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La Pierre de Scone, l’Écosse et le couronnement de Charles III

de Maelig TREDAN
Publié le Dernière mise à jour le

Pierre de Scone et Couronnement de Charles III : Le nouveau roi posera t-il son royal séant sur la pierre de souveraineté ?

Le grand jour pour la famille royal britannique approche.

La presse française fait déjà abondamment écho depuis plusieurs semaines des préparatifs du couronnement du nouveau roi, évoquant tour à tour l’abbaye, le nombre d’invités, la fameuse « quiche aux épinards » qui sera consommée, sans oublier les croustillants « potins » relayés et ressassés par la presse people.
Mais plus rares sont les évocations d’un acte pourtant particulièrement emblématique et perpétué par tous les souverains du Royaume Uni au moment de leur couronnement : l’utilisation de la pierre de Scone.

Alors que les théories les plus farfelues circulent à son sujet (certains se plaisant à imaginer que les origines de cette pierre seraient bibliques, et que celle-ci aurait servi d’oreiller à Jacob alors qu’il la ramenait d’Israël, ou encore aurait fait partie d’un pilier le long duquel auraient grimpé des anges), il semble primordial de rappeler quelques éléments, à commencer par la filiation bien plus probable dont cette fameuse pierre de Scone serait issue.

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Pierre de Scone et couronnement de Charles III d’Angleterre – « Not my King » pour les Gallois, Irlandais, Écossais et Cornouaillais

La pierre de Scone : une origine celtique

Il faut se replonger dans la tradition ancestrale pour retrouver les origines hautement probables de la pierre de Scone et surtout sa signification.
Grâce aux travaux remarquables de Françoise Le Roux, Christian Guyonvarc’h, Verman Hull, Gerard Murphy ou encore Fabien Régnier, il est possible de s’appuyer sur les textes fondateurs tels que le Cath Mag Tuireadh (« Bataille de la Plaine des Piliers », ou « Bataille de Mag Tuireadh ») ou, bien que la tâche soit plus ardue, sur la tradition orale et contée qui a malgré tout subsisté dans de nombreuses contrées européennes.

On y retrouve l’histoire des « Druides primordiaux » partis des quatre îles du Nord du monde et à qui furent confiés quatre attributs :

  • A Esras, la lance de lug de l’île de Gorias
  • A Semias, le chaudron venant de l’île de Murias
  • A Uiscias, épée venant de l’île de Findias
  • Et enfin à Morfessa , la pierre venant de l’île de Falias

La souveraineté et la destinée s’incarnant en la personne du souverain, guide du peuple, cette pierre de Scone est intimement liée à la royauté (Fabien Régnier, La Pierre de Souveraineté, Editions du Nemeton).

Peu étonnant donc, que l’on retrouve cette symbolique en plusieurs lieux sur toute l’aire celtique.
A Blocksberg par exemple (actuelle Allemagne), à Tara bien sûr, et enfin en Écosse avec la pierre de Scone.
La version écossaise de la pierre de Scone aurait été importée par les Scots qui, chassés d’Irlande, ont envahi les territoires brittoniques Pictes pour fonder la Dál Riada, royaume Gaël aux alentours du Vème siècle. Les Scots nouvellement établis ont maintenu de forts liens avec leur terre d’origine, l’Irlande, pendant plusieurs décennies, alternant entre alliances et affrontements.

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La Pierre de Scone en Écosse

Au VIème siècle, alors que Patrick christianisait l’Irlande, les Scots auraient dérobé la pierre de Fâl pour l’emmener en sureté en Alba (nom gaélique de l’Écosse). La pierre aurait été déposée sur le Nemeton de l’île d’Iona, en un lieu nommé Scone, afin que puissent se perpétuer les rites d’intronisation des souverains et garantir la prospérité.
A noter qu’il existe également le palais de Scone, dans le comté de Perth en Écosse, construit sur un site sacré (dit « paléochrétien »), et ayant servi pendant près de mille ans au couronnement des rois écossais. Une réplique de la pierre y est d’ailleurs visible.

Quoi qu’il en soit, la symbolique a demeuré, et a été conservée même après la christianisation de l’Écosse qui, rappelons-le, a bénéficié des faveurs d’un syncrétisme celto-chrétien, restant pendant longtemps hors de contrôle de Rome.

Une origine autrement plus spirituelle et symbolique que l’histoire d’oreiller de Jacob à dormir debout !

Symbole de soumission des écossais face aux anglais

En 1286, Alexandre III d’Écosse, dernier souverain à s’être fait intronisé selon le rituel de la pierre de Scone, décède.
Sa seule héritière, sa petite fille, mourra en mer en rejoignant l’Écosse au départ de la Norvège, pays dans lequel elle résidait. L’anarchie pour la succession au trône s’instaure alors.

Avec la complicité d’un Écossais, John Balliol, Édouard Ier d’Angleterre finit par occuper totalement l’Écosse.
Dans le même temps, la chrétienté celtique est reprise en main par l’église romaine, alors du côté des anglais. Les rares druides restants sont traqués. L’Écosse connaît ses heures les plus sombres, sous une occupation violente. Édouard Ier sera même surnommé Malleus Scottorum (« le Marteau des Écossais »), en référence aux exactions commises.
Ce dernier asservira la noblesse locale en lui remettant des seigneuries situées de part et d’autre de la frontière (Fabien Régnier, La Pierre de Souveraineté, Editions du Nemeton), afin de la corrompre et faire en sorte que celle-ci ne relève plus du Droit celtique comme c’était le cas jusqu’alors, mais du Droit anglais.

Connaissant parfaitement l’importance de la Pierre de Destinée pour les Écossais, il entreprend de la chercher avec l’idée de la voler à son peuple et ainsi éviter toute tentative de se choisir un roi légitime par la suite. L’Histoire ne permet pas de dire avec exactitude où se situait la pierre de Scone à cette époque.
Encore au sanctuaire d’Iona ?
Au château d’Edimbourg ?
Au palais de Scone ?

Une fois trouvée, le monolithe de près de deux cent kilos est emmené en Angleterre. C’est à cette époque que l’Église fut chargée de trouver une autre histoire à raconter au sujet de cette pierre, aussi absurde fut elle.

Malgré l’indignation et les tentatives désespérées des Écossais, la pierre de Scone ne fut jamais rendue.

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Pierre de Scone – Abbaye d’Arbroath en Écosse – Photo Aaron Bell

Une mémoire collective encore brûlante

Des siècles et des siècles passèrent.
Gardée à l’abbaye de Westminster pendant près de 650 ans, à la solde des rois et des reines qui se succédèrent, au service de leur légitimité. En 1328, Édouard III s’était pourtant engagé à retourner la Pierre de Scone au peuple écossais dans le traité d’Edimbourg-Northampton.
Une promesse une fois de plus non tenue.

Mais c’était sans compter sur l’action culottée – et héroïque, d’un groupe d’étudiant écossais, mené par Ian Hamilton, venu la récupérer pour la ramener sur sa terre d’origine un soir de réveillon en 1950.
A l’époque la couronne emploi des moyens considérables pour la retrouver.
En vain.
Jusqu’à ce que les Écossais ne la déposent symboliquement, aux yeux de tous, dans l’autel de l’abbaye d’Arbroath, à l’endroit même où avait été signée en 1320 la déclaration d’Arbroath, validant le statu d’indépendance de l’Écosse. Si aucune poursuite contre les étudiants, véritables Robins des Bois des temps modernes, n’a été engagée, le retour de la pierre de Scone à Westminster n’a fait que tendre davantage les relations entre l’Écosse et l’Angleterre.

Un mépris qui contribua à faire monter le sentiment nationaliste écossais, et à pousser, années après années, le Scottish National Party (SNP : Parti Nationaliste Écossais) de plus en plus haut dans les sondages.
Jusqu’en 1996, où pour apaiser la situation le premier ministre anglais de l’époque, John Major, décide de rendre la pierre de Scone aux Écossais, à une seule condition : qu’elle soit ramenée à Westminster en période de couronnement.

Une preuve irréfutable de l’importance accordée à ce symbole qui, bien que récupéré par les vainqueurs pour mieux asservir les peuples, demeurera à jamais celtique.

Titre et illustrations de NHU Bretagne

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