Bugaled Breizh

Qui a coulé le chalutier breton Bugaled Breizh: la bande dessinée qui accuse

de Pascal BRESSON
Publié le Dernière mise à jour le

Bugaled Breizh, le 15 Janvier 2004
Je me souviens fort bien de ce jour-là.
Une journée par comme les autres !
Surtout pour cinq familles, un pays, une région, une communauté : les gens de mer.

Comme à mon habitude, dès six heures du matin, attablé sur ma table à dessin, je travaillais à cette époque sur la grande épopée des Terre-Neuvas. Ces « bagnards de la mer » qui affrontaient brumes et tempêtes pour nourrir leurs familles. Chaque année, cette grande eau salée, cruelle maîtresse réclamait elle aussi son tribut, car beaucoup ne revenaient pas des Grands Bancs de Terre-Neuve.
Ce 15 janvier 2004, un flash info sur RTL attira mon attention ! Un chalutier Breton, le « Bugaled Breizh » aurait coulé dans la Manche au large du Cap Lizard. Un naufrage comme dans les films catastrophes ! D’après plusieurs témoins, cet « Enfant de Bretagne » traduction de « Bugaled Breizh » en breton, serait au fond par plus de 80 mètres.
Dès le soir même, la faute humaine planait déjà. ! Puis les rumeurs allaient déjà bon train ! Hummm… Un chalutier de 24 mètres avec une météo maniable. Il y a un loup ! Parce que nous ne sommes pas dans le Triangle des Bermudes tout de même !
Puis quelques heures plus tard, on repêche deux corps sans vie dans les eaux britanniques. D’abord le patron du Bugaled Yves GLOAGUEN. Puis Pascal LE FLOC’H. Manquent encore trois autres marins de l’équipage. Toute la France est en émoi. Sous le choc !
Je pensais aux familles. Je me disais qu’elles avaient perdu un mari, un enfant ! Quelle tristesse. Je me souviens de ce jour-là. Car je n’ai pas pu terminer mon travail. Aussi j’ai préféré poser mes crayons et jouer avec mes enfants. En fait on prend vite conscience que la vie est impitoyable, que rien n’est jamais acquis.

La marine française passe à l’offensive

Dès le lendemain, le 16 Janvier 2004, dans ma voiture, nouveau flash info : La Marine Française passe à l’offensive. Un Amiral affirme qu’aucun sous-marin n’est responsable du naufrage du Bugaled Breizh !
Humm… Je me fais cette réflexion : « La Marine Nationale veut jouer la transparence ». J’avais raison ! Un peu plus tard, on apprenait finalement qu’une manœuvre venait de commencer le jour du naufrage. Cinq nationalités étaient engagées dans le secteur !
Dès ce 15 Janvier 2004, je me suis mis à collecter articles, coupures de presse, etc… Tout ce qui pouvait concerner cette affaire car j’ai su à cet instant que je réaliserais un ouvrage sur ce naufrage qui a endeuillé cinq familles.
Le temps passe et je me spécialise dans les affaires judiciaires en BD. J’ai ainsi travaillé sur l’Affaire Seznec, Dominici et Dreyfus. Des affaires compliquées, et pour certaines non élucidées.

En 2012, l’histoire du « Bugaled Breizh » me revient à l’esprit.

Entretemps l’enquête a pris de l’ampleur. Puis j’ai vite compris que nous avions affaire à une grande injustice. A une vraie manipulation depuis le début. C’était encore une fois d’une grande évidence. Cette fois, je dois apporter ma modeste contribution en tant que Citoyen. Mais également en tant que scénariste BD pour tirer quelques ficelles pour bien mettre en évidence les différentes manipulations, mensonges. Surtout mettre en lumière une vérité qu’on veut nous cacher. Comme j’aime à dire : « Nous habitons un monde interprété par d’autres où il nous faut prendre place ». Ça résume bien l’histoire mon histoire.

Bugaled Breizh

Bugaled Breizh, 37 secondes

J’ai alors imaginé un personnage fictif : Arthus Bossenec

C’est un personnage fort en gueule. Journaliste sur la touche, il a besoin d’une affaire pour rebondir. L’affaire du siècle !
J’avais besoin d’un personnage fil conducteur qui nous dévoile au fur et à mesure des cent quarante pages de ma BD, les différents aspects, en rapportant les nombreux témoignages. Il est l’intermédiaire entre l’affaire, les familles et les lecteurs. Quand vous lirez l’album, vous allez vite voir, qu’Arthus Bossenec est mal dans sa peau et qu’il porte en lui un lourd secret. Ainsi il va amalgamer sa propre histoire personnelle avec celle du Bugaled. Car dans son esprit, défendre la cause des familles contre l’infamie judiciaire, l’injustice et la honte du pouvoir de l’État, c’est s’affranchir, se libérer de sa culpabilité, de son lourd secret et retrouver peut-être une place respectable aux yeux de tous. Ce personnage, c’est une histoire dans l’histoire. Il va défendre bec et ongles la thèse de l’accrochage du chalutier par un sous-marin.

Les lecteurs vont le suivre dans sa persévérance.

Malgré son côté taiseux, c’est un homme qui se bat pour rendre hommage aux victimes, aux familles. Sa seule inquiétude tout au long de cet album BD « BUGALED BREIZH, 37 SECONDES » c’est que l’affaire tombe dans l’oubli. C’est le seul personnage fictif dans cette BD. Tout le reste est vrai à 95%.

Pour renforcer l’écriture et le sérieux de mon histoire, il était capital de m’immerger dans l’ambiance du Sud-Finistère, prendre la température du milieu. Je me suis rendu pendant deux jours sur place à Loctudy et au Guilvinec pour le repérage de mon décor. Tous les ressorts émotionnels des protagonistes sont vrais. Je me suis approché au plus près de ces moments de vérité.

Bugaled Breizh

Pascal BRESSON

On a menti aux familles

Car comme on dit « Il y a toujours une explication aux fortunes de mer »… On a menti aux familles. On les a laissé dans l’ombre de pas mal d’informations nécessaires. Des sous-marins patrouillaient à l’ouvert de la Manche le jour du naufrage. A la lecture de notre roman graphique, on pourra vite comprendre cette évocation du sous-marin : « Il heurte le chalutier, se dégage et disparaît comme un voleur ». Le mobile : La Raison d’État. Puis, un chalutier de vingt-quatre mètres qui coule en 37 secondes par beau temps, sans avarie, il y a quoi se poser des questions ? La mort ne devait pas être au rendez-vous ce jour là ! Au final, cinq disparus en mer, cinq familles endeuillées, cinq familles déchirées, tout ça à cause des secrets plus lourds que les pleurs versés…

J’ai réalisé cette histoire avant tout pour rendre hommage aux familles.

En somme une façon de leur apporter mon modeste soutien. Donc pour dénoncer l’injustice, les mensonges et manipulations du pouvoir en place. Et pour finir, j’ai conçu ce roman graphique pour les jeunes par le support de la BD. Afin de leur transmettre l’envie de connaître ce naufrage. Également d’aller plus loin. Car plus on sera nombreux, plus on aura de chance de ne pas oublier cette triste journée du 15 Janvier 2004…

Bugaled Breizh

Bugaled Breizh e brezhoneg, Nadoz Vor Embannadurioù

Je termine par quelques phrases de Victor HUGO, mon auteur préféré :

« Les paroles me manquent pour dire à quel point m’émeut l’inexprimable »
« Je viens ici faire mon devoir. Quel est mon devoir ? C’est le vôtre, c’est celui de tous »
« Nous vaincrons. C’est par la fraternité qu’on sauve la liberté. »

En breton : BUGALED BREIZH, 37 eilenn – Nadoz Vor Embannadurioù 2016
En français : BUGALED BREIZH, 37 SECONDES aux Éditions Locus Solus 2016
Pascal BRESSON et Erwan LE SAËC

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1 commentaire

Boul 12 octobre 2021 - 19h29

Merci pour votre publication et ce très bel album qui rend hommage aux familles des disparus. Comme vous, je souhaite de tout coeur que le mystère soit éclairci définitivement et que chacun reconnaisse ses responsabilités dans cette tragédie. Cela le sera prochainement en Angleterre où l’on continue de juger cette affaire. Bon courage à tous en particulier à M. Thierry Le Métayer qui la médiatise depuis des années et que je viens de voir au JT de France 2.

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