Le Saumon atlantique (Salmo salar) est une espèce emblématique de la Bretagne. Il a disparu de nombreux fleuves français mais continue à fréquenter les cours d’eau bretons, véritables pouponnières, où naissent chaque printemps, plus de 400.000 saumons. Le Saumon atlantique est une espèce classée vulnérable par l’Union Internationale de Conservation de la Nature.
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Mon nom est Eog : saumon en langue bretonne.
Je suis né en Mars sur une gravière des eaux vives de la Laïta. Juste à quelques encablures du vaste océan d’où sont venus mes parents. Ils sont nés eux aussi dans les eaux claires de ce modeste fleuve breton puis sont partis rejoindre les eaux fraiches et salées des environs du Groenland. Ma mère, en Novembre, a déposé dans des excavations sablonneuses pas moins de huit mille œufs. Mon père y a répandu son liquide séminal puis est mort en Décembre.
Ma mère l’a suivie bien vite dans l’au-delà des salmonidés. Certains seniors survivent à la fraie. Peu de mes frères et sœurs parviendront à l’âge adulte. Notre vie est rude. Nos prédateurs sont nombreux : poissons, crustacés, oiseaux, mammifères … Je n’évoquerais pas ici l’altération de la qualité des eaux et les perturbations climatiques.
Les humains disent que je suis un bon indicateur de la qualité des eaux.
Je n’évoquerais pas non plus les nombreux obstacles qui bloquent l’accès aux frayères. Les humains – heureusement – ont installé des échelles et des ascenseurs.
Avant la période estivale, j’ai perdu ma poche vitelline de fragile alevin puis ma croissance s’est incroyablement accélérée. Je mesure maintenant pas moins de quatre centimètres. Les eaux de la Laïta constituent un garde-manger fort bien achalandé : insectes, larves, crustacés … Durant près de deux ans, j’ai sillonné ces eaux bienfaitrices et dangereuses. Les êtres humains me nomment alors tacon. Je ressemble – à quelques détails près – à une petite truite ; robe grise ponctuée de tâches brunes, ventre blanc ponctué de tâches oranges.
Puis, pour je ne sais quelle raison, j’ai été inexorablement aimanté par des eaux à la salinité de plus en plus importante. Je me suis laissé dériver vers l’estuaire de la Laïta, puis bringuebaler par le flux des marées.
J’ai senti en moi de profondes modifications physiologiques.
Mon organisme peu à peu s’est adapté aux eaux salées. Les êtres humains me nomment maintenant smolt autrement dit petit saumon d’eau salée. Ils parlent même de smoltification, c’est à dire d’adaptation au milieu salé. Mes forces ne cessent de croître. Ma livrée est maintenant argentée. Je me nourris désormais des petits poissons qui fréquentent l’estuaire.
Il faut que je gagne le grand large et les régions septentrionales. En ce début de printemps, nous sommes des milliers à traverser le vaste océan. Ce voyage est périlleux. Nous optons pour la dynamique de banc afin d’échapper aux prédateurs. Gare aux cormorans, aux Fous de Bassan, aux phoques, aux filets, aux hameçons et mille autres dangers encore.
1 commentaire
Pa oen me bihan, quand j’étais petite, je voyais les saumons sauter à l’écluse de Prat-Pourric sur le Canal de Nantes à Brest.
Une merveille de beauté et de détermination pour surmonter l’obstacle du déversoir avant la mise en place des échelles et ascenseurs.
Pa oen me bihan est aussi le chant magnifique de Jañlug Er Mouel du groupe de jazz breton EOG à écouter là aussi avec émotion.
Merci à Stéphane Brousse pour sont récit sensible du voyage vers la mer de notre saumon atlantique.