a quand une Bretagne indépendante

A quand une Bretagne indépendante ?

de Erwann PEÑSEC

Sommaire

La question est de plus en plus posée : à quand une Bretagne indépendante ?


Le jeune indépendantiste breton Alan Le Cloarec répond aux questions de Erwan Peñsec (Éveil Breton / Dihun Breizh) à propos du parti indépendantiste Douar ha Frankiz.

Tout d’abord, comment présenterais-tu succinctement Douar ha Frankiz ?

Je précise que je ne suis pas porte-parole de l’organisation, j’en parle donc ici en mon nom.
Douar ha Frankiz est une organisation indépendantiste bretonne, créée en 2020, qui rassemble une centaine de membres partout en Bretagne et dans la diaspora. Notre position est la libération nationale par et pour le peuple breton.

Quelles sont les lignes directrices de ce mouvement politique, les causes que vous avez à cœur de défendre ?

L’indépendance est la ligne directrice.
Nous défendons un processus de libération par étapes, qui passe par l’obtention de l’autonomie et de la réunification. En plus de cela, nous nous adaptons à la situation du pays, particulièrement à la crise du logement, sur laquelle nous sommes mobilisés depuis les débuts de l’organisation. L’écologie est également l’une de nos thématiques de lutte, car c’est l’un des grands défis pour la Bretagne libre de demain, tout comme pour l’humanité entière d’ailleurs.

En août 2022, Douar ha Frankiz organisait une rencontre à Carhaix / Karaez en faveur de l’unité des partis autonomistes et indépendantistes bretons. Qu’en est-il ressorti ?

Beaucoup d’échanges entre les différentes composantes du mouvement national, ce qui est le point de départ nécessaire. Après la réunion publique d’août, un colloque sur l’autonomie fut organisé de façon transpartisane en novembre, et depuis, le travail entre groupes continue pour construire une mobilisation large sur l’autonomie.

De manière générale, pourquoi, selon toi, la Bretagne ne parvient-elle pas, malgré de nombreuses revendications et une identité forte, à voir naître un mouvement émancipateur de grande ampleur, comme en Écosse, en Catalogne, ou même en Corse ?

Il y a un complexe de colonisés très profond en Bretagne.
On se sent légitime à être Bretonne ou Breton, beaucoup moins à l’assumer politiquement.
C’est normal, car la politique est toujours la dernière étape de la libération. Il y a quelques décennies, l’identité et la culture bretonnes étaient très violemment stigmatisées, comme l’est toujours aujourd’hui l’engagement politique breton.
À force de combats, ce qui a été réussi sur le plan culturel s’assumera tout autant sur le plan politique.

En étudiant les publications vous concernant, la critique la plus fréquente qui est faite à Douar ha Frankiz concerne votre soutien à l’immigration, certains avançant que les flux migratoires menacent l’identité bretonne compte tenu des problèmes d’assimilation/intégration à la culture française, et donc encore plus à la culture bretonne. Que réponds-tu à cela ?

Que la culture française et bretonne n’ont rien à voir, car ce sont deux pays différents. Douar ha Frankiz ne s’est jamais placé en « soutien à l’immigration », mais a déjà participé à des rassemblements contre l’extrême droite française sur des sujets liés aux questions migratoires. Là-dessus, on voit bien que la politique française veut imposer ses codes, faire une union franco-bretonne contre l’immigration « extra-européenne ». Alors que, honnêtement, quand on regarde les chiffres et autour de soi, l’immigration qui est en cours en Bretagne, c’est celle des Français, des blancs, souvent riches.

Résidences secondaires en Bretagne

Résidences secondaires en Bretagne – 53% des résidences secondaires en Bretagne appartiennent à des étrangers

La Bretagne souffre terriblement du morcellement de ses partis. Ne crois-tu pas que le positionnement de Douar ha Frankiz sur certaines questions sociétales, qui clivent fortement la société et sur lesquelles vous n’avez pourtant actuellement aucune influence, participe à cette division, et que se concentrer sur la création d’un mouvement uni se focalisant uniquement sur la promotion de l’indépendance par le biais de sujets concrets et rassembleurs (démocratie, culture, économie notamment), serait plus judicieux pour toucher un maximum de gens ?

Toute nation a sa diversité politique, il est donc normal que le mouvement national reflète cette diversité, ce qui n’empêche pas de travailler à l’unité du mouvement, comme nous le faisons. Bien sûr que la question nationale est le socle commun sur lequel il faut bâtir ensemble, mais pour gagner, comme en Écosse, Catalogne, Corse ou ailleurs, il faut aussi que le mouvement soit capable de répondre aux problèmes du quotidien et aux grands enjeux de notre temps. C’est justement le but de l’autonomie et encore plus de l’indépendance, d’avoir les moyens de s’occuper de tous les sujets qui concernent notre peuple et notre pays.

L’un des défis majeurs pour la Bretagne en cas d’indépendance sera la souveraineté énergétique. En 2019, la région administrative produisait 18% seulement de son électricité. Quelles solutions concrètes, efficaces et réalistes proposez-vous ?

Nous sommes passés de 18 % de production d’électricité que nous consommons en 2019 à 34 % en 2022. C’est un secteur où la Bretagne fait preuve d’innovation et a beaucoup à apporter dans l’avenir, particulièrement sur l’énergie liée à l’eau, de mer comme de rivière.
Pour atteindre la souveraineté énergétique, il manque les moyens, donc l’autonomie.
Sans cela, on ne fera rien.
Ensuite, il faut penser différemment de la vision française sur ce sujet, qui ne voit de solution énergétique que par de grands plans industriels, type nucléaire. L’autre solution c’est l’éclatement de la production, du solaire, de l’éolien, de l’hydrolien avec de petites capacités de productions mais présentes partout, sur tous les grandes surfaces, tous les bâtiments publics, tous les particuliers qui le souhaitent.

Quels projets Douar ha Frankiz nourrit-il pour les prochains mois et années ?

Former une nouvelle génération militante, renforcer les liens inter-organisations pour travailler à l’unité du mouvement, continuer à construire une véritable organisation de libération nationale qui s’assume telle quelle.

Quel message formulerais-tu aux sceptiques et opposants quant à la nécessité de l’autonomie, voire de l’indépendance bretonne ?

Que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un principe fondamental et universel défendu, normalement, par toute nation membre de l’ONU, dont la France. Appliquer ce droit ici veut dire au minimum accéder à l’autonomie, comme cela se fait chez tous les voisins européens de la France. Ensuite, si la France refuse à jamais l’autonomie, c’est l’indépendance qui prendra le relai. Si on ne peut s’entendre, au bout d’un moment on se sépare, c’est logique. À moins de sous-entendre ou d’affirmer, comme le font beaucoup de colons français, qu’il n’y a pas de peuple breton. Mais avec ceux-là, est-ce que discuter sert à quelque chose ?

glorieux symboles nationaux

La Liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes … ailleurs que dans cette république auto-proclamée « une et indivisible ». Entre déni de démocratie et négationnisme historique.

 

Titre et illustration de couverture par NHU Bretagne.
« …La Bretagne, en fait, est une île; mais qui, d’une manière tout à fait absurde, est géomorphologiquement arrimée au continent. C’est aberrant qu’il n’y ait pas un bras de mer entre la Bretagne et le continent ! Pour moi, la Bretagne devrait être projetée dans l’océan »
Sylvain Tesson
Entretien Le Télégramme le 05 Novembre 2022

Maintenant, si c’est Sylvain Tesson qui le dit 🙂

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