Sommaire
Un campement de Vikings en Bretagne, à Saint Suliac.
Quelques éléments de la présence des Vikings en Armorique
C’est dans une boucle de la Rance, en contrebas du Mont-Garrot, dans l’Anse de Vigneux que se dessine à marée basse un bien étrange quadrilatère. Cet édicule, d’une superficie de deux hectares ceint d’un muret de pierres sèches est de longue date considéré comme un campement viking …
Ce n’est que dans la dernière décennie du IXe siècle que ceux que nous nommons les Vikings (1) parviennent sur les côtes armoricaines. En 890, ils sont défaits à Questembert / Kistreberzh par Alain Ier de Bretagne dit Alain le Grand. Jusqu’en 907, date de sa mort, les Vikings sont en quelque sorte tenus en respect. Des drakkars (2) parviennent cependant à remonter certains fleuves, la Vilaine par exemple. Ils sont ainsi à Redon en 868, puis à Rennes / Roazhon en 875. Ils s’emparent de Nantes / Naoned pour la première fois, en 843. Ce n’est qu’à partir du début du Xe siècle que la pression de ces Hommes venus de Scandinavie, Danemark et Norvège, va se faire plus importante. L’Abbaye de Landevenneg est ainsi, en 913, mise à sac, pillée, puis brûlée.
Une présence de Vikings en Bretagne.
A partir de 920, ils existent sur les rivages armoricains de nombreux campements ou zones de stationnement de navires, sortes de petits ports, contrôlant des zones stratégiques et ou commerciales. Ainsi en est-il des environs de la Tour Solidor à Saint-Malo / Sant Maloù (35), de Trans / Treant Felger (35) et de Peran (22). Le cas dit du campement de Saint-Suliac / Sant Suliav est un peu plus problématique puisqu’aucune fouille archéologique n’a pu attester de cette présence danoise.
En 1883, ce prétendu camp viking était selon les archives nommé Huitrière de Garrot. Car un exploitant de Saint-Servan y avait implanté un établissement ostréicole. Puis le projet échoue et le site est abandonné en 1900. On dit cependant que l’ostréiculteur, lors des travaux d’aménagement, aurait retrouvé des ossements animaux et des pièces métalliques …
Le site continue tout au long du XXe siècle à fasciner les passionnés d’Histoire.
En 1970, un historien émet à nouveau l’hypothèse d’un campement viking dans l’Anse de Vigneux / Gwinied. En effet, le site présente des similitudes avec le camp de M’na à Trans (35). Malgré l’absence de preuves tangibles, le site est classé Monument Historique par arrêté du 13 août 1986.
En 1990, Loïc Langouet, physicien et archéologue, publie une étude documentée intitulée : Un retranchement normand insulaire : Gardaine à Saint-Suliac / Sant Suliav. Il y évoque l’existence d’une antique place forte nommée Gardaine, citée dans la chanson de geste Le Roman d’Aquin ou la Conqueste de la Bretaigne par Le Roi Charlemaigne paru au XIIe siècle. Il y évoque aussi les ruines d’un antique castellum romain sur lequel le campement viking se serait installé.
Rollon et le Duché de Normandie.
Dans les boucles de la Seine, aux environs de Rouen, un chef viking nommé Rollon (mort en 932) se convertit au christianisme et obtient en 911 par le Traité de Saint-Clair-sur-Epte un vaste territoire qui deviendra le Duché de Normandie. Le Jarl (3) Rollon s’engage auprès du Roi des Francs, Charles le Simple (879-929) à ne plus se livrer à des actes de piraterie et à lutter contre les raids vikings. Cette consécration donne bien évidemment des idées à d’autres caciques vikings …
Ainsi en est-il en 919 du Norvégien Ragenold (mort en 930) qui rêve lui aussi de fonder un état dans les boucles de la Loire aux environs de Nantes / Naoned.
Les Vikings chassés de Bretagne.
Dès le début des assauts vikings, les élites bretonnes, religieuses entre autres, ont quitté au plus vite l’Armorique se réfugiant en Francie et en Grande-Bretagne. Notamment d’un certain Alain Barbetorte (900 – 952) petit-fils d’Alain le Grand qui sera surnommé le Renard, al Louarn. Il rêve de reconquérir la Bretagne et de bouter les envahisseurs nordiques. Donc il lève une armée de partisans gallois et débarque en Armorique en 936. Soutenu par Hugues le Grand (898-956) Alain Barbetorte après quelques déboires, volera de victoire en victoires.
Celle de Trans-la Forêt / Treant Felger (35) le Ier août 939 est décisive et permet d’expulser définitivement les Vikings de Bretagne. Alain Barbetorte qui doit en partie ses succès aux Francs se voit ainsi inféodé à la Francie et à ses souverains. Il sera Duc de Bretagne de 936 à 952. Puis Nantes sera reprise en 936 et deviendra alors capitale de la Bretagne. Les Vikings, à partir de cette date se replient en Normandie.
Le mystère demeure …
Les fouilles archéologiques conduites sur le site de Saint-Suliac / Sant Suliav de 2008 à 2013 ne révèlent que quelques morceaux de bois ne datant que du XIXe siècle. Les historiens supposent qu’une fortification de bois était érigée sur un monticule de terre, sorte de motte castrale, entourée de pierres et protégée de pieux. Ainsi, la thèse du campement viking est une nouvelle fois remise en question et les archéologues souhaitent poursuivre les fouilles de manière plus ambitieuse.
Conclusion …
Le campement viking de Saint-Suliac / Sant Suliav est aujourd’hui enchâssé dans un labyrinthe de canaux vaseux et de monticules recouverts de plantes halophiles qui ne servent plus aujourd’hui que de résidence aux oiseaux migrateurs venus de Sibérie et … de Scandinavie. Quoiqu’il en soit le site est superbe et demeure les jours de brume surtout nimbé de magie prompte à faire naître une saga nordique …
Lexique.
1. Viking est un mot féminin qui en vieux norrois ne désigne pas un peuple mais une activité consistant à prendre la mer pour faire fortune. Les Vikings sont plutôt nommés hommes du nord en occident et / ou Varègues en Europe de l’Est. Dans les chroniques, ils sont tout simplement désignés comme des pirates ou des païens.
2. Drakkars désignent la figure de proue, un dragon nommé dreki. C’est entre autre grâce à ces navires très polyvalents que les vikings connaissent des victoires militaires.
3. Jarl est un mot issu du vieux norrois qui désigne un chef. Le mot anglais Earl à la même origine et désigne un Comte.
Bibliographie.
1. Cassard Jean-Christophe, Le siècle des Vikings en Bretagne, Paris, éditions Gisserot, 1996.
2. Ouvrage collectif, Toute l’Histoire de la Bretagne, des origines à nos jours, Skol Vreizh
Iconographie.
Photographie aérienne du camp viking @StéphaneMaillard
Carte des incursions et campements vikings en Bretagne
Enluminure du XIIe siècle représentant les Danois envahissant la Grande-Bretagne attribué à Maistre Alexis
2 commentaires
non pas « Saint Sulniac », mais « Saint Suliac »
Par ailleurs, rien ce site est très contesté en tant que restes d’un camp Vking, au profit d’une simple huîtrière…
http://atlasponantold.alkante.com/fiche/Navire/035AVI001/#fiche=/fiche/Navire/035AVI001/
https://www.emeraudenature.com/forts-de-la-cote/cite-de-gardaine.html
http://www.loomji.fr/saint-suliac-35314/monument/enceinte-medievale-dite-huitriere-12959.htm
Bonjour Mathias, et merci de vos informations. A ce sujet, l’article précise : »En 1883, ce prétendu camp viking était selon les archives nommé Huitrière de Garrot. Car un exploitant de Saint-Servan y avait implanté un établissement ostréicole. Puis le projet échoue et le site est abandonné en 1900. »