Pierre de Braine chevalier croisé breton.
Suite et fin de la vie de Pierre Ier de Bretagne, par l’Historien Éric BORGNIS-DESBORDES.
Fin du règne de Pierre Ier de Bretagne.
Au cours des trois dernières années de son règne, Pierre est affaibli par sa capitulation face à Louis IX et la noblesse bretonne tente d’en profiter pour récupérer les prérogatives qu’il lui avait enlevées. En 1235, Louis IX envoie des commissaires royaux à Saint-Brieuc enquêter sur les points litigieux entre les deux parties. Les résultats des Communes Petitiones Britannie (Pétitions Communes à toute la Bretagne) sont accablants pour Pierre Ier. Celui-ci avait illégalement exigé que ses arrière-vassaux lui prêtassent directement hommage, supprimé le droit de bris (les Léonards en obtiendront le rétablissement à leur profit) et obtenu la garde des enfants mineurs de ses vassaux décédés, ce qui lui permettait de percevoir les revenus de leurs terres en attendant leur majorité.
La coutume bretonne.
A l’issue de l’enquête, Pierre doit reconnaître qu’il n’avait pas le droit d’empêcher ses vassaux de fortifier leurs forteresses. Cependant, la justice ducale, à qui Pierre avait donné la prééminence sur les justices seigneuriales la conserve. Conformément à ce qui se passait à la même époque dans le royaume de France. Quant à Henri d’Avaugour, spolié, il ne parvient pas à récupérer son héritage.
Sceau d’Henri d’Avaugour
Le sire de Dol parvient, lui, à récupérer son château. Pierre n’eut pas d’indemnités à verser pour les spoliations et les destructions commises pendant la guerre. Le roi ne souhaitant pas trop affaiblir le pouvoir ducal pour ne pas que la Bretagne retombe dans l’anarchie. Son fils Jean Ier conservera le droit de garde des enfants mineurs. Les évêques n’obtiennent pas non plus de dédommagements pour les destructions subies.
La régale.
A la mort de l’évêque de Nantes en 1234, Pierre s’était attribué la régale (nom donné aux revenus de l’évêché entre la mort de l’évêque et la nomination de son successeur) de cet évêché. En effet, il ne la percevait pas encore, contrairement à celle des autres évêchés bretons. Certains chanoines contestant l’élection du nouvel évêque, choix pourtant approuvé par Pierre, ce dernier fait piller le diocèse et se fait attribuer ses dîmes.
Août 1236 …
En août 1236, le pape Grégoire IX nomme Robert de Saintes à la tête de l’évêché, au grand mécontentement de Pierre, qui refuse de rendre la régale. Mais, en septembre, ayant donné son accord pour participer à la prochaine croisade, Pierre se voit attribuer le titre de Croisé. Dès 1234, dans l’espoir de s’assurer de sa participation à la croisade, le pape avait suspendu toutes les procédures engagées contre lui par les évêques bretons. En particulier ceux de Rennes, Tréguier et Saint-Malo.
La fin d’une époque.
Au cours des années 1235-1236, ayant définitivement renoncé à l’alliance d’Henri III, il parvient à se rapprocher de Thibaut de Champagne et d’Hugues X de la Marche avec qui, le 13 avril 1236, il forme une nouvelle alliance contre le roi de France ! Auparavant, le 16 janvier à Château-Thierry, son fils Jean épousait Blanche, la fille de Thibaut. A l’été, sa fille Yolande épouse le futur Hugues XI de la Marche. Mécontent de ne pas avoir été prévenu du mariage de Jean et de Blanche, Louis IX envahit la Champagne. Cette fois-ci, désireux avant tout de transmettre le duché à son fils dans de bonnes conditions, Pierre ne bouge pas. C’est la fin d’une époque.
Gisant de Blanche de Champagne, duchesse de Bretagne (musée du Louvre)
En novembre 1237, Pierre remet le duché à son fils Jean Ier qui, le 16, fait l’hommage lige de la Bretagne à Louis IX. Puis, Pierre se retire dans ses domaines du sud de la Loire. Il domine toute la région côtière située entre Nantes et La Rochelle. Il devient Pierre de Braine, petit fief situé en Champagne.
Pierre Ier le croisé.
Il fait son vœu de croisade au moment où l’Empire latin de Constantinople est dans une situation difficile, sous la menace des Bulgares et de l’empereur grec de Nicée, Jean Vatatzès. Le pape offre à Pierre le commandement de l’expédition, alors qu’il est sous le coup d’une excommunication et toujours en procès avec l’Église de Nantes. Cette croisade est appelée la « Croisade des barons ».
Les préparatifs occupent toute l’année 1238 et, en juillet 1239, les croisés se retrouvent à Marseille. Parmi eux, Thibaut de Champagne et de nombreux nobles bretons dont Henri d’Avaugour, André de Vitré et Raoul III de Fougères.
Gisant de Raoul III de Fougères, mort en 1256 (Château de Fougères)
Avant le départ, une conférence réunit les chefs croisés. Il est décidé de ne pas se porter sur Constantinople mais d’aller plutôt en Terre Sainte, et Pierre se voit refuser le titre de chef de l’expédition.
L’armée appareille.
L’armée croisée appareille le 24 juin 1239 et atteint Acre en septembre. De là, il est décidé d’attaquer les avant postes égyptiens d’Ascalon et de Gaza, puis Damas. Thibaut de Champagne, en tant que roi de Navarre est désigné chef des opérations. Le 2 novembre, l’armée croisée quitte Acre. Mais, après avoir atteint Jaffa, mal ravitaillée, les troupes croisées sont affamées. Une attaque surprise et victorieuse de Pierre Ier sur un convoi turc lui permet de trouver enfin de la nourriture. Cette victoire confère un grand prestige à Pierre mais suscite la jalousie des autres chefs croisés. Ceux-ci décident à leur tour d’attaquer un corps d’armée turc aux ordres du sultan d’Égypte qui venait d’être envoyé du delta du Nil à Gaza.
L’attaque tourne au désastre.
Près de 1200 tués et 600 prisonniers déportés en Égypte. Cette bataille met fin à tout espoir de croisade victorieuse. Les croisés n’ont alors plus qu’à négocier leur retraite. Une trêve de dix ans est signée. Ses termes sont inespérés pour les croisés qui ont su profiter de la guerre entre le sultan de Damas et celui du Caire. Les prisonniers Francs sont libérés en échange de quelques musulmans et les chrétiens peuvent réoccuper une grande partie de l’ancien royaume de Jérusalem, ville sainte incluse !
Retour en Bretagne.
En juin 1241, Alphonse, le frère de Louis IX reçoit le Poitou en apanage. Ce qui mécontente les barons poitevins, qui préféraient depuis toujours l’autorité lointaine du roi d’Angleterre. Hugues de Lusignan lui retire son hommage et s’allie au roi anglais Henri III ainsi qu’à l’empereur Frédéric II, au comte de Toulouse et à plusieurs barons poitevins. Mais cette fois-ci Pierre refuse de se joindre aux coalisés. Louis IX convoque une armée à Chinon pour la fin avril 1242. Celle-ci va immédiatement attaquer les châteaux situés au nord des possessions du comte de la Marche. En mai 1242, Henri III débarque à Royan. Mais il doit se replier à Taillebourg et à Saintes face à l’avancée de l’armée française (21 et 23 juillet). Finalement, Hugues X de la Marche se soumet à Louis IX a qui il doit abandonner plusieurs forteresses stratégiques. Grâce à son soutien au roi de France, Pierre Ier peut conserver les possessions de sa femme jusqu’à sa mort alors qu’il n’aurait pas dû en héritier (Marguerite de Montaigu était morte en 1241).
Conflit permanent avec l’Église.
Surtout, Pierre participe aux côtés de Louis IX à la VIIe croisade qui quitte Aigues-Mortes le 25 août 1248. Il est décidé d’attaquer l’Égypte plutôt que la Palestine. Après avoir passé leurs quartiers d’hiver à Chypre, les croisés débarquent à Damiette le 5 juin 1249 et la bataille débute sur la plage. La ville est prise après avoir été désertée par ses habitants.
Bataille de Damiette en 1249 (Chroniques de Saint Denis, XIVe siècle)
Pierre Ier meurt sur le bateau du retour.
Puis, au cours de leur retraite, en avril, les troupes croisées sont capturées. En mai, Louis IX paye les rançons nécessaires. Et, le 6, Pierre est libéré avec les autres seigneurs mais son état est désespéré. Il meurt dans le bateau qui le ramène en France, le 26 ou le 27 mai 1250. Il est inhumé dans la nécropole des comtes de Dreux. En l’abbaye de Saint-Yved de Braine près de Soissons.
Gravure de la tombe de Pierre Ier
Conclusion
Le règne de Pierre Ier se caractérise par un accroissement du pouvoir ducal sur les châtelains, une administration ducale plus étoffée et un plus grand contrôle militaire. Pour véritablement s’imposer à la tête du duché, il lui fallait réduire les pouvoirs de l’Église, et il fut en conflit avec les évêques pendant la totalité de son règne. Mais sa volonté était de construire un pouvoir central fort, ce en quoi il fut au diapason des évolutions de son époque. Mais pour cela, il lui fallait réduire les pouvoirs de ses vassaux, qu’ils fussent laïques ou hommes d’Église. A la même époque, le roi de France employait les mêmes moyens que lui dans son royaume envers les ecclésiastiques. Pierre Ier est parvenu à s’approprier les droits régaliens des évêchés de Saint-Pol, Tréguier et Saint-Brieuc et a augmenté les possessions ducales des comtés de Tréguier et de Lamballe (moins le Goëlo).
La Bretagne, un chantier militaire.
Dessin de la pierre tombale d’Olivier de Machecoul à l’Abbaye de Villeneuve
Pierre hérite d’une administration locale qu’il chapeaute d’organes centraux inspirés du modèle français comme l’Hôtel, la Chancellerie ou la Chambre des comptes. C’est sous son règne que la centralisation de l’administration du duché est achevée sans connaître d’innovations importantes. Sur le plan judiciaire il parvient à limiter l’importance des cours baronniales au profit de la cour ducale.
Essor économique de la Bretagne.
C’est également sous le règne de Pierre que la Bretagne connaît un essor économique. En s’intégrant aux circuits d’échanges internationaux, en particulier les marins bretons. Mais, 95% de la population vit toujours à la campagne et l’urbanisation est lente.
Sur le plan culturel, la Bretagne sert de pont entre les îles britanniques et le continent dans la diffusion de la Matière de Bretagne.
Modèle du chevalier en raison de sa bravoure reconnue sur le champ de bataille, Pierre Ier nous a également laissé plusieurs poèmes et un jeu-parti.
S’il fut longtemps en conflit avec l’Église bretonne, Pierre n’en était pas moins un croyant sincère, ainsi qu’en témoigne son poème pour Marie, intitulé Cantique à la Vierge :
Par qui le mont fut tout enluminé
L’héritage qu’Adam avoit perdu
Par son pechié, fut par vous recouvré.
Si com ge l’croi et il est vérité,
Deffendez moi, que ne soie vaincu
Par l’enemi qui est fel et desvé. »
Lisez l’ouvrage de Éric BORGNIS-DESBORDES et suivez-le sur borgnis-desbordes.blogspot.fr
En vente aux Éditions Yoran Embanner : http://www.yoran-embanner.com/histoire/15-pierre-ier-de-bretagne-1213-1237.html
Pierre Ier de Bretagne (1213-1237) – Pierre de Dreux, un Capétien sur le trône ducal – de Éric BORGNIS DESBORDES, aux Éditions Yoran Embanner.
Á propos de l'Auteur
Vous pourriez aussi aimer
Les algues, le nouvel or bleu de la Bretagne
La Bretagne est le premier champ d’algues européen et le dixième plus important champ d’algues au monde. Elle est baignée sur près de 2700 kilomètres par des courants tempérés et
✅ La Communauté Autonome Basque, un exemple d’autonomie pour la Bretagne
Une large autonomie est possible en Bretagne selon l’exemple de la Communauté Autonome Basque de l’autre côté des Pyrénées. Lorsqu’on explique en France que l’on est favorable à l’autonomie des
✅ Les écoles Diwan en Bretagne par Michel FELTIN-PALAS
L’incroyable épopée des écoles Diwan. En 1977, cinq familles décidaient de créer une école où tous les cours étaient donnés en breton. Aujourd’hui, 4000 élèves suivent un tel enseignement. On
Commentaires
Pas encore de commentaires ?
Vous pouvez être le premier/la première à commenter ce post.