scriptorium

La fabuleuse richesse du scriptorium de l’abbaye de Landevenneg

de Éric BORGNIS DESBORDES
Publié le Dernière mise à jour le

L’abbaye de Landévennec / Landevenneg et son scriptorium

L’abbaye de Landévennec/Landevenneg fut établie au Ve siècle par saint Guénolé. Il s’agit de l’une des plus anciennes fondations monastiques de Bretagne. On considère que l’influence insulaire y perdura jusqu’à une date relativement basse. Mais, en 818, à la suite de sa campagne militaire contre le Roi Morvan, la règle de saint Benoît y fut imposée par l’empereur carolingien Louis le Pieux et ses moines abandonnèrent les « usages scotiques », en particulier la tonsure dite « celtique » (haut du crane rasé et les cheveux longs par ailleurs).

Cette abbaye possédait un scriptorium très actif.

Les quatre évangélistes (Mathieu, Marc, Luc et Jean) furent représentés dans les manuscrits produits part cette vénérable abbaye selon l’interprétation de saint Jérôme : l’homme symbolise Mathieu, Marc est le lion « qui crie dans le désert », Luc se voit attribuer un bovidé (animal voué au sacrifice), tandis que Jean est l’aigle qui vole vers le Père.

C’est ainsi que lorsque les artistes représentent les évangélistes, ils ont plusieurs solutions : ils peuvent notamment choisir une représentation que les spécialistes appellent « antropozoomorphique » dans laquelle les évangélistes ont un corps humain surmonté de la tête de leur attribut. Cette iconographie est présente dans les canons du Livre de Kells (Irlande, VIIIe-IXe siècles).

Six manuscrits ont été conservés, tous hors de Bretagne.

L’un d’eux est présent à Boulogne car les moines de Landevenneg trouvèrent refuge à Montreuil-sur-Mer après la destruction du monastère en 913 par les Scandinaves.

L’attention des historiens a été depuis longtemps attirée par une figuration spéciale de Marc : au lieu qu’il ait une tête de lion comme on s’y attendrait, il porte une tête de cheval. Son origine serait un jeu de mots sur le nom de Marc, proche du nom vieux breton qui signifie « cheval » et qui pouvait s’écrire « march », « marh », « marchus », et sans doute aussi « marc » (« marc’h » avec l’apostrophe entre le c et le h ne datant que du XVIIIe siècle).

Or, les illustrateurs ne pouvaient ignorer le lion.

De plus, on trouve également une représentation de Marc cette fois-ci en chien dans la croix de Milizac/Milizag. En fait, les représentations de Marc en chien et en cheval ont une origine celtique ce qui n’a rien de surprenant puisque les abbayes bretonnes vivaient dans un contexte celtique. D’ailleurs c’est bien du scriptorium de Landevenneg que nous vient la plus ancienne mention du roi Marc (l’oncle de Tristan) qui était affublé d’oreilles de cheval.

De plus, dans les poèmes gallois des XIIe et XIIIe siècles, le chef est souvent désigné par un nom d’animal : lion, loup, ours, sanglier, chien, etc. Le chien était chez les Celtes l’objet de métaphores flatteuses. Comparer un héros à un chien était rendre hommage à sa valeur guerrière et toute idée péjorative est absente. On comprend donc bien que Marc l’évangéliste puisse arborer une tête de lion, de cheval ou de chien puisque ces animaux sont en somme d’égale dignité.

Enfin, le professeur Gaël Milin rappelle que « les deux évêchés finistériens, celui du Léon et de Cornouaille ont l’exclusivité du conte aux oreilles de cheval. »
Un seul exemple parmi plusieurs autres : Penmarc’h, littéralement la « tête de cheval », en fait « promontoire de saint Marc » !

Illustration : Saint Mark, Bodleian Library Manuscript, Oxford, date vers 900/950

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