Depuis trois ou quatre ans on assiste ça et là à la construction, sur le territoire breton, de maisons-cubes en rupture totale avec le bâtis traditionnel : pierres ou parpaings avec toit à double pente. Le schéma n’excluant pas les variantes locales liées aux matériaux du sol sous jacent et à l’environnement naturel. La belle formule Kant bro, Kant Iliz, Kant giz (« cent pays, cent églises, cent modes » en langue française) résume pleinement cette adéquation avec l’environnement. Ainsi une menaj trégorroise se distingue-t-elle de la tachenn vannetaise ou encore de l’humble penn-ti cornouaillais enraciné dans le micro-pays des mein-sav (« pierres levées » en langue française).
Sommaire
Diversité dans l’unité
Remarquons aussi que cette riche diversité, dans l’unité, se retrouvait aussi, en moindre mesure, dans le paysage urbain. La façade maritime camarétoise donne un bon aperçu de la joyeuse Cornouaille en opposition avec la rugueuse dentelle granitique de Roscoff / Rosko, sans oublier la magistrale et fière silhouette de Saint Malo / Sant Maloù ou l’harmonie des hôtels nantais alliant tuffaut et granit.
Bref tout cela c’est l’esprit des lieux qui constituait jusqu’à tout récemment le « back-ground » de la vie quotidienne des Bretons. Loin de répéter de façon routinière le bâtis ancestral le mouvement Seiz Breur avait voulu innover non sans succès. Plus modestement, avec moins d’audace, le style néo-breton marque encore notre quotidien.
Pour en revenir à ces constructions-cubes, le summun de l’inadéquation est atteint quand, loin de se contenter du blanc habituel, on se trouve devant des badigeonnages qui nous transportent au pays des Ksours (1) en pleine zone berbère du Sud Maroc !
Une mention toute spéciale aussi pour les constructions-bois qui, faute d’avoir recours aux sapins du nord, virent très vite au « pisseux » sous l’effet du vent et de la pluie. On peut regretter les chroniques didactiques de « Ker an Forest ». Il faut aussi souligner le rôle éducatif de Tiez Breizh et de Breizh Santel pour le bâtis religieux. Bien des maires devraient être abonnés à leurs revues et s’inspirer de leurs conseils. Il fut un temps où l’École d’Architecture de Nantes savait inculquer à ses jeunes élèves cette exigence du métier.
Arguments opposables …
Certains ne manqueront pas de nous opposer deux arguments : la sacrosainte liberté de choix individuel et… le changement climatique. Aux premiers nous répondrons qu’un nombres innombrable (2) de normes réglementent le bâtis individuel. Quant à l’argument climatique la péninsule bretonne se trouve dans une zone relativement épargnée. Par ailleurs sans aller jusqu’à prendre l’exemple des pays scandinaves, il existe en France des zones où les municipalités sont particulièrement attentives
à maintenir une harmonieuse cohérence : Ile de Ré, Alsace, Pays Basques.
Depuis que la délivrance des permis de construire n’est plus du ressort des D.D.E (3), celle-ci est con- fiée aux maires. Ce sont donc à eux qu’il nous faut rappeler leur rôle essentiel pour la sauvegarde de la spécificité bretonne. Ne pas rompre avec l’environnement et l’esprit des lieux, c’est là encore une façon de promouvoir la culture d’un peuple.
(1) pluriel de « Ksar » village forteresse
(2)pondre des normes, spécificités bien française
(3) Direction Départementale de l’Équipement
6 commentaires
La délivrance des permis de construire relève bien des maires, mais ces permis de construire sont octroyés en fonction des règles des PLU, plans locaux d’urbanisme.
Et désormais, ce sont des PLU intercommunaux qui seront en vigueur. Ceux-ci sont élaborés sous l’égide des communautés de communes, la plupart du temps par des cabinets d’urbanisme extérieurs à la Bretagne.
Nous avons donc au niveau des collectivités tout ces petits toutous, frères trois points, qui sont les meilleurs ennemis de la Bretagne, macronistes, européïstes, mondialistes, trou du cul-istes, etc…. et ces cabinets « étrangers », qui n’ont strictement aucune préoccupation de l’identité bretonne et de la défense de ses paysages et de son patrimoine architectural.
Et donc tout ce petit monde creuse, et creuse encore, pour tout démolir, comme ils le font depuis des décennies dans tous les domaines de notre société, culture, éducation, santé, agriculture, énergie, etc… etc…
Le code de l’urbanisme permet à un maire de refuser tout permis de construire s’il considère
que le projet ne s’insère pas harmonieusement dans l’environnement.
Pourquoi en Bretagne les maires n’ont-ils pas agi en ce sens ?
Pourquoi au pays basque on ne voit pas de cubes ?
Il y a pourtant en Bretagne, au sud de la Loire, bien des communes qui imposent l’usage de la tuile rouge, pour mieux amputer visuellement notre pays.
Le sud de la Loire, ce n’est déjà peut-être plus la Bretagne, l’influence romaine des tuiles rouges est remontée jusqu’à la Loire en frontière culturelle naturelle.
Bonjour Nestor, et merci de votre commentaire. Ce ne sont pas les matière et couleur des toits qui déterminent si le sud de la Loire Atlantique au-delà de la Loire est en Bretagne; sinon la plus grande partie de la Bretagne « ce n’est déjà peut-être plus la France ». :):)
Notre architecture traditionnelle est ce qui a façonné notre paysage, ce que nous voyons chaque jour. Un point fondamental ici : il nous relie -par sa ressemblance » aux autres nations celtiques d’outre- Manche. Au pont que souvent, sur une photo donnée, on puisse s’interroger sur la localisation précise…