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Jean-Yves Le Drian fêtera son soixante-quatorzième anniversaire le 30 juin.
On peut penser que son avenir politique est désormais derrière lui, que le président Macron soit réélu ou pas en 2022. M. Le Drian peut partir la tête haute. Il fut sous François Hollande un des meilleurs ministres de la Défense de la Cinquième République, et sous M. Macron un excellent ministre des Affaires étrangères.
Cette belle carrière nationale ne doit pas masquer son incapacité à préparer la relève dans les diverses fonctions électives qu’il a exercées successivement. Il a confié les rênes de sa mairie de Lorient et de la Communauté d’agglomération à Norbert Métairie, qui fut le plus habile mais pas forcément le meilleur candidat. Les Lorientais ont souvent eu l’impression que leur maire n’avait pas de grande ambition pour sa cité et pas de projets clairs.
Pas un mauvais maire, non, mais pas un fédérateur ni un visionnaire.
Sa remarquable longévité à l’Hôtel de ville lui a fait oublier de préparer sa sortie. La ville est désormais dirigée par la droite, pour la deuxième fois depuis la Libération. La veille du second tour des municipales, le ministre téléphona à Fabrice Loher, le futur maire, pour lui dire que « c’était son tour de diriger la ville », dans une scène mitterrandienne un peu surréaliste…
A la députation, le choix de Françoise Olivier-Coupeau était certainement excellent.
Mais quand elle a été élue, elle était déjà handicapée par la maladie qui a causé sa mort prématurée. Mme Olivier-Coupeau fut une parlementaire d’exception, grande travailleuse, proche des gens, chaleureuse et d’un courage exemplaire face à la souffrance. Son suppléant, choisi par M. Le Drian, ne mérite guère de tels éloges. Entré en politique à vingt ans pour y faire carrière, Gwendal Rouillard est parvenu à ses fins. Classé parmi les députés les moins assidus, mais pourtant réélu, il a choisi de s’installer en fin de mandat au Liban « pour y faire du lobbying ». Manifestement, le Proche Orient l’intéresse plus que Lorient tout proche.
Et la Région ?
Après avoir installé Loïg Chesnais-Girard dans son fauteuil, quelle mouche a-t-elle piqué l’ancien président pour qu’il soutienne la liste dissidente de Thierry Burlot ?
Sa stature gouvernementale lui permettait d’imposer l’union aux frères ennemis. La République en Marche y aurait gagné parce que, là, c’est encore un ratage. Légitimé par le suffrage populaire, M. Chesnais-Girard n’oubliera pas de si tôt la nasarde de son ancien mentor. Et on peut le comprendre. Il est quand même étonnant qu’un esprit aussi fin que M. Le Drian n’ait pas senti la désaffection populaire vis-à-vis du parti présidentiel. Après une vie d’élu PS, appeler à voter contre le candidat socialiste était une erreur politique, mais aussi une faute personnelle. Paradoxalement, la défaite du candidat de Le Drian maintient aujourd’hui la Bretagne dans le camp de la gauche, où il l’avait lui-même conduite en 2004.
Jean-Yves Le Drian a peut-être rêvé d’être Premier ministre.
Il s’en est fallu de peu que ce rêve soit réalité. Il a désormais épuisé l’essentiel des satisfactions républicaines. Et il a peut-être fait sienne la réflexion désabusée de Georges Clemenceau : «En politique, on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables. »