Des collabos en Bretagne.
A l’occasion des commémorations du 08 Mai 1945, quatre-vingt ans après la signature de l’acte de capitulation nazie à Berlin devant les dirigeants français, américains, britanniques et soviétiques; revenons sur les faits de collaboration en Bretagne durant cette période.
Sommaire
Arrestations et déportations en Bretagne : le rôle clé des autorités françaises
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Bretagne n’a pas échappé à la répression nazie. Mais contrairement à une idée répandue, cette répression n’a pas été orchestrée uniquement par les Allemands. En réalité, les administrations françaises, la police, la gendarmerie, les préfectures et la Milice ont joué un rôle central dans les arrestations qui ont mené à la déportation de milliers de personnes. Cette complicité directe, active et souvent zélée a concerné l’ensemble des cinq départements bretons : Loire-Atlantique, Ille-et-Vilaine, Finistère, Morbihan et Côtes-d’Armor.
4 000 déportés bretons, victimes des collabos en Bretagne.
Entre 1940 et 1944, environ 4 000 personnes ont été déportées depuis la Bretagne vers les camps nazis.
Parmi elles, on compte près de 500 femmes et une cinquantaine d’enfants. Environ 1 850 d’entre elles n’ont jamais pu revenir. Les victimes étaient de profils divers : résistants, opposants politiques, syndicalistes, otages, mais aussi 462 Juifs, raflés puis envoyés vers Auschwitz ou Drancy.
Ces chiffres, bien qu’effrayants, ne sont pas qu’un rappel historique. Ils montrent l’ampleur de la participation française en Bretagne à la machine de déportation. Car sans la collaboration active des services français, ces arrestations n’auraient jamais été aussi efficaces.
La police française : bras armé de la collaboration en Bretagne
Dans toute la Bretagne, les rafles et les arrestations ont été majoritairement effectuées par la police française et la gendarmerie. Les forces d’occupation nazies s’appuyaient sur l’appareil administratif de Vichy pour traquer les Juifs et les résistants.
Les commissariats, les brigades de gendarmerie, les préfectures, mais aussi les services des Renseignements généraux, ont participé aux enquêtes, aux perquisitions, aux transferts de prisonniers. Les rafles n’étaient pas improvisées : elles étaient planifiées, administrées, coordonnées par des Français.
Les collabos en Bretagne, département par département.
Loire-Atlantique : une administration zélée
En Loire-Atlantique, dans le sud du pays, 236 Juifs ont été arrêtés puis déportés entre 1941 et 1944. La quasi-totalité d’entre eux a été exterminée. Les autorités préfectorales de Nantes / Naoned, totalement soumises à la politique antisémite de Vichy, ont dressé les listes. La police locale a arrêté hommes, femmes et enfants. À Saint Nazaire / Sant Nazer , plusieurs familles juives ont été livrées à la Gestapo par les gendarmes eux-mêmes.
Les résistants locaux, notamment les cheminots, les enseignants, les syndicalistes, ont également été visés. Là encore, les premières arrestations ont été effectuées par des Français. Les Allemands n’intervenaient souvent qu’au moment de l’interrogatoire ou de la déportation.
Ille-et-Vilaine : les rafles de Rennes / Roazhon/ Roazhon
Dans le département d’Ille-et-Vilaine, 128 Juifs ont été raflés, notamment lors des grandes opérations de 1942. À Rennes / Roazhon, la police française a mené l’essentiel des arrestations. La préfecture transmettait directement les noms, issus des fichiers de recensement. Les agents arrêtaient les personnes à domicile, y compris les enfants.
Mais les résistants n’étaient pas épargnés. Les réseaux gaullistes, FTP et Libé-Nord ont payé un lourd tribut. Là encore, la gendarmerie locale a souvent coopéré, livrant ses prisonniers à la Gestapo ou aux services de la Feldgendarmerie.
Finistère : moins de Juifs, mais de nombreux résistants
Dans le Finistère, la population juive était peu nombreuse. Toutefois, plusieurs familles ont été arrêtées à Brest, Kemper et Douarnenez. Les arrestations ont été menées par les gendarmes, sur ordre de la préfecture. Les services français se sont chargés de toutes les étapes : perquisitions, transferts, fichage.
Mais c’est surtout la Résistance finistérienne qui a été lourdement touchée. Les arrestations dans les réseaux de Brest, dans le pays bigouden ou dans les monts d’Arrée, ont été facilitées par la collaboration d’agents français avec la Gestapo. Des dénonciations locales, souvent suivies d’arrestations par la police, ont mené à des exécutions ou à des déportations.
Morbihan : terre de résistance et de répression
Le Morbihan a compté 643 déportés, en grande majorité des résistants. Le département a été un haut lieu de l’action des FTPF et du réseau Alliance. Mais cette résistance bretonne a aussi entraîné une répression brutale. La police française et la gendarmerie ont arrêté de nombreux maquisards bretons, parfois après avoir infiltré les réseaux.
Concernant les Juifs, 50 personnes ont été arrêtées et déportées. Seules quatre ont survécu. Là encore, les arrestations ont été faites par la gendarmerie, parfois avec la complicité de certaines municipalités.
Côtes-d’Armor : le rôle des gendarmes
Dans les Côtes-d’Armor, peu de Juifs vivaient de manière stable.
Mais la répression contre les résistants a été intense, notamment dans les zones rurales et sur la côte. Les brigades de gendarmerie, souvent bien implantées localement, ont mené de nombreuses arrestations de militants, de saboteurs ou de porteurs de tracts.
Des transferts vers Rennes / Roazhon, où la Gestapo centralisait les interrogatoires, étaient organisés par les autorités françaises elles-mêmes. Des dizaines de résistants des Côtes-d’Armor ont fini dans les camps, victimes d’une chaîne de répression largement orchestrée par Vichy.
Une mémoire encore trop floue
Malgré ces faits établis, la mémoire collective a longtemps minimisé le rôle actif des autorités françaises.
Le récit dominant opposait Français résistants et nazis occupants. Or, la réalité bretonne – comme ailleurs dans l’Hexagone – est bien plus complexe.
Les arrestations en Bretagne ont été routinières, administratives, efficaces.
Elles ont été rendues possibles par la coopération des services français avec les nazis. Par choix, par opportunisme, par soumission ou par conviction, des milliers de fonctionnaires ont contribué à cette machine de mort.

Le rôle démesuré d’une poignée de nationalistes bretons
En Bretagne, le roman national français s’en empressé dès la fin de la guerre de mettre en exergue la collaboration, parfois très active, de quelques dizaines de nationalistes bretons. Oui, ces collabos bretons ont existé. Mais leur rôle odieux fut tellement minime par rapport au rôle des autorités françaises de l’époque en Bretagne.
On parle d’environ quatre-vingt Bretons nationalistes contre 5000 à 10000 Français collabos en Bretagne.
Le pouvoir central d’alors appliqua une méthode vieille comme le monde, qui consiste à montrer l’arbre pour cacher la forêt. Ce que d’autres nomment un « hochet ».
Nous ne défendons pas ici l’indéfendable, mais souhaitons simplement remettre en ordre les vraies responsabilités dans la collaboration avec les nazis en Bretagne durant la dernière guerre mondiale.
Ne pas oublier, jamais
Aujourd’hui, de nombreux historiens bretons, associations mémorielles et enseignants œuvrent pour transmettre cette réalité historique sans filtre. Car comprendre ce qu’il s’est réellement passé, c’est empêcher que cela se reproduise.
Dans les cinq départements bretons, les responsabilités françaises dans la déportation ne peuvent plus être ignorées. Rendre hommage aux victimes, c’est aussi regarder en face les complicités de l’époque.
Qui furent les vrais collabos en Bretagne en 39/45 ?
Nos sources :
Association Les Amis de la Résistance du Morbihan • Détail sur les 643 déportés du Morbihan, leur profil, les arrestations, et les survivants. • lesamisdelaresistance56.com
Arbre d’Erlen – Carnets d’histoire en Bretagne (projet universitaire Hypothèses.org) • Informations détaillées sur les arrestations de Juifs à Rennes / Roazhon • arbrezel.hypotheses.org
Unidivers.fr – Hommage aux déportés juifs bretons • Chiffres sur les 462 Juifs déportés de Bretagne. • unidivers.fr
La Baule – Maville.com • Cérémonies en mémoire des Juifs de Loire-Atlantique. Chiffres : 236 déportés, 99 % exterminés. • labaule.maville.com
ainsi que :
Travaux de Serge Klarsfeld • Notamment ses listes nominatives des déportés juifs de France, une référence sur les rafles et la collaboration policière.
“La police de Vichy” – Maurice Rajsfus • Ouvrage fondamental sur le rôle de la police française dans les arrestations de Juifs.
“La Déportation des Juifs de France” – Michel Laffitte, CNRS Éditions • Étude sur la participation des préfectures, gendarmerie et services français dans la Shoah.
Photo header : prestation de serment d’agents de police au palais de Chaillot, Paris, France, janvier 194, agence Roger Viollet