Notre pays dispose de la plus grande richesse linguistique d’Europe; il est aussi celui qui la gère le plus mal.
La preuve avec le remarquable numéro que la revue en ligne Glottopol consacre au rapport Cerquiglini qui, pour la première fois, établissait voilà vingt ans la liste des « langues de France ».
Basque, breton, flamand, corse, occitan, normand, gallo, lorrain, créole martiniquais, créole réunionnais, wayana, drubéa, futunien… C’était il y a vingt ans. Pour la première fois, la France élaborait une liste officielle des langues parlées sur son territoire, en métropole comme outre-mer. Une nouveauté dans un pays qui s’employait depuis des lustres à faire croire qu’il n’existait qu’un idiome digne de ce nom, le français.
Sommaire
Vingt ans plus tard …
Il est l’heure de dresser le bilan de cette liste Cerquiglini, ce que vient de réaliser un ouvrage remarquable qui rassemble plusieurs contributions de haut niveau à ce sujet, sous la coordination du linguiste Christian Lagarde (1). Pour le dire d’une phrase : c’est ce que j’ai lu de plus complet et de plus intelligent sur ce sujet depuis longtemps.
Rappelons le contexte.
En 1999, cet inventaire est élaboré en vue de la ratification par la France de la charte européenne des langues minoritaires, souhaitée par le gouvernement Jospin comme par le candidat Chirac lors de sa campagne présidentielle (ce dernier changera d’avis une fois élu). Encore faut-il les définir : c’est l’objet du rapport Cerquiglini.
Côté positif ? Pour la première fois, ce rapport montre la richesse linguistique de la France en listant pas moins de 75 langues (pour la plupart situées outre-mer). Ce faisant, il rompt avec la vision qui prévaut dans les cerveaux de la majorité des intellectuels, des politiques et des journalistes, éduqués dans le mythe d’un pays monolingue. Symboliquement, il contribuera à modifier en 2001 l’intitulé de la direction du ministère de la Culture chargée du sujet : la délégation générale à la langue française s’occupe depuis lors aussi des « langues de France » : « siglement » parlant, la DGLF est devenue la DGLFLF. Ouf !
Ce n’est pas rien.
Est-ce suffisant ? Non. Car, dans les faits, et malgré l’engagement sincère des fonctionnaires de ladite direction, la situation des langues minoritaires en France ne s’est pas vraiment améliorée depuis lors. Pour des raisons administratives : le ministère de la Culture est le seul à s’occuper d’elles, ce qui ne suffit évidemment pas. A fortiori quand le très puissant ministère de l’Education s’emploie à freiner autant qu’il le peut leur enseignement, dont dépend leur avenir. Pour être efficace, cette direction devrait être rattachée à Matignon ; elle ne l’est pas.
Ajoutons à cela une maladresse de forme : le rapport Cerquiglini a inclus dans sa liste des langues issues de l’immigration comme l’arabe dialectal et le berbère. Un brouillage qui a contribué à soulever de fortes oppositions et affaibli un peu plus la cause des langues régionales qu’il entendait défendre.
Il y a pire.
Malgré ce fameux rapport … >>>> Continuez votre lecture sur l’article original de Michel FELTIN-PALAS dans L’Express.
(1) Les « langues de France », vingt ans après, Glottopol n° 34, sous la direction de Christian Lagarde.
Photo de couverture .
Langues régionales au bord du gouffre, par Thierry KRANZER aux Éditions Yoran Embanner.