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Vu de Suisse, la monarchie française.
L’édito de Jean-Marc FOUR sur France Inter au sujet des différences fondamentales entre les démocraties française et allemande pose de très intéressantes questions.
Mais qu’en est-il réellement du point de vue allemand ?
Je partage aujourd’hui ma vie entre la Suisse et l’Allemagne, et la question d’un « Absurdistan français » est en fait l’expression d’un sentiment assez commun outre-Rhin et outre-Jura.
« On est pas des Allemands nous ! », « C’est l’histoire allemande qui a permis cela, ce serait impossible en France ! ».
Voici quelques unes des réflexions que nous avons l’habitude d’entendre lorsque nous vient l’étonnante idée d’aborder la question d’un possible fédéralisme à l’allemande en France.
Mais, cette incrédulité de nos voisins face au système français tient plus de l’incompréhension que de la raillerie. Comment imaginer un système qui se fait appeler démocratie quand celle-ci a une structure pyramidale ? Qui serait assez fou aujourd’hui pour se proclamer capable de diriger quasiment tout seul le plus grand pays de l’Union Européenne ?
Mais alors, pourquoi ce qui est possible là-bas serait une douce utopie dans l’Hexagone ?
En France, nous sommes biberonnés au mythe de l’État central, puissant et indispensable. Pour beaucoup, c’est le seul système viable. Mais en fait, une grande partie des démocraties dans le monde sont soit fédérales soit possèdent au moins quelques régions avec une plus ou moins grande autonomie, comme le Royaume-Uni ou l’Espagne par exemple. Le centralisme à la française semble alors faire plutôt figure d’exception ! Et la pandémie a exacerbé les incohérences d’un tel système face à une telle crise sanitaire.
Là où en Allemagne, les dirigeants des Länder et la Chancelière se réunissent toutes les deux semaines pour élaborer la stratégie face au virus alors qu’en Suisse, les Cantons sont libres d’élaborer une politique sanitaire plus stricte de celle de la Confédération lorsque cela est nécessaire.
La France fonctionne bien différemment.
Un seul bureau, issu du même courant politique et plus ou moins soumis au Président, décide de tout. Il ne faut pas aller chercher beaucoup plus loin les raisons de la colère sociale face aux restrictions.
Attention, je ne dis pas que la France a le monopole de la fronde citoyenne face aux mesures. Celle-ci est présente dans quasiment tous les pays, mais de manière souvent plus anecdotique et moins violente. Cependant en France, il y a un sentiment d’abandon chez les commerçants, chez les profs, chez les seniors que l’on ne retrouve sans commune mesure ailleurs. Et la raison me semble toute désignée : le système pyramidal, presque monarchique, de la société politique française.
Alors impossible le fédéralisme en France ?
Sûrement pas ! Le fait que nos voisins soient incrédules et non moqueurs le montre bien. Ils ne considèrent pas qu’un fédéralisme à la française est impossible, mais se posent la question de savoir pourquoi un tel système n’est pas déjà en place.
En France, comme en Suisse et en Allemagne, les territoires ont des cultures différentes, des façons de s’organiser dissemblables, des volontés d’émancipation face à la capitale. Les différences culturelles entre la Rhénanie-Palatinat et la Bavière ne sont pas très éloignées de celles qui séparent la Bretagne de l’Aquitaine.
Mépris et condescendance …
Et, face à l’argument de l’incapacité des citoyens eux-mêmes à s’accommoder du système fédéral et donc du consensus, on peut opposer le fait que les luttes au sommets de l’État ne sont pas toujours le reflet de la société au quotidien. Dans les villages, les associations, les clubs sportifs, on apprend à travailler ensemble pour atteindre un même but. Oui la France n’a pas la culture du consensus politique.
Mais cela n’empêche pas des listes citoyennes dans les villages, issues de différents horizons de se mettre d’accord. Les citoyens en France ne sont pas plus bêtes que les Suisses ou les Allemands, ils ont les mêmes besoins vitaux ( se nourrir, se loger, s’éduquer, … ). Quiconque parmi les élites clame aujourd’hui haut et fort que les Français ne sont pas prêts pour le fédéralisme n’a que mépris et condescendance pour ses concitoyens.
Quelle est alors la place que devrait jouer la Bretagne dans cette lutte ?
Le peuple breton est déjà historiquement et culturellement un peuple en tant que tel, il s’organise déjà par lui-même au sein de projets économiques et politiques ambitieux, et le plus important il est attaché à son autonomie. La Bretagne est en fait le terreau fertile pour une nouvelle organisation politique nationale et européenne. C’est la région à fort caractère culturel la plus puissante économiquement, ce qui la rend crédible et légitime. Si un nouveau mouvement qui soutiendrait une plus grande autonomie des territoires devait se créer, la Bretagne serait très certainement son berceau. A nous, en tant que peuple breton, de saisir cette chance et de démontrer, rationnellement, que le fédéralisme est l’avenir de la France. Que celui-ci est probablement la réponse la plus simple à apporter face aux crises sanitaires, sociales et écologiques.
Le lien de l’édito de Jean-Marc FOUR sur France Inter, 24/11/2020 :
https://www.franceinter.fr/emissions/le-monde-d-apres/le-monde-d-apres-24-novembre-2020?utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR1prJL1ex0nHGXBuN-VxnEVrw-hXlZIISD5v1g2vHhIwOs3m3fatQFkvME#Echobox=1606240567
Article de Annika Joeres dans Die Zeit, Autoritäres Absurdistan, 12/11/2020 ( en allemand ) :
https://www.zeit.de/politik/ausland/2020-11/corona-regeln-frankreich-lockdown-polizei-quarantaene-attest-joggen-sport?utm_referrer=https%3A%2F%2Fwww.ecosia.org%2F