nos esprits ; et il nous revient de les faire germer pour n’être pas les proies de ce vide d’appartenance.

Nous Bretons, nous avons relevé des défis culturels avec les festoù-noz, les bagadoù, les cercles celtiques.
Malgré les écoles Diwan et les filières bilingues, les politiques linguicides de la France sont toujours destructrices…
Mais, le défis politiques de l’autonomie de la Bretagne et de sa réunification restent à relever.

La philosophie antique des druides a survécu, est toujours vivante et d’actualité pour pouvoir proposer une voie originale qui réponde à la soif de spiritualité, en se fondant sur le riche patrimoine celtique que nos ancêtres nous ont légué en héritage, et qui sont en suffisance pour tracer une nouvelle voie spirituelle, une spiritualité druidique renouvelée et enracinée.

C’est en 1717 que John Toland rassemblera tous les druides de Grande-Bretagne et d’Irlande ayant survécu aux persécutions chrétiennes, pour fonder le Druid Order, le premier mouvement néo-druidique. Aujourd’hui encore, druidisme, panceltisme et régionalisme sont indissociables en Bretagne.

Donc autonomie régionale et co-officialité des langues française et bretonne, pour ceux qui n’auraient pas encore compris que le druidisme est indissociable d’une certaine vision et organisation du monde dans sa diversité culturelle et linguistique ainsi que dans son approche des liens d’interdépendance entre les humains et la Terre, entre les habitants d’un territoire et ce territoire.

• Comment devenir druide ?

Les druides de l’antiquité étaient considérés comme l’élite intellectuelle de leur époque.
Ils étaient les meilleurs car ils avaient pu suivre des transmissions uniquement orales qui duraient de dix à trente années, et former cette aristocratie intellectuelle et religieuse (religion, pas tant au sens de systèmes institués comme c’est aujourd’hui le cas, mais au sens étymologique qui est double, entre relegere/relire selon Cicéron (1er siècle avant JC) et religare/relier selon Servius (IVè siècle après JC).

C’est le linguiste Benvéniste qui en donne en 1969 la meilleure définition possible du mot religion qui convient au druidisme, dans « Le vocabulaire des institutions indo-européennes« . Il y envisage, à partir de l’étymologie relegere/relire, la religion comme une démarche de recueillement et d’attention. La « relecture » est en ce sens une manière de recueillir par les yeux et une attention méticuleuse à tout ce que l’on fait. Ainsi donc, Cicéron, que je rejoins dans sa réflexion, emploie une série de termes précieux que sont l’intelligence, la diligence et l’élégance pour exprimer ce qu’est cette relecture.

La religion devient alors « un rapport réfléchi, prudent et raisonné au culte des dieux », soit une conception philosophique de la religion qui ne peut être envisagée à partir de l’idée de croyance. Au contraire, il y a là l’idée d’une attitude de respect et de vénération opposée à la démesure ou à l’hubris. Loin d’une attitude dogmatique, il s’agit alors d’accomplir les rites et de mener sa vie selon ce que la tradition a établi et selon l’ordre cosmique qu’il ne faut pas perturber.
Pas question ici d’un « Être suprême » dont les religions du Livre seraient les mandataires autorisés…
Il s’agit au contraire de reconnaître l’Awen, le Souffle présent en tout être, en toute chose et en toute action.

A partir de là, dans l’organisation tripartite et trifonctionnelles des sociétés celtiques, les fonctions sacerdotales, judiciaires, éducatives, diplomatiques et médicales étaient celles des druides. D’où ces longues études générales et de spécialisation, qui duraient de dix à trente années. Basées sur de grandes capacités de mémorisation et de raisonnement, est-il utile de préciser que la sélection était sévère, tant à l’entrée dans ces écoles que tout au long de la transmission uniquement orale…

Aujourd’hui, la place, le rôle et les fonctions des druides ne sont plus les mêmes. Le druidicat n’est plus une transmission qui commence dès l’enfance, mais le choix de personnes adultes qui ont déjà été éduquées, instruites et formées pendant plus ou moins longtemps, de la maternelle à l’université ou aux grandes écoles.

A partir du moment où naît ce qui est tout autant du registre du désir que du besoin intérieur, le personne qui ressent cette « démangeaison des ailes » si chère à Platon, va chercher et trouver, ou rencontrer une personne déjà druide, barde ou ovate dans une clairière druidique et pourra solliciter son entrée dans ladite clairière, que celle-ci soit connue ou pas, ait une existence légale ou pas.

Et là, l’éventail est large depuis le « canal historique » de la Gorsedd des druides, bardes et ovates de Bretagne rattachées aux Gorsedd du pays de Galles et de Cournouailles; jusqu’aux clairières druidiques paganisantes, ésotériques, maçonniques, rituéliques, se réclamant du christianisme celtique. Ou encore les clairières immergées dans le New-âge; mais encore les « écoles » druidiques qui vendent des formations diplômantes de druide, etc…

Chacun trouvera, peut-être, chaussure à son pied dans ce vaste choix, et n’hésitera pas à changer de chaussures si ses pieds ayant grandi, souffriraient de se sentir à l’étroit…

Quels sont les pouvoirs d’un druide ?

Encore faut-il s’entendre ce que l’on entend par « pouvoir », tant ce mot est déprécié par le détournement qui en est fait dans les registres politiques certes mais aussi médiatiques, économiques, financiers, religieux ; jusqu’à l’exercice du pouvoir au sein d’associations ou de familles, ou entre genres dans la société, etc….
Nous parlons là d’exercice de domination des uns sur les autres. Il n’est que de constater le pouvoir destructeur des réseaux sociaux utilisés comme arme pouvant entraîner la disgrâce, le bannissement ou la mort…

Alors, pouvoir sur les autres ou sur les éléments, pouvoir magique, etc.. ?
Ou, pouvoir de faire et d’agir pour les autres, la société, le Tout ?

Il va de soi que les druides ou druidisants actuels n’ont aucun rapport avec les druides historiques qui formaient la classe sacerdotale des Celtes. Les druides étaient l’élite intellectuelle de la civilisation celtique, reconnus comme tels par les Grecs et les Romains, et leur rôle dans la société était primordial : religion, justice, enseignement, médecine, divination, mathématiques, astronomie, conseil des rois.

Selon le philosophe Jamblique, IIIè siècle après JC, écrivant sur Pythagore, le père de la géométrie s’était instruit auprès des druides qui possédaient aussi de vastes connaissances en mathématiques, en architecture, en astronomie, en physique, en chimie, en zoologie, en géologie, en médecine, en philosophie, etc… qu’ils confrontaient volontiers avec celles des savants étrangers de passage chez eux.

Le druidisme ne pouvait exister que dans le cadre de la société celtique et les mutations profondes dues à la romanisation, à la latinisation et à la christianisation ont entrainé sa disparition. Mais, cette disparition ne fût pas totale et, heureusement, les textes médiévaux irlandais et gallois, la tradition bardique galloise, nos mythes et nos traditions populaires sont autant de mines d’or et de pierres précieuses qui peuvent nourrir la voie druidique et la border de sagesse philosophique.

Je fais miens les propos du druide Michel Raoult, Drouiz An Habask, en juin 1992 :
« Si les nouveaux druides veulent que leur renouveau ait un sens, conscients et forts des erreurs passées, ils se doivent de réactualiser leurs connaissances et leurs techniques, sans plus vouloir les conserver jalousement pour leur seul profit, et qu’ils se mettent au service de leurs peuples. Qu’ils soient ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être : les conseillers qui voient au-delà haut et fort, et qui indiquent à tous et à toutes la voie drue de la plus haute sagesse. Qu’ils aident chacun et chacune à leur prise de conscience spirituelle, à entrer en contact avec la partie la plus haute de leur être, sans vouloir avoir ou conserver l’emprise du pouvoir sur les êtres, mais au contraire pour les libérer et les rendre tous et toutes responsables de leur destin. »

Voilà clairement définis les « pouvoirs » d’un druide : le pouvoir d’apprendre et d’acquérir des savoirs et d’accéder à la connaissance, à l’amour et à la sagesse pour pouvoir servir, conseiller et aider son peuple, pour pouvoir se libérer de ses propres croyances et aliénations et aider à la libération des autres, pour pouvoir être responsable de soi et pouvoir indiquer ce chemin de la libération aux autres… dans l’Awen de la Connaissance, de l’Amour et de la Sagesse.

Druidisme et chamanisme

Il est essentiel de rappeler que tous les chercheurs s’accordent pour affirmer que « druide sorcier », « druide chamane », « druide totémiste ou animiste » sont irréductiblement étrangers aux druides tels qu’ils ont existé.
Car ces interprétations contemporaines reposent sur des illusions, des faux-semblants et des confusions.

La tradition druidique est indissociable de la civilisation celtique et de sa culture (dans sa diversité), elle est un chemin singulier de réalisation spirituelle dans l’accomplissement humain et terrestre.

Il suffit de reprendre les propos de Christian-Jacques Guyonvarc’h dans « Magie, médecine et divination chez les Celtes », ouvrage de cet universitaire qui en 1997, au nom du bon sens, dénonce « L’erreur du ‘chamanisme’ celtique » pages 219 et 220. Il n’y va pas par le dos de la cuillère, tant lui et d’autres, sont excédés par la « celtomanie augmentée de la confusion et de l’ignorance »… « La vision des doctrines et rituels druidiques réduite à des croyances et des opérations magiques est définitivement périmée depuis la première moitié du XXè siècle, sauf à tout ignorer du monde celtique. » Tout est dit, et malgré tout, l’erreur persiste et sa diffusion aussi. Hélas.

Ce n’est pas sans raison que la Mivilude se penche sur les cas de risques de dérives sectaires.
En effet, face à l’écoanxiété ou à un vide intérieur, un nombre croissant de personnes se bricolent une spiritualité sur mesure, censée les aider à transformer le monde, et leur rapport à celui-ci. S’inventent alors des rituels de reconnexion à la nature, parfois ésotériques, empruntés à des rituels ancestraux ou supposés tels. Et il faut dire qu’en raison de l’aura de mystère qui entoure ces deux traditions, la tradition celtique et la tradition chamanique, la nouvelle cuisine « chamano-druidique » a le vent en poupe, signature d’un certain manque de culture et de discernement dans lequel s’engouffre un certain charabia sans fondement ni fondation…

Aujourd’hui, le sociologue des religions Jean-Pierre Willaime, constate que : « Même si une partie des jeunes est devenue analphabète en matière de religion, leur intérêt pour la spiritualité reste fort… La désaffiliation religieuse à l’œuvre depuis les années 1960 concernait des personnes dont les parents étaient massivement croyants et pratiquants. Ils avaient reçu une éducation religieuse dont ils s’étaient éloignés par la suite. Nous avons désormais affaire à une génération qui se déclare majoritairement sans religion, avec des parents eux-mêmes sans religion. Autrement dit, il y a eu une panne de la transmission, de la socialisation religieuse au sein des familles. »

Alors, par respect pour nous-mêmes et pour les nouvelles générations qui sont fortement intéressées par la spiritualité, respectons ces deux voies bien distinctes même si la finalité commune au chamanisme et au druidisme, et aussi à toute autre forme de tradition ancestrale, est la réalisation humaine et spirituelle, mais par des chemins culturels et des représentations cosmogoniques du monde bien différents les uns des autres.

druidisme et druides
Le druidisme et les druides – Le Monde des Druides, de Morvan Coarer aux Éditions Yoran Embanner

Quels sont les rituels des druides ?

Je ne connais que ceux de la Gorsedd des druides car c’est la clairière dans laquelle j’ai été initiée.
Pour autant, pour les connaître ainsi que ceux des autres clairières druidiques, il faut se référer à la thèse de doctorat de Michel Raoult « Les druides, les sociétés initiatiques contemporaines », éditée aux éditions du Rocher, qui nous fait découvrir pas moins de huit rites différents, des textes fondamentaux, enseignements, festiaires, manifestes et autres professions de foi. J’invite les curieux à se procurer cet ouvrage afin qu’il réponde à leur soif de savoir en ce domaine.

La trame commune de ces rituels est leur organisation autour du calendrier des huit fêtes ou célébrations que sont les quatre solstices et équinoxes, et les quatre fêtes celtico-druidiques différemment nommées selon l’espace géographique ou la lignée dont les clairières vont se revendiquer (de traditions : hyperboréenne, ésotérique, hermétiste, maçonnique, paganisante,  mutualiste, bardique, clanique héréditaire en Écosse … Sans compter les groupes d’origines brumeuses ou de génération spontanée…). Certaines clairières druidiques ont des fréquences de cérémonies élargies au-delà du noyau de ces huit rendez-vous annuels, jusqu’à des cérémonies hebdomadaires, ou deux fois par mois.

Les cérémonies druidiques actuelles sont impensables sans les « régalias ». Mais, que sont les régalias ? 
Il s’agit au départ d’un ensemble d’objets symboliques de royauté.
Chaque royauté a ses propres regalia qui ont une histoire souvent légendaire, l’actualité récente nous a rappelé la fameuse « Pierre de Scone », Pierre du Destin et Pierre de Couronnement volée aux Écossais par les Anglais en 1296 et restituée en 1996…
Pierre de la mythologie celtique, la Pierre de Fal de Tara, apportée par les Tuatha Dé Danann, qui rugissait de joie lorsque le roi légitime d’Irlande posait ses pieds sur elle…

Les régalias des sociétés initiatiques druidiques contemporaines diffèrent d’une clairière à l’autre, avec là aussi un fond commun que sont les saies (robes) blanches pour les druides, vertes pour les ovates et bleues pour les bardes. Ainsi que les symboles portés qui peuvent être différents (tribann, triskèle, rouelle, etc…). Mais aussi, selon les clairières : capes ou bandeaux, écharpes ou rubans, bagues ou anneaux, torques, lunules, épées, bannières, drapeaux, coupes et chaudrons, serpes et faucilles, bâtons de pouvoir, dragons et serpents, gui et hydromel, etc…
Objets différents, mais tous en lien avec la civilisation celtique et tous symboliques et porteurs d’un principe.

Le druide avec sa serpe qui coupe du gui : cliché ou réalité ?

Le XXIè siècle reste encore tributaire et redevable à Pline L’Ancien pour sa description détaillée du rituel de la cueillette du gui par les druides, dans son Histoire Naturelle, vers 77 après JC : « On ne doit pas oublier, dans ces sortes de choses, la vénération des Gaulois ; les druides, car c’est ainsi qu’ils appellent leurs mages, n’ont rien de plus sacré que le gui et l’arbre qui le porte, supposant toujours que cet arbre est un chêne. A cause de cet arbre seul, ils choisissent des forêts de chênes et n’accompliront aucun rite sans la présence d’une branche de cet arbre. Ils pensent en effet que tout ce qui pousse sur cet arbre est envoyé par le ciel, étant un signe du choix de l’arbre par le dieu en personne. Mais il est rare de trouver cela, et quand on le trouve, on le cueille dans une grande cérémonie religieuse, le sixième jour de la Lune, car c’est par la Lune qu’ils règlent leurs mois et leurs années, et aussi leurs siècles de trente ans ; et on choisit ce jour, parce que la Lune a déjà une force considérable, sans être encore au milieu de sa course. Ils appellent le gui par un nom qui est : « celui qui guérit tout ». Après avoir préparé le sacrifice sous l’arbre, on amène deux taureaux blancs dont les cornes sont liées pour la première fois. Vêtu d’une robe blanche, le prêtre monte à l’arbre et coupe avec une faucille d’or le gui qui est recueilli par les autres dans un linge blanc. Ils immolent alors les victimes en priant la divinité qu’elle rende cette offrande propice à ceux pour qui elle est offerte. Ils croient que le gui, pris en boisson, donne la fécondité aux animaux stériles et constitue un remède contre tous les poisons. Tel est le comportement d’un grand nombre de peuples à l’égard de choses insignifiantes. »

gui
Le gui, plante sacrée des Celtes

Tout est dit dans ce texte de l’importance du gui en tant que remède universel donné par les dieux, en tant que plante sacrée qui ne peut être cueillie que par les druides dans des conditions définies : au sixième jour de la lunaison il sera recueilli dans un linge blanc, pur, et deux jeunes taureaux blancs aux cornes liées pour la première fois seront ensuite immolés en sacrifice aux dieux.

La serpe d’or pour couper le gui est une légende car l’or est un métal mou et le gui est un bois très dur.
Il est donc impossible de couper l’un avec l’autre. Pour autant, il est possible, mais ça n’est qu’une hypothèse, que le plat de la serpe ait été doré afin de ressembler au croissant de Lune auquel la cérémonie se rattachait. Alors que la serpe en elle-même ait été forgée dans un fer des plus solides et des plus aiguisés. Lune à laquelle faisaient également échos les cornes des taureaux blancs. Sphérique et suspendu dans le ciel, le gui est surnommé l’arbuste de la Lune, d’autant que ses baies sont blanches et ressemblent elles-aussi à l’astre de nuit, lorsque la Lune est pleine.

Trouver du gui sur du chêne était et reste extrêmement rare. Il est habituellement cueilli sur des pommiers arbres eux aussi sacrés. Pour autant, si Pline insiste sur le chêne c’est qu’il était pour les Celtes la représentation visible de la divinité, le support végétal d’un symbolisme qui, dans la dépendance de la divinité souveraine, unit la Force et le Savoir. Une plante se nourrissant de cette divinité devient alors la quintessence de la divinité…

Comment apprendre le druidisme ?

Être druide aujourd’hui, c’est autre chose et bien plus que d’apprendre dans une école.
D’ailleurs il suffit d’aller sur le Net pour voir le nombre d’ « écoles druidiques » qui affirment vous apprendre le druidisme à travers des formations dont certaines portent à sourire.
J’ai concocté un petit florilège  :
« apprenez la discipline fascinante de la magie blanche druidique »,
«  Apprendre à entrer en contact avec nos divinités guides et qui nous protègent par l’initiation au Druidisme en Solitaire »,
« Le groupe informel SDF (Solitary Druid Fellowship) vous propose une liturgie pour les Druides Solitaires »,  
« L’école druidique Rigantona, vous propose une formation en trois cycles :  cours par correspondance et stages sur trois ans », etc…
Là aussi, chacun fera preuve de discernement…

Pour moi, et cela n’engage que moi, le druidisme ne s’apprend pas, il se transmet.

Par contre se dire druide ou druidisant nécessite un socle de savoirs intellectuels accessibles à qui veut bien s’en donner la peine concernant les registres des études autour de la civilisation celtique dont le druidisme antique, du domaine indo-européen, des langues et cultures celtiques. Ceci sera le préalable, et ceci sera l’index qui montre la Lune.
Or, cette fameuse Lune est la philosophie de vie, la sagesse, la connaissance, la spiritualité qui déterminent un mode de vie singulier, une voie singulière, une vision du monde que l’on pourrait alors qualifier de druidique et dont l’extrait essentialisé est contenu dans la triade « Honores les dieux, ne fais pas le mal et sois courageux. »

Le druidisme est alors l’apprentissage d’une manière d’être au monde.

Sinon, bien sûr, se revendiquer druide impose tout de même de connaître l’histoire du druidisme historique, l’histoire du renouveau celtique et du néo-druidisme ; l’histoire des pays celtique et leur inscription dans l’histoire du domaine indo-européen…  

Où peut-on devenir druide ?

La question suppose qu’il y ait initiation dans une clairière, quelle qu’elle soit, et quel que soit le rituel et la raison d’être de ladite clairière. Auquel cas, il s’agira d’être accueilli d’abord en tant que disciple, qui dans son nom même suppose une discipline de vie et rituélique à suivre avant que de pouvoir être admis au sein de ladite clairière en tant que barde, ovate ou druide

A cette question qui présuppose celle de savoir où trouver des druides aujourd’hui encore, le Net fournit des adresses : l’Agence de voyages Bretagne Secrète propose rien de moins qu’ « Une immersion exceptionnelle avec un Druide de Bretagne, de fouler les lieux où le mystère des druides vit encore, et bien évidemment, d’aller à la rencontre des représentants actuels de cette religion vivante en plein renouveau. »…
Pendant que l’Ordre Druidique de Dahut propose « Balades et excursions druidiques en Bretagne en compagnie des sacerdotes de l’Ordre Druidique de Dahut » …
Voilà pour quelques exemples révélateurs d’une forme de consumérisme spirituel.

Même si l’âge de la clairière n’est pas un gage de fiabilité, fiez-vous aux sociétés organisées et reconnues comme association Loi de 1901 et qui sont sensées fonctionner selon des règles qui protègent de dérives. Pour autant, soyez, restez vigilants quant à l’alignement qu’il y a entre les valeurs affichées et le comportement réel des druides, bardes et ovates. Fiez-vous à votre instinct concernant les personnes que vous rencontrez, et posez-vous la question de savoir vraiment ce que vous cherchez, vraiment.

Comment devenir druide ?

Je conseille la lecture de Philippe Jouët qui, dans son excellent ouvrage « Triades, bardes et druides dans l’histoire et l’imaginaire – études sur le renouveau celtique du XVè au XVIIIè siècles » décortique la notion de la transmission et de la filiation.

Étymologiquement, transmission nous vient du latin transmissio qui veut dire « trajet, traversée, passage » et aussi, « envoyer au-delà, déposer au-delà » ; mais encore pour le verbe d’action transmettre, en ses deux parties, trans et mettre : « transmission d’un droit ». Le préfixe latin « trans » est lié au comparatif grec teros (« τέρος « ) et au sanskrit tar et tara, soit : ce qui fait traverser, le sauveur, le libérateur, ce qui est brillant, resplendissant et, au féminin, est une étoile, un astre. Le sanskrit donne le préfixe « tr » comme :  action de traverser, chemin, passage. Tari étant le bateau…

Quant au mot filiation, nous pouvons l’entendre comme la suite continue de générations, dans une même famille : la ligne directe qui descend des aïeux aux enfants, ou qui remonte des enfants aux aïeux. Et, nous pouvons aussi l’entendre comme le lien entre des réalités qui sont nées les unes des autres, qui se rattachent les unes aux autres, comme dans les registres les idées, des mots, des œuvres.

Or, ces deux belles idées de transmission et de filiation ont été « perverties par deux affirmations péremptoires ».
L’une qui remonte à des exégètes hébraïsants et chrétiens qui affirme que les traditions anté-créationnistes annonçait déjà, à leur façon, le message monothéiste. L’autre qui affirme l’idée d’une « chaîne ininterrompue de transmission et d’initiation depuis la nuit des temps ». D’où « des querelles de dupes sur leur validité supposée et la course à la filiation et à l’initiation, alors que dans les récits des sociétés vraiment traditionnelles, il ne s’agit là que de figures imagées de l’enseignement et de l’éveil. » Comme la tradition se construit progressivement sur le mode sélectif et cumulatif, il importe d’être vigilants quant aux réinterprétations coupées des racines et de leurs méandres.

En dernière analyse, nous dit Bernard Dubant grand défenseur des « religions naturelles », dans « tradition et modernité » en 1980 : « L’état païen est constamment donné et n’a pas de détenteur ».
Ce qui nous éloigne radicalement d’un système dogmatique et pyramidal et nous ancre dans le monde de la tradition, sachant qu’une tradition, quelle qu’elle soit, est toujours ancrée dans la réalité sociale et culturelle, et l’expérience historique d’un peuple réel habitant un territoire donné de la planète.
La notion de tradition universelle relève de la confusion, du déracinement, de l’absence de sens…

A partir du moment où nous acceptons la définition du mot paganisme (utilisé depuis le IVè siècle par les chrétiens pour désigner la religion de ceux qui ne sont ni chrétiens ni juifs), le druidisme est une forme de paganisme, d’état d’être donné, de spiritualité non tenue en détention par des détenteurs, entre maintien et renouvellement, …

Alors, au travail !
Avant même d’aller vers une clairière druidique et de solliciter notre entrée et notre initiation, inscrivons-nous dans la réalité sociale, culturelle et politique de la Bretagne et des pays celtiques. Plongeons dans l’expérience de vivre au quotidien l’étape de l’histoire du peuple breton en tant que peuple celtique et indo-européen.
Soyons des apprentis, apprenons ; soyons dans la transmission, recevons, donnons, élevons-nous et aidons les autres à s’élever…

• Une femme pouvait-elle / peut-elle devenir druide, druidesse ?

Les « femmes druides », « druidesses » ou « bandrui » sont mentionnées à différentes époques, ainsi que les « femmes ovates » ou « banfaith » ou « femmes bards » ou « banfile ».

Les « bandrui » sont capables de soumettre les éléments et de provoquer des évènements météorologiques majeurs, des obscurités subites, des pluies monstrueuses et violentes. L’histoire a retenu que Ailbe, fille du grand roi Cormac, était une femme-juge, donc femme-druide. Dans la mythologie celtique bretonne, les Gallizenae sont les druidesses mythiques de l’île de Sein / Enez Sun (Sena) au large de l’Armorique. La première mention de leur existence remonte à Artémidore (125-27 av. J.-C.). Pomponius Mela (géographe du Ier siècle apr. J.-C.), précise qu’elles sont au nombre de neuf et ont fait vœu de virginité. Elles ont le don de prophétie, le pouvoir de calmer vents et tempêtes et de prendre la forme animale qu’elles désirent…

Les druidesses ne sont pas les pendants des druides.
En Gaule elles sont nommées dryades, et leurs fonctions antiques sont identifiées comme étant la divination et la prophétie, elles étaient oracles et étaient consultées par ceux qui voulaient connaître leur destin. Elles étaient aussi responsables du culte rendu aux divinités dans les forêts, temples et près des fontaines ou cours d’eaux.

Les écrits romains mentionnent des druidesses :

► Aelius Lampridius situe la rencontre entre une druidesse et l’empereur Alexandre Sévère vers 234-235 ap. J.-C., lorsque l’empereur menait campagne contre les Germains depuis Mogontiacum (Mayence).

► La rencontre entre l’empereur Aurélien et une druidesse est contée par un certain Flavius Vopiscus de Syracuse. Cette rencontre aurait eu lieu en 274 après J.-C. lors de l’unique séjour d’Aurélien en Gaule, au cours duquel il menait une campagne contre Tétricus, puis réintégrait la Gaule à l’Empire romain.

► Selon Clodius Celsinus, un homme politique romain, l’empereur Dioclétien aurait rencontré une druidesse dans la cité des Tongres

Aelius Lampridius, Histoire Auguste : Vie d’Alexandre Sévère : « Pendant qu’il [Sévère Alexandre] était en marche, une druidesse lui cria en langage gaulois :  » Va, n’attends pas la victoire, méfie-toi de tes soldats. «  » 

« Morgane parle : Mais à dire la vérité, la vérité toute simple, je pense que ce sont les chrétiens qui raconteront la fin de l’histoire ; en effet, le monde des Fées se sépare à jamais du monde où le Christ règne en maître. Je n’ai rien contre le Christ, mais seulement contre ses prêtres, qui appellent démon la Grande Déesse et lui dénient tout pouvoir ici-bas. Au mieux, disent-ils, sa puissance lui vient de Satan, ou bien encore la revêtent-ils de la robe bleue de la Dame de Nazareth, prétendant de surcroit qu’elle fut toujours vierge. Or que peut donc savoir une vierge des douleurs et des larmes de l’humanité ? »
Marion Zimmer Bradley – 1986

Manon B. Dufour, docteur en sociologie de l’Université de Laval au Québec, dans son travail L’existence de la druidesse : Une perception renouvelée du concept de féminité en Occident , affirme que « La civilisation des Celtes a développé une conceptualisation sacrée de la féminité. La christianisation du druidisme a transformé considérablement les valeurs culturelles et celtiques sans toutefois les occulter complètement. C’est dans cet esprit de continuité historico- mythologique qu’est étudié la transformation conceptuelle de l’archétype de la druidesse Morrigane à sa version christianisée, Morgane la fée. Quelques éléments sexe-idéologiques, symboliquement associés au féminin, sont déterminants lors de cette transition conceptuelle. » Manon B. Dufour montre combien l’’interprétation religieuse de la sexualité a influencé la perception contemporaine du concept de féminité en Occident.

menez hom, chandeleur
Statue de bronze de Berc’hed (Brigitte en langue française).

Par ailleurs, pour abonder dans l’idée de puissance des druidesses, il suffit de constater que toute figure symbolique du féminin dans la culture celtique est à l’image de Brigitt, la triple déesse. « Elle est la triple Brigitt, mère de tous les dieux, Déesse-mère par excellence, la trois fois Muse, la poétesse, fille du Dagda, la triade révérée par les poètes, les médecins, les forgerons, déesse de la poésie, de la santé, de la forge, englobant ainsi les trois fonctions de type indo-européen » comme le définit en 1990 Jean-Paul Persigout, membre de la Société de mythologie française et spécialiste de la civilisation celtique.

Cette tripartition de la déesse triple souligne l’étendue et la diversité de la puissance primordiale de la féminité dans la civilisation des Celtes.

druidisme et druides
Le druidisme et les druides – calendrier des fêtes celtiques

Quelles sont les grandes fêtes druidiques traditionnelles ?

Les huit grandes fêtes celtiques comprennent les trois cérémonies druidiques traditionnelles et la cérémonie royale.
Celles-ci correspondent à huit rayons qui rythme le cercle de l’année : quatre pour les équinoxes et solstices, et quatre pour les cérémonies proprement celtiques.
Ce sont autant de périodes, bien au-delà d’une simple journée, concentrant des contenus cosmiques, mythologiques et agraires, et relevant tout autant de la « religion civique et politique ».
Ces fêtes celtico-druidiques conjuguent des cérémonies religieuses, des assemblées politiques, des activités économiques et festives.

Questions de vocabulaire …
Le nom des fêtes celtico-druidiques est un problème, celui qui naît de ce qui devrait être d’un côté, et de l’autre, des usages qui dénaturent la réalité linguistique. En effet, le public et les clairières druidiques contemporaines se sont appropriés les noms irlandais des fêtes celtiques, alors que ces fêtes sont nommées en langue bretonne toujours vivante, voire en langue gauloise éteinte certes, mais qui a laissé des témoignages écrits, notamment sur le calendrier soli-lunaire de Coligny

Ainsi, selon Philippe Jouët, Joseph Monard et d’autres dont je fais partie, les Bretons pourraient remplacer le vocabulaire irlandais par les mots existants en langue bretonne pour dire ces fêtes :

Samain en irlandais, Gouel Heven ou Kala-Goañv en breton
Imbolc en irlandais, Emwalc’h, Gouel Berc’hed ou Gouloù Deiz en breton
Beltan en irlandais, Kala-Mae, Kala-Hañv ou Kenteven en breton.
Lugnasad en irlandais, Gouel Eost en breton

L’année celtique était divisée en deux saisons, l’une sombre et l’autre lumineuse, attestant de l’origine polaire de la tradition celtique. L’année commençait à Samain dont la date dépendait de la lunaison, exactement le sixième jour après la nouvelle Lune de Novembre, jour d’entrée dans la saison sombre qui allait durer six mois jusqu’à Beltan fixée au 1er mai dans notre calendrier grégorien. Beltan signait l’entrée dans la saison lumineuse qui elle-même allait durer six mois. Entre les deux, au 1er février, Imbolc, située au milieu de la saison sombre dans un cycle ascendant vers la lumière, et au 1er août, Lugnasad située au milieu de la saison claire, dans un cycle descendant.

Un axe vertical Samain-Beltaine croise un axe horizontal Imbolc-Lugnasad, marquant un cycle du temps dextrogyre, polaire et solaire. Les quatre rayons de cette croix sont décalés de quarante-cinq jours environ par rapport aux quatre rayons de la croix cardinale composée des deux équinoxes et des deux solstices, sans que l’on sache exactement pourquoi et, comme le soulignent Christian-Jacques Guyonvarc’h et François Leroux, « Les raisons de ce décalage sont inexpliquées. Nous ne pouvons que les constater et, compte tenu du niveau intellectuel des druides, toute erreur de calcul est exclue. »

• Quelles sont les significations de ces fêtes celtiques ?

Samain / Gouel Heven, semaine autour du 1er novembre 

Samain / Gouel Heven est le moment de l’année où les humains ont accès à l’Autre Monde dont l’éternité pénètre le temps et en suspend le cours. Les barrières entre les Mondes sont abolies, et l’ensemble des humains a accès au Monde des dieux sans que cela soit un sacrilège, tout comme les morts peuvent venir visiter les vivants et participer aux festivités. C’est une fête de passage, de transition, qui dure une semaine, trois jours avant et trois jours après. Et si Samain est devenue la Toussaint chrétienne sur trois nuits et trois jours, c’est que cette période était on ne peut plus sacrée et joyeuse, ponctuée de festins rituels bien arrosés de bière et d’hydromel, parfois de vin ; et que la pire des sanctions subies était la peine de folie ou de mort assurées qui frappait les absents à ces festins obligatoires. Samain était une fête trifonctionnelle à laquelle participaient les sacerdotes, les guerriers et les artisans, paysans et autres producteurs.

Imbolc / Emwalc’h le 1er février 

Imbolc / Emwaic’h est essentiellement une fête de purification et de lustration dédiée à la déesse triple Brigitt, souveraine et mère de tous les dieux. Déesse  christianisée en sainte Brigitte certes mais n’oublions pas que le culte des saints, dont très peu sont reconnus par l’Église, est bien particulier au monde celtique. Le nom d’Imbolc a disparu du calendrier et de la mémoire populaire qui désignent ce jour bien particulier comme étant le « Jour de la fête de Brigitte » toujours précédé d’une veillée assurant le retour de Brigitt qui protègera une maison purifiée et le bétail dans des étables et crèches elles aussi nettoyées et purifiées. Brigitt est la déesse protectrice des médecins et de la médecine, pour Emwalc’h, on se lave et on se débarrasse des souillures de l’hiver. Si Samain / Gouel Hevan est une fête trifonctionnelle, Emwalc’h est une fête de fécondité, Kala-Mae est une fête de sacerdoce, et Kala-Eost une fête de royauté .

Beltaine, Kala-Mae, le 1er mai 

Cette fête de Beltaine / Kala-Mae marque une rupture dans l’année.
C’est le passage de la saison sombre à la saison claire, lumineuse. Elle avait lieu à la pleine Lune de mai, très importante dans d’autres traditions (voir la fête du Wezak chez les bouddhistes).  Cela entraîne aussi un changement de vie puisque c’est le renouveau des activités diurnes : reprise de la chasse, de la guerre, des razzias, des conquêtes pour les guerriers, début des travaux agraires et champêtres pour les agriculteurs et les éleveurs. Beltaine c’est aussi le nom du mois de mai en irlandais (« Mí na Bealtaine », littéralement « Le mois de Beltaine« ) et le nom du 1er mai en gaélique écossais.

En Gaule son équivalent était en rapport avec Belisama (« la Très Brillante ») et son parèdre Belenos (l’« Apollon celtique »). En Irlande, c’est à cette date que sont arrivés les différents occupants de l’île, si on se réfère au Lebor Gabála Érenn (les Livres des conquêtes de l’Irlande). C’est une fête de renouveau et de fondation. Le principal rituel de Beltaine consiste en des feux allumés par des druides où le bétail passait afin qu’il soit protégé des épidémies pour l’année à venir. Aujourd’hui se sont les druides et leurs invités qui passent entre ces deux feux. De la tradition sont restés vivants des usages comme la danse autour d’un mât de mai (un grand poteau planté dans le sol, symbole phallique, avec des rubans de toutes les couleurs attachés en son sommet, chaque participant tournant autour du mât avec un ruban dans la main), la pratique de la divination, les rituels de protection des maisons, les cueillettes de plantes (en particulier des orties), les sauts au-dessus des feux pour s’assurer bonheur et fertilité…

Lugnasad, Kala-Eost, le 1er août 

Dans le festiaire, le calendrier et la Mythologie celtique irlandaise, écossais et l’île de Man (Gaëls), Lugnásad (en irlandais moderne Lúnasa, qui est le nom du mois d’août) est une fête religieuse dont le nom signifie « assemblée de Lug », l’une des principales divinités des peuples celtiques.
Elle a lieu au début du mois d’Elembivios du calendrier de Coligny, selon les lunaisons, entre 1er et le 15 août du calendrier grégorien, ou à mi-chemin entre le solstice d’été et l’équinoxe d’automne, en pleine période des récoltes.
Mais, selon Vanceslas Kruta, la fête de Lugnasad aurait été déterminée par le lever héliaque de Sirius. En Bretagne, la fête de saint Louan ou Luhan, dont le nom est issu de lugu, Gouel Luhan est célébrée en août. Les miracles attribués à ce Lug-Lou(h)an sont caractéristiques d’un dioscure immortalisé : guérisons d’un ulcère, retour à la vie, allongement de la clarté du jour pour permettre un long voyage.

Par ailleurs, le Concilium Galliarum ou Assemblée des Gaules se tenait  au moment de Lugnasad.
L’empereur Auguste avait découpé la Gaule en quatre provinces : trois impériales (la Gaule lyonnaise, la Gaule aquitaine et la Gaule belgique) et une sénatoriale (la Gaule narbonnaise). Lugdunum (Lyon) était considérée comme la capitale des trois Gaules impériales. C’est là que siégeaient leurs gouverneurs. Un rassemblement annuel des délégués des soixante nations gauloises se tenait à Lugdunum le 1er août (date anniversaire de la prise d’Alexandrie par Octave et aussi fête de Lug, dieu solaire gaulois vénéré sur la colline de Fourvière). La destination du sanctuaire fédéral des trois Gaules était d’accueillir ce rassemblement… la Lugnasad était une fête royale marquée par la redistribution des richesses et l’équité, sous l’autorité des druides. C’était une trêve militaire qui célèbrait la paix, l’amitié, l’abondance et la prospérité du royaume. Elle était obligatoire et réunissait les trois classes (sacerdotale, guerrière et artisanale) de la société celtique. Elle est décrite comme une grande foire commerciale, et l’occasion de régler les contentieux, de célébrer des mariages, d’entendre des poètes et des musiciens

Les druides ont-ils réalisé des sacrifices humains comme on l’entend dire parfois ?

Les auteurs grecs et latins ont délibérément placé la civilisation celtique dans le camp de la sauvagerie en décrivant d’horribles scènes de sacrifices humains pour mieux justifier la supériorité romaine. Tout comme la légende du supposé cannibalisme des Noirs justifiait la colonisation et la christianisation du continent africain par les Européens censés leur apporter les bienfaits de leur civilisation…
Alors que cette soi-disant suprématie morale des Romains et plus tard de ceux qui se revendiquaient de la religion catholique, apostolique et romaine, s’accommodait fort bien des jeux sanglants des arènes, des génocides des Indiens et Amérindiens, des bûchers de la sainte Inquisition, de l’éradication physique des « sorcières », etc…

En réalité, que nous disent les découvertes archéologiques ?  
Les fouilles de sanctuaires ont permis de mieux connaître les pratiques religieuses des Celtes / Gaulois. Ainsi, les corps décapités, démembrés et exposés étaient ceux des ennemis vaincus.
Il ne s’agit donc nullement de sacrifices humains.

Par contre, lorsque des sacrifices humains ont eu lieu, les victimes étaient des prisonniers de guerre ou des condamnés, y compris les rois qui avaient failli à leur mission et qui savaient par avance le sort qui les attendait. Des découvertes de corps bien conservés dans des tourbières en Grande-Bretagne et en Irlande ont mis en évidence ces pratiques sacrificielles. Celui qui menait le sacrifice était de fait un druide.

Cette vision d’une société celtique pratiquant des sacrifices humains à foison est restée gravée dans l’imaginaire et a été associée aux monuments mégalithiques dont on a fait, à tort, des autels à sacrifice humain.

Par ailleurs, dans sa Géographie, l’auteur grec Strabon (63 av.J.C – 24 ap.J.C) rapporte que les Celtes, peuple de farouches guerriers, se livraient à de redoutables pratiques…
Un de leurs rites consistait à trancher la tête des vaincus à la fin des batailles !
L’historien raconte : « au retour du combat, ils attachaient les têtes de leurs ennemis à l’encolure de leurs chevaux pour, une fois rentrés chez eux, les enclouer devant leurs portes… », à l’entrée de bâtiments publics, ou des maisons. Des représentations gravées ou sculptées de ce rituel des têtes coupées, qui étaient de véritables trophées de guerre, se retrouvent dans tout l’art celte de l’Age du Fer.

L’archéologue Réjane Roure et son équipe de l’Université de Montpellier 3, ont découvert en 2018, que les guerriers pratiquaient l’embaumement de têtes-trophées ! Ce qui confirme, pour la première fois, les récits des historiens antiques décrivant il y a plus de 2000 ans que les Celtes : « oignaient d’huile de cèdre les têtes et les exhibaient à leurs hôtes, refusant de les rendre même en échange de leur poids en or. » Ces trophées de guerre, momifiés -après soustraction des parties molles (langues et cerveau), étaient ensuite sauvegardés dans des caisses de bois transmises comme un précieux trésor de générations en générations. Mais là non plus il n’est pas question de sacrifices humains, mais de pratiques guerrières et culturelles. « Par la conservation de la partie la plus symbolique de l’individu, ces comportements étaient sans doute une forme d’hommage au vaincu tout en représentant de façon très concrète, la valeur du guerrier vainqueur », ajoute Réjane Roure.

On parle aujourd’hui de néo-druidisme : qu’est-ce que ce néo druidisme ?

Le néodruidisme est aussi appelé druidisme contemporain par certains. Il est une forme moderne de religion, de philosophie ou de spiritualité qui promeut l’harmonie avec la nature et le cosmos, souvent au travers d’une forme de culte de la nature et de rituels dans la nature.

Tout aurait commencé au XVIIème siècle à Oxford au sein du « Bosquet druidique » Mount Haemus qui daterait de 1245. Mais, selon certains, il aurait existé à Oxford deux cents ans plus tôt un autre bosquet dont les membres perpétuaient la tradition druidique. Deux personnages fréquentèrent le bosquet d’Oxford : Elias Ashmole et John Aubrey.

Elias Ashmole était alchimiste, docteur en sciences physiques, historien, archéologue, musicien et membre de la Royal Society. Il fut reçu franc-maçon en 1646, passa pour le prototype du Rose-croix et mouru en 1692. D’après la tradition du Druid Order, il aurait été à l’origine des premiers rituels initiatiques transmis aux francs-maçons spéculatifs, rituels inspirés du druidisme.

Quant à John Aubrey chef druide du Bosquet Mount Haemus, il est connu pour ses recherches archéologiques sur les sites d’Averay et de Stonehenge. Il associa les monuments mégalithiques aux druides…  Il forma un disciple, l’irlandais John Toland et lui confia la mission de regrouper tous les adeptes de la tradition druidique. Le 21 septembre 1716, jour de l’équinoxe d’automne, un hérault mandaté par John Toland, proclama au sommet de la Primrose Hill à Londres, la convocation de « tous les druides pouvant exister de par le monde pour l’assemblée qui aurait lieu le 22 septembre 1717 à Londres, à la Taverne du Pommier ».
L’assemblée décida la fondation du Druid Order dont John Toland fut institué le premier chef-druide.

On pourra retenir qu’en juin 1717 naissait la Grande Loge de Londres et en septembre 1717 renaissait le celtisme. A noter aussi que la Taverne du Pommier était une des quatre tavernes londoniennes où se réunissaient les Francs-Maçons.

Ces mouvements néodruidiques qui apparaissent en Angleterre au XVIIIe siècle, relèvent en partie des premières manifestations de la mouvance « néopaïenne », sachant qu’il existait encore à cette époque des « cercles » ou « bosquets » druidiques ou bardiques, fermés, dans lesquels se sont transmises des éléments de la tradition celtique qui ont alimenté les collectages de Iolo Morganwg. Un de ses écrits les plus connus est le Cyfrinach Beirdd Ynys Prydain (traduit en 1829 : Mystère des poètes de l’île de Bretagne), un récit attribué par Iolo Morganwg lui-même aux bardes gallois du Moyen Âge.
Il est également l’auteur de nombreux contes et des triades mnémoniques, qu’il attribue également à des auteurs anciens. Dans les années 1970, ont été découverts des brouillons de Iolo Morganwg. Il s’agit de traductions du gallois vers l’anglais sans lesquelles les triades et cette sagesse druidique n’auraient probablement pas laissé de traces écrites. Depuis, l’œuvre de Morganwg a pris progressivement une autre dimension, sa poésie et ses écrits étant désormais reconnus comme un joyau de la langue galloise de son temps.

Les documents Gallois autour du druidisme / bardisme, datent de la première assemblée historique des bardes Gallois qui se réunit en 1176 au château de Cardigan. Le 1er Janvier 1344, le roi Edouard III convoque une table ronde de Bardes. Vers 1400, on cite une tentative de restauration du Druidisme Païen avec un nommé « Sion Cent ». Vers 1450 se tint une assemblée « Eisteddfod » de Bardes à Carmarthen. Ces réunions se poursuivirent de 1523 à 1568, malgré les persécutions des rois Henri V et Henri VIII d’Angleterre. Elisabeth Ière intervint pourtant dans les « Eisteddfodau » pour distribuer des licences aux Bardes afin de les récompenser de leurs œuvres littéraires. Élisabeth, née le 7 septembre 1533 et morte le 24 mars 1603, était la fille du roi Henri VIII, et le cinquième et dernier membre de la dynastie des Tudor sur le trône anglais. Nous sommes au XVIIè siècle et le bardisme est toujours vivant.

Puis, les premiers mouvements néodruidiques, inspirés par la vision romantique des XVIIIe et XIXe siècles, seront basés sur des descriptions historiques des druides de l’âge du fer largement erronées à cette époque.

Philippe Le Stum dans son ouvrage « Le néo-druidisme en Bretagne » affirme que « En le considérant seulement comme un mouvement philosophique, littéraire et idéologique moderne mais soucieux de conserver, comme un précieux héritage, certains pans du passé des nations – tels que la langue – on appréciera davantage son rôle dans l’affirmation, la défense et l’illustration poétique et littéraire de l’identité culturelle celtique, en Galles d’abord, puis en Bretagne. »

Après la première guerre mondiale, une tendance philosophique et néo-païenne s’affirme et provoque des scissions idéologiques au sein de la Gorsedd de Bretagne. De ces éclatements naissent des sociétés druidiques plus ésotériques comme la Kredenn Geltiek (« Croyance celtique ») créée en 1936 et la Kenvreuriezh Prederouriel an Drouized (« Confrérie philosophique des druides ») fondée en 1975. Sans compter les diverses sociétés maçonniques druidiques et l’église orthodoxe celtique de Bretagne.

Existe t-il un renouveau du druidisme en Bretagne, et plus généralement chez les autres peuples Celtes du nord ?

Oui, pour la bonne raison que les Églises et religions dominantes, en dehors des scandales qui les ont éclaboussées, ne répondent plus aux besoins spirituels qui s’accommodent de moins en moins des dogmes. Ces besoins sont de donner un sens philosophique ou spirituel à son existence et à la présence de l’humanité dans l’univers, de renouer une relation plus charnelle à la vie, par le corps et la nature; de trouver un alignement corps-âme-esprit.

A ces questions existentielles et besoins spirituels, le druidisme ou néo-druidisme peuvent proposer une vision du monde, une manière d’être, de vivre et d’habiter le monde sans provoquer de déséquilibre ni de désordre, en communion avec l’ordre cosmique.

Pour autant, cet appétit et ce désir doivent se doubler de discernement : regarder là où l’on met les pieds, observer si la manière de vivre des druides, bardes ou ovates est alignée avec ce qu’ils prônent dans leurs dires, etc…

N’oublions jamais que les sociétés druidiques sont avant tout des sociétés humaines qui ne sont ni exemptes ni protégées des problèmes humains (orgueil, vanité, goût du pouvoir, du lucre et du sexe, « gourouisation », bêtise, etc…).

Sources

Françoise Le Roux & Christian-Jacques Guyonvarc’h : Les druides, 1986  –  Magie, médecine et divination chez les Celtes, 1997  –  La civilisation celtique, 1992  –  La société celtique,1994  –  Les fêtes celtiques, 1995
Pierre Lambrechts :  L’Exaltation de la tête dans la pensée et dans l’art des Celtes, 1957
Philippe Jouët : Triades, Bardes et Druides dans l’histoire et l’imaginaire, études sur le renouveau celtique du XVè au XVIIIè siècle, 2021   –   Etudes de symbolique celtique, rythmes et nombres, 2012
Yvan Guéhennec :  Aux sources de la tradition celtique, 2008   –   Les Celtes et la parole sacrée, 2006
Jean-Louis Bruneaux : Les druides, des philosophes chez les barbares, 2015
Raoult Michel : Les Druides, les sociétés initiatiques celtiques contemporaines, 1992.
Le Stum Philippe :Le Néo-druidisme en Bretagne. Origine, naissance et développement, 1998.
Le Scouézec Gwench’lan : Les Druides, trois tomes, 2001
Manon B. Dufour : L’existence de la druidesse : Une perception renouvelée du concept de féminité en Occident, 1999
Émile Benveniste :  Le vocabulaire des institutions indo-européennes, deux tomes, 1969.
Jigourel Thierry : Les Druides : modernité d’une tradition millénaire, 2002.
Numa-Denis Fustel de Coulanges : Comment le druidisme a disparu. 1879 

Sites internet : Bécédia/BCD Sevenadurioù – academia.edu – Dictionnaire d’étymologie Français, latin, grec et sanskrit

Revues  : Ogam-Celticvm- Keltia magazine – Études druidiques – Nemeton revue d’études druidiques – Natives – Revue celtique

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2 commentaires

Cosquer 18 juillet 2023 - 23h24

Evurus on me da vezañ lennet ho testenn… Estaon mat on ivez o kompren pegen tost eo ma doare soñjal ouzh meizadoù bet meneget ganeoc’h… Hini al liammoù etre ar mab-den hag an natur a zo a-bouez bras; Hennezh a dorr mat ideologiezhioù a dreant abaoe keid all speredoù an dud. Atav e lavaran ez eo ar mab-den un elfenn eus an natur hag en em ziorren pep den rak e endro naturel o vezañ ma sav sevenadur ar boploù diwar an natur justamant…Splann eo hag aze ez eus peadra da vevañ en e frankiz eta. An dazont ‘nag eo! Mersi bras deoc’h

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Erwann 23 juillet 2023 - 12h19

Article fascinant et qui, malgré la longueur, se lit d’une traite! Au-delà du sujet, il s’agit d’une véritable invitation à porter un nouveau regard sur notre société et sur la façon dont nous, Bretons, « consommons » nos traditions de manière trop superficielle et participons à ce détournement de leur signification réelle, à cette folklorisation de notre culture. Merci Mona pour ce passionnant texte!

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