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L’objet de ma lettre ouverte à Madame la Maire de la ville de Nantes : notre mémoire.
Madame le Maire,
Je suis nantais de naissance et c’est pourquoi je vous écris aujourd’hui. Dernièrement, nous avons eu l’occasion de visiter le musée d’Histoire de Nantes au château des Ducs de Bretagne et je voulais donc vous transmettre ma profonde déception quant au sort désormais accordé à ce monument.
En tant que Nantais, je suis naturellement ma ville de Nantes et son château. Mais en le revisitant après de très longues années, j’ai trouvé là de quoi ressentir un vif désarroi.
Ainsi, j’ai revu un château profondément dénaturé, creux. L’aménagement des pièces est si important que nous ne parvenons même plus à identifier ce qui devait être une salle de garde, une salle de réception ou du trône.
Ce château a une importance dans l’Histoire …
Et à la place de le respecter en tant que tel, je constate donc que l’on s’en sert finalement comme une espèce et vulgaire salle d’exposition. Le visiteur traverse des pièces sans vie. Comme des pièces qui n’auraient jamais eu d’histoire.
Et pourtant !
Que devrais-je dire de cette exposition actuellement présente «Rock» ? Est-ce bien là qu’elle devrait avoir lieu ?
La succession des salles ne nous permet donc pas de comprendre la profondeur des faits historiques et plus grave encore, des faits historiques pourtant majeurs sont tout simplement ignorés. Ainsi donc on préfère définir ce château en tant que château de la Loire en se détournant de son passé le plus authentique.
Nantes a été la capitale de la Bretagne indépendante pendant plusieurs siècles, et cela n’apparaît pas.
Bien des précisions existent sur le site internet du musée mais étonnamment pas dans la visite. Dès le porche, une explication hasardeuse indique que le château date du Duc François II de Bretagne. Ainsi sous-entendant alors qu’il n’y avait rien avant. Or, c’est faux. Un château existait à cet endroit depuis bien longtemps et était même parfaitement imposant. Bien plus imposant que d’autres références en France. En faisant la visite du château, nous retenons donc le sentiment que l’histoire des lieux et donc de la ville de Nantes, n’aurait vraiment commencé qu’en 1532. François II est évoqué mais uniquement parce qu’il fut le père d’Anne de Bretagne et que Anne de Bretagne fut la femme successivement de Charles VIII et de Louis XII.
Il s’agit du château des Ducs de Bretagne et pourtant, rien n’est dit sur les ducs de Bretagne.
Si le musée entend évoquer l’Histoire de Nantes alors par devoir d’honnêteté, il doit aussi parler d’autres choses que de la France.
La Bretagne était un duché. Ses souverains avaient le titre de ducs uniquement parce que les rois de France leur refusaient le titre de rois. Ils portaient pour le prouver une couronne fermée réservée aux rois et refusaient de rendre hommage aux Rois de France. Cette couronne devrait d’ailleurs trôner d’un musée tel que celui de Nantes. La Bretagne était donc pleinement indépendante et Nantes était sa capitale.
La Bretagne avait donc sa propre monnaie.
D’ailleurs pourquoi n’est-elle pas exposée ? Elle avait ses propres institutions, ses propres lois, sa propre armée, sa propre flotte qui était présente dans tous les grands ports d’Europe. Ses souverains portaient une couronne fermée, ce qui était la marque des rois. Si la Bretagne n’avait pas été totalement indépendante, pourquoi, y aurait-il eu ce que nous avons nommé les Marches de Bretagne ?
Pourquoi y aurait-il eu autant de guerres entre la Bretagne et la France ?
Parler de Nantes devrait nous conduire à parler de çà.
Ainsi que de son statut de capitale d’un des plus grands duchés d’Europe. Nous ne pouvons pas parler de l’union de la Bretagne à la France sans parler qu’il s’agissait là d’une union délicate entre deux pays.
Doit-on bafouer l’histoire ?
L’union de la Bretagne à la France s’est jouée globalement à Nantes. Mais ce fut complexe. Ce fait mériterait des explications bien plus conséquentes que celles actuellement qui ne disent rien de Philippe de Montauban, du maréchal de Rieux et encore moins de Saint Aubin du Cormier. Tout cela pourrait même occuper tout un musée. Il serait plus honnête même que le traité de l’union puisse être expliqué au point de détailler les conditions qui y avaient inscrites.
Notamment ce qui fut nommé comme étant les libertés armoriques.
Cela n’apparaît nul part dans le musée. Cela permettrait aussi de rendre hommage à Anne de Bretagne qui n’était pas juste une femme qui dût se marier. Mais bien au contraire, une femme historique importante pour la France mais aussi pour la Bretagne. C’est en négligeant encore sa présentation que les Nantais pourraient un jour oublier qu’elle a offert son cœur à la Bretagne à sa mort. Et notamment aux Nantais puisqu’il est au musée Dobrée.
On ne peut pas se contenter de dire que l’union fut obtenue par François 1er roi de France sans rappeler qu’à cette occasion le traité fut bafouée par celui-ci dans la mesure où c’est la deuxième fille d’Anne de Bretagne, Renée qui aurait dû hériter de la Bretagne et non Claude. Cela permettrait aussi de souligner que les Bretons, plus modernes que les français n’obéissaient pas à la loi salique. Où sont ces réalités?
La grandeur de Nantes se situe dans cette histoire.
Le musée néglige tout cela. A force de vouloir balayer toutes les époques, il n’apprend rien. La question de l’Édit de Nantes devrait donner lieu pour une autre période historique, à plus d’explications car ce fut aussi un document essentiel.
Dommage qu’il ne soit pas à Nantes…
J’ai entendu également lors de ma visite parler de l’affaire Pontcallec et là encore, les choses sont minimisées. Rien n’est expliqué. Et pourtant, cela ne serait-il pas intéressant de développer la question pour dire ce qu’était cette affaire. A savoir la révolte de nobles bretons souhaitant obtenir la république bretonne. Faut-il donc toujours négliger l’Histoire de Bretagne et la réduire à peu de choses ?
A cause de cela, la ville de Nantes en paye aussi le prix.
La chose est peut-être en vérité, politique.
Et c’est pourquoi, je m’adresse à vous.
Nantes fait désormais partie des Pays de la Loire et même cela, ce n’est pas expliqué dans le musée. Rien n’explique ce choix de retirer la Loire-Atlantique de la Bretagne et qui eut pour conséquence de retirer à beaucoup de gens le titre de Bretons.
Pourquoi n’en explique t-on pas les ressorts ?
Décidément, non, ce musée parle bien plus d’une histoire que l’on entend donner aux Nantais et non de leur histoire réelle.
Et pourtant tout le monde a le droit de connaître son histoire.
La ville de Nantes en tant qu’institution, devrait à mon sens, se montrer absolument attentive et intransigeante de protection vis à vis de sa richesse. Et donc reprendre le fonctionnement de ce musée pour l’interroger totalement. L’exposition ancienne des anneaux de la mémoire qui eut beaucoup de retentissements à l’époque, aurait elle mérité d’être permanente et de rester à la place de celle sur le «Rock». Cela aurait permis que la question de la traite soit toujours évoquée.
Afin de conclure mon propos en le renforçant, je voudrais attirer votre attention sur le triste sort laissé au tombeau de François II de Bretagne et de Marguerite de Foix actuel présent dans la cathédrale de Nantes. Les explications présentes décrivent bien plus le tombeau comme une œuvre d’art que comme la présentation du lit éternel d’un illustre personnage. Et pourtant, celui-ci a fait l’Histoire de Nantes. Il fut même à l’initiative de la création de l’université de Nantes. Il ne devrait donc pas être traité de la sorte. Idem pour cette petite plaque ridicule, posée à côté de son tombeau et qui parle de Dame de Châteaubriant qui fut pourtant aussi un personnage, quoique controversé, de l’Histoire de Bretagne.
Sous peine d’offrir aux nantais, une mémoire aménagée et parsemée de trous, ce qui serait tout simplement insupportable, il serait bon donc que la ville de Nantes reprenne dans sa politique culturelle un rôle de veille. Je vous alerte donc que notre mémoire est en péril.
J’espère donc que vous pourrez réagir à ce sujet en vue de la sauver.
Merci
4 commentaires
[…] By Thierry GUERIN […]
« Pour liquider les peuples, on commence par leur enlever la mémoire. On détruit leurs livres, leur culture, leur histoire. Puis quelqu’un d’autre leur écrit d’autres livres, leur donne une autre culture, leur invente une autre histoire.
Ensuite, le peuple commence lentement à oublier ce qu’il est et ce qu’il était. Et le monde autour de lui l’oublie encore plus vite. »
Milan Hübl (Ecrivain et historien Tchèque)
‘mañ ket poent ken skrivañ ul « » lizher digoret « »
ober evezhiadennou , hag ober evit ma teuio
ar buhanoc’h buhanañ an devezh e vo srivet , desket
roet zn dro da pephini an istor hon bro : Breizh !!!
hag en istor-se Naoned zo e barzh !!!
La Lettre Ouverte du 5 mai dernier de Thierry Guérin à Madame la Maire de Nantes, m’a paru de grande qualité.
Fondée sur la description objective du Château des Ducs de Bretagne, de son détournement actuel voire de son abandon, elle démontre la négation sournoise de l’Histoire de la Bretagne et de Nantes en particulier. J’ose espérer que Madame la Maire en tiendra compte dans le respect de tous.