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Transition énergétique de l’Ile de Sein : non, la Loi Littoral actuelle n’est pas responsable des blocages !
Lors des discussions du projet de loi ELAN portant sur l’évolution de l’aménagement, du territoire et du numérique, le Sénat a adopté en première lecture un amendement. Amendement qui « permettrait la production d’énergies renouvelables » (amendement n°336 rectifié bis). Cet amendement vise à inscrire dans la loi une dérogation pour l’implantation d’éoliennes dans les îles non raccordées de moins de dix kilomètres de large.
En fait cet amendement peut laisser croire deux choses. D’une part que c’est la Loi Littoral qui empêche le développement des énergies renouvelables sur les îles. D’autre part qu’il n’y a pas d’autre solution pour y produire de l’énergie que d’y implanter des éoliennes. Surtout, il peut laisser penser qu’une fois cet « obstacle » levé, rien ne s’opposera plus à la transition énergétique dans les îles bretonnes. Sinon peut-être quelques arriérés opposés au progrès.…
Rappel …
Rappelons d’abord – car c’est essentiel – qu’il y a de nombreuses manières de produire des énergies renouvelables sur les îles. L’éolien n’est qu’une de ces manières. Sur l’île de Sein, en tous cas l’énergie solaire, l’énergie des courants et de la marée et l’énergie des vagues sont disponibles. Et leur exploitation ne nécessite aucune dérogation à la loi Littoral.
C’est d’ailleurs autour de ces ressources et d’une gestion intelligente du système énergétique de l’île qu’est construit le projet porté par IDSE (Ile De Sein Énergies)
Pourquoi un amendement à la Loi Littoral ?
Une fois de plus, c’est EDF qui mène la danse. C’est en effet EDF qui porte le seul projet d’éoliennes dans les ZNI bretonnes. ZNI pour Zone Non Interconnectée. Cette entreprise peut visiblement s’appuyer sur le réseau des sénateurs apparentés EDF. Toujours très actif bien que vieillissant ! EDF semble avoir découvert que la loi Littoral et la jurisprudence associée interdit l’implantation d’éoliennes dans les communes littorales.
Qu’est-ce que la Loi Littoral ?
L’amendement a en effet été présenté par Michel CANEVET, sénateur du Finistère. Le même sénateur qui s’était opposé en juillet 2015 à l’amendement qui aurait permis à d’autres opérateurs qu’EDF d’assurer le service public de l’électricité sur les petites îles ! Cet amendement de 2015 aurait ouvert la voie à la transition énergétique. Voie qu’EDF a depuis toujours bloquée sur l’île. Malgré la forte volonté des habitants.
Blocages parlementaires.
Ah si nos parlementaires voulaient vraiment contribuer utilement à la transition énergétique en Bretagne, ils pourraient d’abord s’intéresser au continent. Où sont les principaux enjeux … et les principaux blocage. Faut-il leur rappeler que l’implantation d’éoliennes est aujourd’hui interdite sur une grande partie du territoire breton. Parce que l’armée de l’air veut continuer à pouvoir y voler à basse altitude (« RTBA »).
Comme si la Bretagne était d’abord une zone d’exercice militaire avant d’être un lieu de vie… Ils pourraient aussi s’intéresser aux zones maritimes. Où il n’y a aucun obstacle légal à l’implantation d’éoliennes ou d’hydroliennes. Et où pourtant, rien ne se passe en Bretagne…
Mais il est vrai que ce développement à grande échelle des énergies renouvelables et des solutions locales ne colle pas tout à fait avec le projet d’EDF de garder la Bretagne dans une situation de dépendance électrique au continent…
La toute puissance de l’EDF en Bretagne.
En fait, le sénateur CANEVET, ainsi que les autres sénateurs qui se sont sans doute embarqués dans le mouvement. Mais sans bien comprendre les enjeux, il ne fait une fois de plus que servir les intérêts d’EDF.
Comment interpréter cet épisode ? Il faut se rappeler qu’EDF communique depuis plusieurs années désormais sur sa volonté de développer la production renouvelable sur l’île de Sein. Pour rendre leur intention crédible, elle a même implanté à grands frais un mât de mesure inutile mais bien visible sur l’île. Elle aurait même fini (d’après la presse) par déposer un permis de construire pour l’implantation d’une éolienne.
Tout en sachant parfaitement qu’ une telle implantation ne peut être autorisée dans les communes concernées par la loi Littoral. Étant impossible de justifier à la fois la nécessité pour l’intérêt général d’une telle implantation (EDF a tellement expliquer que cela ne servait à rien et que c’était trop cher et impossible…), et l’absence d’alternative (voir plus haut). Tout ce temps perdu est en fait du temps gagné puisque rien ne change, ce qui est le vrai but d’EDF.
Gagner du temps, et continuer de polluer.
Cet amendement n’est en effet qu’une nouvelle manière de gagner du temps (d’en perdre). Car son adoption finale est très incertaine. En effet l’Assemblée Nationale, qui a le dernier mot, ainsi que le Gouvernement, sont opposés sur le principe à de nouvelles dérogations à la Loi Littoral, qui en fourmille déjà. Mais même si cet amendement était adopté, un projet éolien crédible déposé par EDF (ce qui serait une surprise) et une autorisation accordée par les autorités, elle serait évidemment attaquée au titre de la défense du paysage.
Particulièrement à l’île de Sein, dont l’identité paysagère liée à sa très faible altitude serait détruite avec la construction d’une éolienne de quarante mètres. Alors qu’il y a de toute évidence des alternatives crédibles et qui ne portent pas atteinte au paysage. Peut-être une éolienne sera nécessaire pour passer de 80 à 100 % de renouvelable mais nous en sommes loin !
Le vice serait dans l’amendement.
Cet amendement, qui prétend viser à permettre le développement d’un projet, est ainsi surtout un très bon moyen pour EDF de gagner du temps. Beaucoup de temps : le temps de la justice administrative et de la promulgation des décrets…. Cerise sur le gâteau, ce seraient alors les protecteurs de l’environnement – en principe partisans des énergies renouvelables – qui attaqueraient le projet et empêcheraient en apparence EDF de contribuer à la transition énergétique sur l’île de Sein…
Alors, ne peut-on rien faire ?
D’abord, rassurons nos parlementaires ! Il n’est absolument pas nécessaire de tordre une fois de plus le cou à la Loi Littoral pour permettre la transition énergétique dans les îles bretonnes.
S’ils veulent vraiment faire progresser les énergies renouvelables en Bretagne, nous leur suggérons de s’intéresser plutôt aux obstacles évoqués plus haut. Dont les enjeux en matière d’énergie sont bien plus grands que ceux des îles.
Et pour les îles bretonnes, nous leur suggérons de réexaminer la possibilité d’ouvrir le réseau électrique à la concurrence dans les ZNI. Il n’y a rien à écrire, tout est dans l’amendement proposé en 2015. IDSE est prêt à relever le défi sur l’île de Sein, et nous ne resterions pas cinq ans sans rien faire, comme notre opérateur préhistorique…
Aller à Bruxelles, si Paris ne bouge pas.
A défaut, nous attendrons que l’Union européenne ait statué sur la demande d’IDSE de reconnaissance que la loi française. Qui réserve à EDF la concession dans les ZNI, n’est pas conforme au droit européen (pour lequel le monopole, même lorsqu’il est techniquement justifié, n’exclut pas la mise en concurrence…). Il se pourrait d’ailleurs bien que la justice européenne parvienne à l’occasion de ce contentieux à la même conclusion en ce qui concerne l’obligation de concéder le réseau à ENEDIS sur le continent…
Pour tout renseignement :
Patrick Saultier – Directeur Général d’Île de Sein Énergies – 06 11 90 35 24 – http://idsenergies.fr/ – courriel : contact@idsenergies.fr