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Que Brigitte Macron ne prenne pas ombrage de ce qui suit, mais Emmanuel Macron n’est pas l’homme d’une seule femme.
Une autre a beaucoup compté dans sa vie : sa grand-mère maternelle, Germaine Noguès.
Et si je vous parle de cette relation aujourd’hui, ce n’est pas pour concurrencer Voici, mais parce qu’elle explique en partie l’attitude du chef de l’Etat vis-à-vis des langues régionales. Ou plus exactement ses a priori.
Née en 1916, décédée en 2013, Germaine Noguès a été professeure de géographie, puis directrice d’école. C’est à elle que les parents du petit Emmanuel, débordés, ont confié le soin de s’occuper de leur fils après la classe. C’est elle qui lui a transmis l’amour de la littérature et des études. A ce titre, elle a joué un rôle considérable dans l’épanouissement scolaire et affectif du jeune homme.
« Manette », comme il l’appelait, était un pur produit de la méritocratie républicaine. Elle avait vu le jour dans un milieu très pauvre, au coeur d’un petit village des Hautes-Pyrénées où l’on parlait gascon. Son père, valet de ferme, et sa mère ne savaient ni lire ni écrire. C’est grâce à l’école que leur fille s’est élevée socialement et culturellement, au point de devenir le négatif presque parfait de ses propres parents.
C’est là que les choses se gâtent.
J’ai cru un temps que le passage par l’ENA du chef de l’État était entré en contradiction avec sa sensibilité bigourdane. Il n’en est rien. En fait, le moule jacobin de la grande école n’a fait que renforcer chez lui les représentations répandues par l’Éducation nationale: les « patois » sont synonymes d’analphabétisme et de misère sociale. La culture, la vraie, ne s’acquiert que par la langue de Molière. Emmanuel Macron ne vénérait pas sa grand-mère parce qu’elle était imprégnée d’une culture régionale, mais parce qu’elle… l’avait abandonnée.
On me dira que je verse dans la psychologie de bazar.
Sauf que j’ai à l’appui de cette interprétation un incroyable échange filmé lors de la visite du président de la République en Corse, en février 2018. Comme il le fait régulièrement, Emmanuel Macron livre ce jour-là le fond de sa pensée, en dehors de tout cadre officiel, à l’occasion d’un impromptu avec un membre du conseil exécutif de l’île, Xavier Luciani :
« Moi, dit le chef de l’Etat, j’avais des arrière-grands-parents qui étaient bigourdans. Ils ne parlaient que le pyrénéen. Leur seul objectif dans la vie, c’était que ma grand-mère aille à l’école de la République pour apprendre le français. Pensez-y ! » (vers 1’04)
De ce propos, trois enseignements au moins peuvent être tirés :
1) Le chef de l’Etat ne connaît rien au sujet. Sur le versant français, on parle (d’ouest en est) le basque, le gascon, le languedocien et le catalan. Le « pyrénéen » n’existe pas.
2) Le président de la République considère manifestement comme un progrès, pour un individu, d’abandonner la langue historique de son territoire pour adopter celui de la puissance dominante du moment. Une vision qui témoigne de son indifférence totale à la notion de diversité culturelle. Et permet de mieux comprendre son recours régulier aux anglicismes.
Condamné au français …
3) A aucun moment Emmanuel Macron se demande pourquoi ses arrière-grands-parents souhaitaient tant voir leur fille « aller à l’école de la République pour apprendre le français ». Cela est bien dommage, car la réponse est la suivante : ils ne pouvaient pas faire autrement ! Les parents de Germaine Noguès auraient sans doute été ravis de voir leur fille suivre ses études et mener sa carrière en langue d’oc, mais cette perspective était inenvisageable. Dans notre pays, pourtant multilingue, l’État a toujours fait en sorte qu’il soit impossible de s’élever socialement en dehors du français.
Tout cela est déjà assez grave, mais le pire est à venir. Au cours du même entretien (vers 1’50), l’élu nationaliste insiste et …
Continuez votre lecture sur l’article original de Michel FELTIN-PALAS dans L’Express
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