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Robert d’Arbrissel
Qui est donc ce Robert d’Arbrissel qui de simple curé d’une fort modeste paroisse bretonne en Ille et Vilaine – Arbrissel / Ervrezhell – deviendra en quelques années un prédicateur charismatique et bientôt le fondateur de deux abbayes et d’un ordre religieux ?
Dei sermini verbum
Si sa date de naissance est incertaine – 1045 ? 1055 ? 1060 ? – les biographes s’accordent aujourd’hui sur 1047. Robert est le fils d’un certain Damalioch, recteur de la modeste paroisse d’Arbrissel / Erbecèu. Il serait né au lieu-dit la Bussardière, sise entre Retiers/Rester et la Guerche de Bretagne / Gwerc’h-Breizh, au sud – est de Rennes / Roazhon. Sa mère se prénommait Orguende.
La date d’ordination de Robert nous est également inconnue. Nous savons cependant qu’il succède à son père comme curé d’Arbrissel. Il aurait vécu dans sa jeunesse – mais rien n’est certain – avec une femme dont nous ne savons rien. Le mariage ou le concubinage des prêtres, bien que commun à cette époque, est désapprouvée.
Exil à Paris …
En 1076, compromis dans l’élection jugée illégale de Sylvestre de la Guerche (1030-1096), évêque de Rennes, Robert est contraint de s’exiler à Paris. Il y suit des enseignements en philosophie et est bientôt nommé Docteur en Théologie. Il est alors un soutien zélé du Pape Grégoire VII (1020-1085) et de la Réforme Grégorienne. Sylvestre de la Guerche, déposé en 1078, est rétabli dans sa charge en 1089. Il rappelle à ses côtés son ami Robert en 1092. Celui – ci est devenu un des plus fervent dénonciateur du nicolaïsme * et de la simonie * Sylvestre de la Guerche meurt en 1096.
Robert, à nouveau contraint à l’exil, part pour Angers où il enseignera avec succès la théologie. Le 11 février 1096, le Pape Urbain II est à Angers. Accompagné de nombreux prélats de renom, et de représentants de la meilleure noblesse, il apprécie grandement le sermon prononcé par Robert et lui attribue le titre de prédicateur apostolique ou Dei Sermini Verbum, le semeur de la parole divine.
L’ermite sociable
Bien que ne prenant aucunement soin de son apparence, affichant une hygiène douteuse et allant en guenilles, on dit que Robert est bel homme et qu’il ne laisse point indifférent la gente féminine.
Devenu un prédicateur charismatique, ayant fait du dénuement la plus grande des vertus, Robert quitte la vie publique et se réfugie en Forêt de Craon (Mayenne, France). La mode est alors à l’érémitisme*.
Notre solitaire n’est pas pour autant complètement coupé du monde puisque Geoffroy de Mayenne, évêque d’Angers, lui concède sept bâtisses en ruine au cœur du massif forestier. Robert y est bientôt rejoint par une foule de mystiques fascinés par sa vie austère et ses pratiques rigoristes. Le 25 avril 1098 est bâtie dans le sud de la Mayenne, l’abbaye de Notre-Dame de la Roë.
Le bâtisseur de Notre Dame de Fontevraud
Après trois ans de vie errante notre prédicateur s’installe en 1099 ou 1100 sur les bords de Loire dans un vallon nommé Fons Ebraudi. Il y fonde une communauté au sein de laquelle hommes et femmes vivent ensemble attirant ainsi bien évidemment les foudres de sa hiérarchie. Il se livre entre autres à une pratique nommée syneisaktisme, manière d’ascèse consistant à se soumettre aux tentations. Afin d’éprouver sa foi, on raconte ainsi que Robert couche nu auprès des femmes, des prostitués parfois. Ces pratiques bien sûr ne plaisent guère aux vertueux et notre Robert se fait une sulfureuse réputation.
La construction d’une abbaye est immédiatement entreprise grâce aux dons de puissantes familles angevines. Si Robert y pratique encore à titre personnel le syneisaktisme, il s’est engagé à créer une abbaye double mais non mixte. L’abbaye royale de Fontevraud connait une notoriété rapide et sans doute trop envahissante pour notre prédicateur qui reprend alors ses voyages à travers la France. Il prêche à Chartres, Rouen, Poitiers, Périgueux, Blois … En 1104, il assiste au Concile de Beaugency et ses prêches y sont alors si appréciés, qu’il se voit autoriser par le Pape Pascal II (1050-1152) à créer l’Ordre de Fontevraud.
Robert, en créant un monastère mixte, et en confiant la direction de ce monastère à une abbesse a parfois été décrit comme un moine féministe. La pratique associant des femmes à la religion au plus haut niveau est en effet rare, mais loin d’être unique. Il existe en effet une tradition du monachisme féminin au Moyen-Âge. Citons ici simplement le rayonnement européen de la fascinante Hildegarde de Bingen (1098-1179) entre autres fondatrice de l’abbaye de Rupertsberg vers 1147-1150.
Les derniers jours de Robert d’Arbrissel
C’est en 1115 que Robert fixe les statuts de Fontevraud et fait nommer à la tête de cette abbaye devenue rapidement très prestigieuse une abbesse de renom nommée issue de la meilleure noblesse angevine, Pétronille de Chemillé (? – 1149). Robert reprend la route. Noël 1115 : il réside à l’abbaye fontevriste de Hautes-Bruyères aux environs de Paris. Il passe ensuite par Chartres, Blois, Orsan … Le 18 février 1116, notre prédicateur itinérant est donc en Berry. Il y tombe gravement malade et passe de vie à trépas le 25 Février à Orsan.
Sa dépouille est transférée à Fontevraud, le 07 mars où il sera enseveli contrairement à ses dernières volontés. Robert ne sera pas canonisé et n’aura droit qu’au titre de Bienheureux. Il faudra attendre le XVIe siècle pour que celui-ci rentre d’une certaine manière en grâce. Robert n’a jamais été apprécié par sa hiérarchie directe, qui se méfiait tout à la fois de son caractère obsessionnel et exalté et de ses pratiques religieuses, jugées pour le moins peu orthodoxes.
Lexique
Nicolaïsme : non-respect du célibat et de la luxure pour les religieux
Simonie : pratique consistant en vente ou achat de biens spirituels
Érémitisme : mode de vie des ermites
Concile de Latran : en 1123 ce concile confirmera entre autres le principe du célibat des ecclésiastiques.
Iconographie
Fresque à la cire d’Alphonse le Hénaff peinte entre 1871 et 1876 dans la Cathédrale Saint – Pierre de Rennes
Carte postale de la petite église d’Arbrissel
Gravure de Robert d’Arbrissel prêchant en Forêt de Craon
Bibliographie
Robert d’Arbrissel, Fondateur de Fontevraud, Jacques Dalarun, préface de Georges Duby, Albin Michel, pages 208
Abbaye de Fontevraud : https://www.fontevraud.fr/