L’ancien président était à la fois un sincère défenseur des cultures du monde et un adversaire résolu des langues minoritaires en France.
C’est le propre des périodes de deuil : lorsqu’une personnalité qui a marqué son époque disparaît, les Français sont saisis d’une émotion collective et se souviennent surtout de ses qualités. Jacques Chirac ne déroge pas à la règle, qui croule sous les éloges. Et s’il est un domaine où l’ancien chef de l’Etat fait l’unanimité, c’est bien son ouverture aux autres cultures. A ceci près… qu’il n’appliqua jamais ce beau principe en France.
Pourtant, c’est incontestable, Jacques Chirac a été précurseur dans ce domaine. Adolescent, il fréquente assidûment le musée Guimet, à Paris. Chef de l’État, il impose au musée du Louvre un département consacré aux créations venues des pays lointains. Après son départ de l’Elysée, il lance une fondation consacrée notamment à la défense des langues en danger. Et il est évidemment le créateur du musée des Arts premiers qui porte aujourd’hui son nom. Une démarche tout à fait novatrice pour un homme de sa génération, à rebours de l’européocentrisme de l’époque.
Ailleurs dans le monde, oui; mais jamais dans l’Hexagone.
Cela est fort bien, mais il y a un mais, et il est de taille : jamais Jacques Chirac n’a suivi cette démarche dans son propre pays. En 1988, alors Premier ministre, il doit gérer la crise surgie en Nouvelle-Calédonie, un archipel où s’exerce de manière presque caricaturale la domination de l’Occident sur un « peuple premier ». Que fait-il? Il ordonne – avec l’accord de François Mitterrand – l’attaque sanglante de la grotte d’Ouvéa, où des indépendantistes kanaks retiennent plusieurs gendarmes en otages. En 1995, ce n’est guère mieux : il relance les essais nucléaires français dans le Pacifique, sans se soucier exagérément des conséquences sur la santé des populations polynésiennes. Drôle de « dialogue entre les cultures »…
Ratification de la Charte Européenne des langues minoritaires : non !
En 1999, enfin, il s’oppose à la ratification par la France de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Pourtant, le gouvernement de Lionel Jospin a signé le document, mais celui-ci a encore besoin de l’approbation du chef de l’Etat. Roublard, Chirac ne s’y oppose pas frontalement, mais transmet le texte au Conseil constitutionnel, sachant parfaitement que celui-ci va le retoquer en brandissant l’article 2 de la loi fondamentale : « La langue de la République est le français ». Ce qui ne manque pas d’arriver …
Continuez votre lecture sur l’article original de Michel FELTIN-PALAS.
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Photo L’Express