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En Bretagne, le remembrement a détruit nos talus et notre langue

de Rémy PENNEG
Publié le Dernière mise à jour le

Le remembrement a détruit les talus.

Après la seconde guerre mondiale, il faut reconstruire tout et et produire plus. Pour atteindre les ambitions, les tracteurs et autres engins agricoles arrivent en force. Et ils ont besoin d’espace.
Par ailleurs, il est proclamé que les rendements seront bien supérieurs sur des parcelles plus grandes.

En Bretagne, depuis longtemps, le paysage est bocager. Ainsi, les parcelles sont délimitées par des talus sur lesquels poussent généralement des arbres et des taillis. Bien sûr, tout cela n’est pas  le seul fruit du hasard. Notre presqu’île est plus souvent qu’ailleurs soumise à des vents forts. Également à des pluies qu’il est important de canaliser pour qu’elles ne provoquent immédiatement de l’érosion en emportant des tonnes de terre arable au ruisseau.

Mais il faut produire plus, coûte que coûte.

Alors le pouvoir central décrète que sur l’ensemble de l’Hexagone, il faut araser des milliers de kilomètres de talus. Donc il faut agrandir les parcelles. Et durant presque deux décennies à compter des années 60, le bocage breton va être livré aux bulldozers et autres engins de chantier. Durant des années, ces talus anciens vont être totalement détruits. Ainsi en ont décidé des fonctionnaires.
La Bretagne ne doit plus seulement nourrir la région parisienne. Elle va devoir aussi nourrir l’Union Européenne.

infographies, agriculteurs de Bretagne, le remembrement a détruit

Nous sommes 4,6 millions habitants en Bretagne et notre agriculture nourrit 25 millions de personnes

Le remembrement détruit la vie …

En fait ces milliers de kilomètres de talus et de chemins plus ou moins creux abritaient une foisonnante biodiversité. Évidemment, les fonctionnaires parisiens subventionnant ces destructions n’avaient pas cet élément dans leurs tableaux. Comme ils n’avaient pas non plus l’accélération des phénomènes d’érosion. Le moindre ruissellement, auparavant arrêté par le talus, prend maintenant de l’élan et emporte avec lui la couche superficielle de bonne terre arable.

Et que dire du vent ?
Ces mêmes fonctionnaires n’avaient sans doute pas non plus pensé que ces talus avaient aussi été imaginé par nos Anciens comme des paravents. Des haies de protection des cultures et du bétail contre les vents, souvent forts, qui couchent les récoltes.

Et le remembrement a détruit aussi notre langue.

Depuis des siècles en Bretagne, chaque parcelle, chaque champ, chaque chemin est nommé. Il s’agit ici non pas de toponymie, mais de microtoponymie. Tout le monde à la campagne dans les alentours sait où se trouve Park Hir, Goarem Vraz et Menez Louarn. En détruisant les talus, le remembrement a détruit des dizaines de milliers de noms. Donc tout un pan de la langue bretonne vivante. Ainsi en deux décennies, les instigateurs de ces destructions, ont détruit également une partie vivante du patrimoine de la Bretagne.

Mais ces fonctionnaires parisiens hors-sol parlait de « progrès ». Et ce « progrès »-là n’était que financier. Ce « progrès »-là ne tenait pas compte de la destruction de la végétation et de la biodiversité.
Encore moins du brezhoneg …

En Bretagne, arrêtons de confier notre avenir à de trop lointains décideurs, qui ont payé pour raser les talus, et aujourd’hui re-payent pour en reconstruire ?

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4 commentaires

Arzh kreñv 20 décembre 2019 - 22h01

Mersi bras ! Pour cet article assez concis qui résume bien cette catastrophe, écologique, sociale et culturelle qu’est le remembrement.

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Soaz 21 décembre 2019 - 22h27

Un unique modèle économique qui nous mène droit dans le mur!

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Yann 7 juin 2020 - 16h59

Merci pour cet article qui montre que destruction du paysage bocager et de la langue bretonne vont de pair, au travers notamment de la perte de tous ces toponymes de parcelles cultivées. Ces derniers informaient sur la qualité agronomique des sols, les différentes niches écologiques du bocage, l’histoire de ces champs et j’en passe. Ainsi les « park nevez » avaient trait très souvent à des landes ou espaces boisés défrichés dans la seconde moitié du 19ème siècle après la sortie du « petit âge glaciaire », l’adoption de techniques agronomiques nouvelles en provenance d’Angleterre et le début de la révolution industrielle. Autre exemple, « park an had », littéralement le champ des semences, où le paysan cultivait les plantes-mères pour produire ses propres semences adaptées à son environnement avant que des firmes multinationales semencières ne fassent la loi et lui ôtent son indépendance.
Un bémol cependant, que vient faire cette illustration en forme d’affiche qui dit que la Bretagne, avec ses 4,6 millions d’habitants, nourrit 25 millions d’habitants en France et en Europe. La FNSEA, qui défend mordicus le modèle breton et la poursuite concomitante de la destruction du bocage, doit se réjouir de voir cette affiche en plein coeur d »un tel article. Cette « performance » n’est possible en effet que grâce au pétrole, aux machines et à une grande partie des aliments pour le bétail tous importés. Dans un souci de visibilité de tous ces « hectares bretons cachés » du modèle conventionnel agricole breton actuel , nous pourrions proposer aux brésiliens des toponymes bretons pour toutes les parcelles de forêt amazonienne détruites pour devenir des champs de soja alimentant nos animaux d’élevage.

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Yann Flecher 2 août 2021 - 15h33

Bonjour,
On aimerait que ce tsunami bulledozerien ne soit que le produit des fantasmes de « technocrates parisiens hors_sol » mais les faits gourvennequiens sont têtus. Allez raconter ça au prochain congrès de la fdsea 29 pour les faire rire.

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