abbé grégoire

L’abbé Grégoire a-t-il sa place au Panthéon ? par Michel Feltin-Palas

de Michel FELTIN-PALAS
Publié le Dernière mise à jour le

Le 12 Décembre 1989, l’auteur du rapport sur la nécessité « d’anéantir le patois » entrait dans ce temple républicain. Une glorification révélatrice.

On peut aimer ou ne pas aimer Jack Lang, le trouver flamboyant autant qu’exaspérant, mais il est une chose que nul ne peut lui enlever : l’ancien ministre de la Culture a été l’un des – très – rares ministres de l’Éducation nationale à avoir soutenu la transmission des langues régionales à l’école. Aussi son attitude face à un personnage historique comme l’abbé Grégoire est-elle tout à fait paradoxale.

Résumons.

L’abbé Grégoire est une grande figure de la Révolution. Comme le rappelle Françoise Hildesheimer dans une biographie qu’elle vient de lui consacrer (1), cet ecclésiastique ne voyait aucune opposition entre les idéaux de 1789 et le message évangélique, qu’il considérait tous deux comme l’expression « d’un même programme d’égalité et de fraternité ». Il s’est illustré en s’opposant à l’antisémitisme, en réclamant la fin de l’esclavage dans « les Isles », en s’opposant aux destructions d’œuvres d’art et de bibliothèques, en soutenant l’instauration du suffrage universel (pour les hommes). Voilà pour sa part claire. Elle n’est pas mince.

Hélas, l’abbé présente aussi une face sombre.

Je pense évidemment à son célèbre rapport « sur la Nécessité et les Moyens d’anéantir le patois et d’universaliser l’Usage de la Langue française ». Le titre, à lui seul, dit beaucoup, mais il n’est sans doute pas inutile de citer quelques propos de l’abbé sur ce sujet, que ce soit dans ce texte précis ou à d’autres occasions (2).

– « Chez les Basques, peuple doux et brave, un grand nombre était accessible au fanatisme, parce que l’idiome est un obstacle à la propagation des Lumières. »
– « Il est plus important qu’on ne pense en politique d’extirper cette diversité d’idiomes grossiers, qui prolongent l’enfance de la raison et la vieillesse des préjugés ».
– « Pourquoi les futurs époux ne seraient-ils pas soumis à prouver qu’ils savent lire, écrire et parler la langue nationale ? »
– « L’ignorance de la langue [française] compromettrait le bonheur social ou détruirait l’égalité ».
– « La langue est toujours la mesure du génie d’un peuple »

Dans ce domaine, l’abbé Grégoire a donc tout d’un furieux idéologue.

En établissant une hiérarchie entre les langues et entre leurs locuteurs, il tient un discours proche de la pensée raciste. A une époque où, selon son propre rapport, 80 % des Français ne parlent pas français, mais picard, corse ou breton, il préconise une entreprise d’éradication linguistique à grande échelle. A aucun moment, en effet, l’ecclésiastique ne défend l’idée du français comme langue commune, ce qui pourrait s’entendre. Non, son rêve consiste à l’imposer comme langue unique en « anéantissant » les autres langues de France. « Il y a chez Grégoire une conception terroriste de la langue », souligne à juste titre le linguiste Bernard Cerquiglini. Une politique qui porte un nom : « ethnocide », soit la destruction de la culture d’un groupe ethnique par un autre groupe ethnique, plus puissant.

Je l’admets volontiers : il serait trop facile de juger avec les valeurs …

Continuez votre lecture dans l’article original de Michel Feltin-Palas

Retrouvez Michel Feltin-Palas lors de son intervention au colloque Pour une Bretagne Autonome de Karaez / Carhaix

 

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