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Les derniers jours du loup en Bretagne

de Stéphane BROUSSE
Publié le Dernière mise à jour le

Le retour du loup en Bretagne ?

Le loup semble avoir abordé notre région ces jours-ci et avoir choisi comme villégiature les Monts d’Arrée.
Mais souvenons-nous de ses derniers jours en Bretagne.

Le loup (Canis lupus) fut présent en Bretagne comme partout dans l’Hexagone, jusqu’au début du XXe siècle. Sa présence est attestée lors des périodes de conflits. Entre autre lors de la Guerre de la Ligue en Bretagne de 1588 à 1598/ Mais également lors de famines et d’épidémies. Les loups, dit-on, étaient attirés par les cadavres qui jonchaient alors les villes et les campagnes.

En langue bretonne, le loup est nommé Bleiz ou Bleis.

La toponymie atteste de sa présence sur la totalité de notre territoire.  Les Ty Bleiz et autres Toul Bleiz évoquent sans nul doute sa  présence. Un des rochers des Monts d’Arrée est le Roc’h ar Bleiz. En pays gallo,  les croix aux loups et autres fosses aux loups abondent. Le loup est souvent affublé de surnoms : Ki Noz par exemple, autrement dit le chien de nuit, autre sobriquet du diable.
Plus affectueusement, il est nommé Guillou ou Barbaou le loup domestiqué de la fable de Saint Hervé. Les saints bretons s’entendent tout particulièrement à domestiquer les bêtes sauvages.

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Chasse au loup, par Pierre DUVAL LE CAMUS

L’animal et notre imaginaire

Car le loup est de ces créatures qui occupent une place singulière dans notre imaginaire. Il fut longtemps le héros funeste de nombreux contes et légendes qui se disaient alors au coin du feu, lors des longues veillées hivernales. Des enfants innocents gardiens de troupeaux, de chastes  jeunes filles allant aux bois à la tombée de la nuit. Et bien évidemment, de purs agneaux étaient ses victimes préférées.

La traversée des Monts d’Arrée était réputée dangereuse. Mais bien heureusement le grand Saint Michel savait la façon d’empêcher les loups d’hurler : Sant Mikêl Vraz a oar an tu d’ampich ioual ar bleizi-du

La présence du loup en Bretagne

C’est à partir du XIXe siècle que les méfaits du loup sont régulièrement signalés dans la presse bretonne. Il devient à ce point inopportun que de substantielles primes en 1882 sont allouées pour chaque bête abattue. Les populations lupines ont pourtant en Bretagne notablement décrue dès la moitié du XIXe siècle.

Ces mesures précipiteront en quelques décennies sa disparition. Entre 1854 et 1856,  le Révérend Franck DAVIS d’origine galloise s’installe à Carhaix (le loup a disparu de Grande Bretagne au XVIe siècle). Et participe à des chasses aux loups conduites par le Lieutenant de Louveterie Charles de SAINT PRIX.  Il publiera en 1875 à Londres, sous le titre Wolf Hunting and Wild Sport in Lower Brittany,  traduit en français, La chasse aux loups et autres chasses en Bretagne, fantastique témoignage sur la vie en Basse Bretagne en cette moitié du XIXe siècle.

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Le dernier loup de Bretagne fut massacré sur le Menez Hom en 1903

Prime pour la mort de l’animal

Ainsi la dernière prime fut attribuée le 25 mars 1891 à trois chasseurs de la commune de Milizac (29). A Combrit (29), sur la route de Quimper, en 1898, un loup dit-on, fut abattu.  Il n’était cependant pas le dernier. Car il est avéré que le 23 janvier 1903, aux environs du Menez Hom, un vieux loup nommé Petit Bleu fut capturé par un sieur Le Bihan de Plougastel Daoulas. Puis il sera exécuté sur place. Enfin enterré au fond d’une fosse creusée à son attention.  Était-il le dernier ?
Un loup à trois pattes – victime d’un piège – fut aperçu en 1906 errant par les tourbières et les landes non loin de Brasparts et Loqueffret. Quelques loups – mais peut-être n’étaient-ce que des chiens ensauvagés,  furent également signalés sur les Landes de Lanvaux  peu avant la première guerre mondiale.

Bibliographie :
Musée du Loup : http://www.museeduloup.fr/, au Cloitre Saint Thégonnec  / Ar C’hloastr-Plourin, en nord Finistère.
Le Loup et L’Homme en Bretagne XVIe – XXe, par Pierre LE BUHAN, en auto-édition, 2015, 250 pages.
Quand on parle du loup en Bretagne, par François DE BEAULIEU, éditions Le Télégramme, 2004, 110 pages.

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6 commentaires

GC COPPEL 22 mai 2018 - 14h25

Merci pour cet article sur le loup.

Animal essentiellement social et grégaire devra s’il revient, partager un espace très occipé et par l’homme et par ses activités, incluant l’elevage. En fin stratège et remarquable protecteur de ses semblables lorqu’il vit en meute, il fera sans doute encore preuve de son intelligence à s’adapter dans cette Bretagne où l’habitat dispersé l’obligera comme d’autres especes à cotoyer l’espece humaine, « negocier » son espace. Souhaitons que les eternelles querelles sur l’opportunité ou pas de laisser revenir s’installer de grands carnivores sur les terres d’où il a été chassé de manière à la fois aveugle et stupide, épargnent un tant soit peu sa réaparition en Bretagne. Souhaitons aussi que l’on puisse s’emerveiller à nouveau de pouvoir observer, sinon directement dumoins indirectement en Bretagne, une vie sauvage respectée car comprise autant par tous. Comment ne pas admirer un renarde jouant avec ses deux petits renardeaux comme il m’ a été donné de le voir sachant que battues et chasseurs n’avaient epargnés aucuns efforts à l’automne. Comment ne pas se sentir privilégié de pouvoir montrer, de loin, un milan, un blaireau, un chevreuil, à ses petits enfants à des endroits où il ya moins de 30 ans aucun de ses « grands animaux » ne pouvaient etre visibles…Cependant, cela ne doit pas cacher le fait que dans trop d’endroits en Bretagne, et ce malgré le travail remarquable qui y est fait par de tres nombreux volontaires, responsables locaux et associations, ce qui fait aussi, que nous sommes, nous nous sentons Bretons, c’est à dire vivant cette relaton non-dite, intime, presque indicible tant elle est profondement inscrite avec un environnement « sauvage » ou que nous pensons tel, est remis en cause par une gestion brutale, irrespectueuse de notre environnement.

Nous sommes des êtres « globaux », connectés à ce qui nous entoure. Ce qui arrive à notre environnement, nous arrive à nous. Intimement encore une fois, car souvent nous sommes incacapble de l’exprimer rationellement, ou pensons nous que peronne ne nous comprendra si nous le disions.

Pire nous sentons que l’exprimer nous mettra en situation d’etre moqués, ridiculisés…Mais c’est précisement parce que les arbres qui nous cotoient vivent en nous et que nous vivons en eux, que nous sentons cette plénitude etrange d’avoir seulement apercu une belette courant, « volant » au dessus de l’herbe, que nous nous sentons comme « honorés » d’avoir apercu un dauphin entre Molene et Ouessant, que nous entrons en communion avec l’essence de la vie à regarder le plancton luminescent « fleurir » orange, rose et bleu… les nuit de printemps en baie de Bourgneuf ou sur les greves d’Hoedic. Comme le loup à l’autre bout de la « chaine alimentaire » qui pour nous est plutot un reseau spirituel, chaque etre vivant que nous respectons comme un voisin, comme un hote à qui nous empruntons l’espace souvent, nous rappele que nous sommes de cette famille, de ce clan, de cette terre.

Notre pouvoir extraordinaire, notre puissance en tant qu’homo sapiens n’a de sens que si nous savons l’utiliser avec respect pour tout ce qui nous entoure. C’est ce sens « intime » de la relation à une nature apprivoisée, qui est violement heurté lorsqu’un projet brutal s’impose à notre environnement, sans egard pour son impact et encore moins notre manière particulière d’etre en relation avec notre environnement.

Contrairement à d’autres peuples autochtones, nous ne formulons pas, plus ou mal, ce sentiment de connection « spitituelle » avec notre environnement, cette cohesion que nous vivons comme indispensable. Lorsque la coupe est pleine cependant, lorsque l’agression est patente, les Bretons réagissent souvent massivement et de facon déterminée en « defendant » une parcelle de leur territoire menacée. Tout cela fait dire que nous sommes « defensifs », que nous ne savons que dire « non »: mauvaise lecture et terrible erreur d’interprétation, pour ne pas dire contresens. Que ce soit sur la cote (sables) ou dans les terres ( mines), dans le pays de la mer ( Armor) comme dans le pays des bois (Argoat), come la langue Bretonne l’exprime, nous vivons comme une agression physique et personnelle les atteintes à notre environnement, dumoins celles que nous pouvons identifier comme telles. Les propositions que font les Bretons sont souvent meconnues, mal perçues, peut etre maldroitement exprimées qq fois, mais elles existent. Il suffit d’ouvrir les yeux et les oreilles, laisser tomber les a priori et imaginer qu’il puisse y avoir d’autres options de developpement que celles que l’on nous présentent comme « les seules viables ».

Que le loup revienne et nous aurons à refaire à rebours le chemin qui par les peurs imposées, la competition inconsciente entre « grand prédateurs » que nous sommes avec les loups, ours…nous a mené à cette dramatique erreur de la pensée consistant à imaginer que nous devions exterminer les loups pour affirmer une superiorité toute artificielle, alors que nous savons, plus ou moins consciemment parce que nous n’avons pas été encore totalement dépourvu de ce sens propres aux peuples autochtones (mais cela tient par un fil), qu’il n’y a pas de place pour nous si nous faisons le vide autour de nous. Et oui, nous pouvons en Bretagne ( et ailleurs) démontrer que nous pouvons avoir une autre vision des choses, où l’exclusion, et encore moins l’eradication n’est pas ce que nous faisons, et n’est surtout pas qui nous sommes. Just me…

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La Rédaction 24 mai 2018 - 7h22

Bonjour Guy Christopher, et merci de ce beau et long commentaire. Tout est dit et il n’y a rien à ajouter. Merci de nous suivre et bonne journée. Cordialement / A galon.

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Cévaër Jean 20 janvier 2020 - 11h15

Parfaitement d’accord.

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Yann LUKAS 8 juin 2022 - 16h16

Au 19e siècle, la Bretagne était l’une des dernières régions de France où subsistait une forte population de loups, estimée à quatre cents animaux vers 1800. Les derniers loups ont été tués dans des endroits très différents et à des dates qui s’étalent de 1884 à 1913. Cette vaste répartition géographique et cette longue période d’extermination suffisent à prouver que le loup aurait pu survivre longtemps encore, si les appâts à la strychnine n’avaient pas été employés systématiquement. Le loup avait disparu avant la Première Guerre Mondiale. Si tel n’avait pas été le cas, sa population aurait pu partiellement se reconstituer pendant les cinq années du conflit, et nous aurions des témoignages de sa présence après 1918.

Finistère. De 1883 à 1891, 62 loups ont été tués et 75 louveteaux. Le 6 octobre 1884, Pierre Berrehar, habitant du Cloître Saint-Thégonnec, recevait la dernière prime de destruction allouée pour un loup tué dans les Monts d’Arrée. Les landes du Cragou, paysage exceptionnel, furent sans doute leur dernier refuge. En 1892, à Lanmeur en Clohars-Carnoët, M. Portier tua le dernier loup du secteur. Pourtant, en 1913 à Guilligomarc’h, un loup venant du Morbihan provoqua une battue générale ; il aurait été tué à Tréméven.
Les derniers loups officiellement abattus dans le département l’ont été à Combrit en 1898, au lieu-dit Quilien, une ferme sur la route de Quimper.
Côtes-du-Nord. Le loup a hanté pendant longtemps la région du Mené. A Langourla, le trophée d’une tête de loup trône dans la salle à manger du château de Coëlan. Le dernier loup fut tué en mars 1887, par le vicomte de La Guibourgère, dans sa propriété de Bosquen, après une battue de deux heures et demie, menée avec une meute de quarante chiens.
Ille-et-Vilaine. À Argentré-du-Plessis, la forêt du Pertre fut un des derniers refuges du loup ; vers 1890, un poulain avait été dévoré par un loup dans la cour de la ferme de « La Croix ». Le dernier loup aurait été tué en forêt de Rennes en 1903.
Loire-Inférieure. Paul de Walsh aurait tué le dernier loup près de Savenay, avant 1900.
Morbihan. Un chien tue un louveteau d’un kilo en 1898 près de Baud. Cela donne à penser qu’il y avait au moins un couple d’adultes dans le secteur…
Le loup photographié il y a quelques semaines en Finistère est le premier dont on ait l’existence avérée. Cependant, depuis vingt ans, plusieurs indices laissaient soupçonner la présence d’animaux isolés. Un piège photographique ne couvre qu’une infime portion de territoire ; tous les loups du secteur ne viennent pas s’y faire tirer le portrait… On peut donc penser raisonnablement que ce loup n’est pas le seul aujourd’hui à faire du tourisme en Bretagne.

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NHU Bretagne 9 juin 2022 - 8h10

Merci pour toutes ces précieuses informations

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JPN 11 décembre 2022 - 11h01

Bonjour, bonne idée de mettre le nom du loup en breton (qui permettra peut-être à beaucoup de le reconnaître dans de nombreux noms de lieux). Néanmoins, en breton, et contrairement au français, on n’utilise pas un singulier pour désigner un groupe. L’équivalent du français « le loup » générique sera toujours « ar bleizi », un pluriel.
Juste pour info 🙂

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