Barzaz-Breiz

Barzaz Breiz, l’exposition à Kemper; par Philippe Guilloux

de Philippe GUILLOUX
Publié le Dernière mise à jour le

Deux expositions traitent en ce moment de la matière bretonne et celtique.

L’une à Quimper / Kemper au musée départemental, s’intitule Barzaz Breizh (jusqu’au 31 décembre).

L’autre à Rennes / Roazhon, aux Champs Libres à pour titre Celtique ? (jusqu’au 4 décembre).
Je ne reviens pas sur les polémiques qui secouent cette dernière. Des personnes bien plus compétentes que moi ont exposé leurs arguments.

Pour ma part, je vais me contenter de revenir sur un des points qui pose problème : le panneau de présentation du Barzaz Breizh.
S’il y est en effet largement fait état de la polémique et des accusations de faussaire à l’encontre de La Villemarqué, il n’est pas fait état de la découverte des carnets de collecte originaux par Donatien Laurent et de son immense travail de recherche attestant de la véracité du travail de collecte et donc de l’authenticité de chants édités dans le Barzaz Breizh. Lors de la parution de ses conclusions à la fin des années 60, on pensait la polémique close ! Or, en ne motionnant pas cette découverte et ce travail, les auteurs de cette présentation laissent planer le doute sur un ouvrage de référence et un livre qui a eu une influence considérable, aussi bien sur des artistes (chanteurs mais aussi peintres, sculpteurs, ébénistes) que sur le grand public.

Ceci expliquant peut-être cela.

Ne pas citer Donatien Laurent, c’est aussi manquer de respect pour un homme qui a consacré sa vie a étudier la matière bretonne et pas seulement dans le domaine du chant (cf. son travail tout aussi documenté sur la Troménie de Locronan / Lokorn). L’exposition de Quimper / Kemper, elle, rend d’entrée de jeu un hommage au travail de Donatien à travers un grand panneau qui lui est consacré.

On peut aussi y voir les fameux carnets de collecte de La Villemarqué. Le parcours de visite ne fait pas pour autant abstraction des questions qui demeurent autour de l’ouvrage (et que Donatien mentionnait lui même) en précisant pour quelques chants qu’ils ne sont pas dans les carnets (sachant que Donatien n’a pas terminé le travail sur les carnets) et qu’ils peuvent donc être une création de La Villemarqué ou une transposition de chants qu’il aurait entendu ailleurs, notamment au pays de Galles. Sachant que la gwerz Skolvan, également étudiée par Donatien, prouve que l’on retrouve des textes identiques dans différentes nations (Écosse, Pays de Galles, Bretagne….) et attestent de liens anciens et profonds.

Donatien date la première transcription de Skolvan du XIIème siècle.

L’exposition de Kemper évoque aussi comment l’appartenance sociale de La Villemarqué a pu influencer sinon une réécriture de certains passages, au moins la présentation qu’il fait de certaines complaintes. On peut en effet imaginer qu’étant noble, il donne le beau rôle au marquis de Pontcallec dont on sait aujourd’hui, par les recherches historiques, que ce personnage n’était pas aussi vertueux que peut le laisser penser le chant. C’est une exposition que l’on peut donc qualifier d’honnête intellectuellement parlant. Elle n’a d’ailleurs pas fait l’objet de polémiques.

Qui a tué louis Le Ravallec ?

Les Champs Libres ont souhaité que je vienne présenter mon film sur Donatien Laurent et son travail autour de la gwerz Louis Le Ravallec qui est justement l’un des chants attestant de la véracité de la collecte du vicomte. Elle est présente dans le premier carnet de collecte et les archives départementales du Morbihan disposent des pièces des enquêtes de 1732 démontrant que ce chant relate un fait divers réel. C’est un moindre mal même s’il est évident que l’ensemble des visiteurs de l’exposition n’étaient pas présents à la projection et qu’il aurait été logique, lors de la réécriture de certains quartels de l’exposition, suite aux polémiques, de faire clairement mention de Donatien, de son travail et des conclusions que l’on peut en tirer.
C’est pour cela, et en hommage à Donatien disparu pendant le premier confinement, que je remets en accès libre le film. Chacun pourra ainsi se faire son idée.
N’hésitez pas à partager ce lien. Nous ne pouvons laisser des gens réécrire l’Histoire.

Qui a tué Louis Le Ravallec ?

 

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1 commentaire

Yannick Lecerf 28 novembre 2022 - 14h54

Vous avez parfaitement raison, c’est une des fautes de l’exposition celtique? de ne pas avoir fait référence à la très belle thèse de Donatien Laurent. Sans remettre en cause le travail de collecte de l’auteur, dans sa thèse parue en 1974, D. Laurent constate des adaptations et réécritures de quelques Gwerz. Si le Barzaz Breiz mérite la place qu’il tient comme référence de la culture bretonne, l’analyse objective de ces carnets ne peut ignorer chaque fait ou observation issus de cette thèse.
En collectant la mémoire et le savoir traditionnel de la campagne bretonne, Hersart de la Villemarqué produit le Barzaz Breiz paru en 1839. De là naît un lourd conflit avec Paul Sébillot, François Loth, François-Marie Luzel et quelques autres lettrés attachés à une restitution précise des traditions bretonnes. Très impliqué dans la mouvance néo-druidique, le vicomte de la Villemarqué est reçu en 1838 au sein du collège druidique gallois sous le nom de ’’Barz Nizon’’ (barde de Nizon). Il fonde en Bretagne l’association Breuriez Breiz qui disparaîtra à sa mort en 1895. Pour autant les engagements de l’auteur ne suffisent pas à le suspecter de partialité.

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