Le traité d'union entre la Bretagne et la France n'a jamais existé

Un traité d’union entre la Bretagne et la France n’a jamais existé

de NHU Bretagne

Avec l’accord de l’auteur Louis Melennec et celui de Yoran Embanner, l’éditeur, nous publions en intégralité l’avant-propos de l’indispensable ouvrage « Invasion et annexion, Anne de Bretagne« 

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« Jusqu’à une période très récente, l’histoire de la Bretagne a été un tabou absolu. Ce n’est que depuis quelques décennies que l’on a eu accès à la vérité. En son temps, Reynald Secher, Breton et Vendéen, avait fait voler en éclats le silence entretenu autour des massacres de Vendée, en soutenant à la Sorbonne, en 1985, une thèse sur la nature profonde de ces massacres.

Les réactions ont été immédiates (diffamation, exclusion de l’Enseignement, violences diverses …). Si ses travaux sont maintenant internationalement reconnus, en France, il est toujours ostracisé.

Ce qui est vrai pour la Vendée, l’est aussi pour l’histoire de la Bretagne, d’où l’objet de mes recherches, qui ont trois finalités:

Rétablir la vérité sur l’Histoire de la Bretagne, qui est falsifiée, voire niée.

Rendre accessible cette histoire aux Bretons afin qu’ils se la réapproprient.
Faire reconnaître cette histoire au plus haut niveau de l’État afin, entre autres choses, qu’il ne puisse plus s’opposer à son enseignement.

La dernière guerre britto-française, commencée en mai 1487 par l’invasion de la Bretagne par les armées françaises, terminée seulement en décembre 1491 par le mariage forcé de la duchesse Anne de Bretagne avec le roi de France Charles VIII, oppose deux pays ennemis qui se détestent depuis des siècles.
Les conflits entre les Bretons et les Francs ont débuté à la fin du Vème siècle, lorsque les Francs, venus du Nord, se heurtent aux populations bretonnes qui occupent déjà la partie ouest de la péninsule. Au cours de l’histoire, pendant dix siècles, les conflits entre les deux peuples ont été quasiment permanents.

Ce qui caractérise les relations britto-françaises durant ces dix siècles, c’est une haine réciproque et partagée qui s’est certes atténuée à certaines époques, mais qui a toujours été la toile de fond de leurs relations : les deux nations sont des ennemis irréductibles jusqu’à la fin de leur dépendance et même très au-delà. Les archives faisant défaut pour les VIème, VIIème et VIIIème siècles, on est très mal renseignés sur cette période, mais on n’est pas pour autant dans l’obscurité totale, grâce à quelques archives franques et à de rares documents bretons miraculeusement conservés.

Au IXème siècle, à la suite d’une défaite infligée par le duc Erispoé, fils du célèbre Nominoé, en 851, le roi des Francs, Charles le Chauve, est contraint de céder aux Bretons les comtés de Rennes et de Nantes et le pays de Retz. Les Bretons ne se sont guère étendus au-delà de Rennes et de Nantes, si ce n’est, sous le règne de Salomon, roi de Bretagne de 857 à 874, d’une manière temporaire.

Est-ce le tort de ce peuple guerrier de s’être enfermé dans ses limites étroites, à l’exception d’une courte période, alors qu’à partir du Xème siècle, les pays voisins s’étendent de plus en plus, pour devenir peu à peu de grandes puissances européennes, principalement la France, l’Espagne, l’Angleterre, le Saint-Empire ?
Le désordre chronique de la Bretagne, qui ne devient un État centralisé qu’à partir du XIVème siècle, sans jamais pouvoir ou vouloir s’étendre, lui a été fatal.

La situation de la France sous Charles VIII, (1403-1461), et surtout sous Louis XI (1423-1483), s’est profondément modifiée, ainsi que celle des pays qui se sont alliés avec la Bretagne. À l’époque où se déroulent les faits que nous relatons ici, les rois anglais contrôlent un territoire assez vaste, jusqu’à l’Écosse du nord. Ils perdent la Normandie et la Guyenne par le Traité de Picquigny en 1475. L’Espagne achève sa Reconquista en 1492. La France, dans cette invasion de la Bretagne, qu’elle va tenter sans cesse de maquiller en une guerre d’agression déclenchée par ce petit pays pacifique situé à l’ouest de ses frontières, n’a guère d’alliés que théoriques (l’Ecosse et la Hongrie), éloignés d’elle par la distance et inefficaces en raison de cet éloignement.

Mais le Royaume de France, avec ses énormes armées, est en situation d’écraser la Bretagne.
À l’époque, contrairement à ce que l’on croit, le droit international de la guerre, loin d’être rudimentaire, est précis en la matière. C’est en violation de toutes les normes juridiques admises que l’invasion va se dérouler. En particulier, Saint-Augustin, dès le IVe siècle, a théorisé les conditions des guerres qui peuvent légitimement être engagées et celles qui sont interdites. Les premières sont dites « guerres justes », les secondes « guerres injustes ».

La principauté bretonne n’a ni l’envie ni les moyens de faire la guerre à son puissant voisin. En dépit des empiétements permanents de la France sur ses prérogatives souveraines, en aurait-elle les moyens, qu’elle n’a pas davantage la volonté de rechercher des querelles à la France : le prince qui la gouverne, François II, est un homme pacifique.:

Histoire de Bretagne
Histoire de Bretagne

La guerre, dite de Cent ans, est terminée depuis 1453.

Lorsque le duc François II accède au trône en 1458. La Bretagne est un pays prospère et en paix. Avec la formidable armée constituée par Louis XI, mort en 1483, l’artillerie la plus perfectionnée et la plus nombreuse d’Europe, et un budget dix fois supérieur à celui de la Bretagne, la France déclenche cette guerre d’invasion sous des prétextes fallacieux. Sa seule intention est de conquérir et d’annexer la Principauté souveraine de Bretagne, dont on dit qu’elle est « la plus belle Duché » d’Europe, avec le Duché de Milan, à laquelle on la compare souvent.

Le rapport des forces étant devenu ce qu’il est, la disproportion des moyens mis en œuvre de part et d’autre est telle que les circonstances n’ont jamais été aussi favorables pour que la France puisse s’emparer de la Principauté.
Le duc François II l’exprime avec angoisse dans ses lettres au roi d’Angleterre:

Si la France attaque la Bretagne, son pays ne pourra pas se défendre. Les deux pays sont territorialement jointifs, sans fleuves, ni rivières, ni montagnes qui les séparent. Les armées sont très inégales en force et en nombre. En cas de guerre, son pays ne pourra pas tenir longtemps. Les sommes investies par la France en cinq ans pour conquérir la Bretagne atteignent le chiffre faramineux de dix millions de livres, soit vingt fois le budget annuel de la Bretagne.

En 1491, dernière année de la guerre, les effectifs militaires de la France sont portés à 40 000 soldats, soit environ dix fois le nombre de combattants réels que la Bretagne peut mobiliser par ses propres moyens. L’artillerie française est si lourde qu’il faut trois mille chevaux pour la traîner.

La partie est perdue d’avance si les alliés de la Bretagne n’interviennent pas.

Selon Commynes, (page 451), Louis XI avait le projet, au moment de sa mort, de mettre sur pied une armée de « 20 000 hommes de pied toujours payés et de 25 000 pionniers« , (corps d’infanterie).
Prospère, riche et respectée au début de la guerre, en 1487, la Bretagne n’est plus qu’un champ de ruines à la fin de la guerre, en 1491. Les murs des plus solides forteresses ont été très endommagés, souvent abattus. Ceux des petites places ont été démolis, les pierres jetées dans les fossés, les champs, les fermes, les campagnes sont pillées, les bétails volés et consommés par l’occupant.

Des dizaines de milliers de personnes ont péri dans les batailles, les sièges, les pilleries de toutes sortes qui ont ravagé le pays. Les dégâts commis par les Français durant cette guerre sont, en cruauté, comparables à ceux d’Attila, lors des invasions de l’Europe au Vème siècle.

Il faudra plusieurs dizaines d’années pour tout remettre en état.
Lors de la disparition de la Duchesse Anne, un quart de siècle plus tard, il subsiste des champs de ruines un peu partout en Bretagne. Alain Bouchart, auteur d’une Histoire de la Bretagne, texte remarquable pour l’époque, qui a eu l’opportunité de travailler pour le duc François II, donc contemporain des faits, en témoigne ainsi que Jaligny, secrétaire de Pierre de Beaujeu, beau-frère du roi Charles VIII, qui gouverne le royaume de France avec sa femme, Anne de France, fille de Louis XI.

Invasion et annexion, Anne de Bretagne
Invasion et annexion, Anne de Bretagne

Chose étonnante, si l’on connaît la détermination des Bretons et leur caractère, ce peuple obstiné, très attaché à sa terre, réussit à résister quatre années et demie, exploit peu commun si l’on tient compte du véritable rouleau compresseur dont la France a usé année après année pour le détruire.
C’est dans ces conditions que la Duchesse Anne, à l’issue de cette guerre, âgée de 14 ans et demi, (elle est née le 25 janvier 1477), alors qu’elle est déjà mariée depuis un an d’une manière canoniquement valide avec Maximilien, roi des Romains, futur empereur du Saint-Empire romain germanique, est contrainte d’épouser contre son gré le roi envahisseur, Charles VIII. Contrairement à ce qu’on peut lire encore dans certaines publications, le roi Charles VIII, qui ne possède aucun droit sur le Duché de Bretagne, dépouille sa femme de toutes ses prérogatives de souveraine, de toutes sa dignité, au point de lui interdire même de porter le titre dont elle est la plus fière, celle de Duchesse de Bretagne.

Ce mariage, imposé unilatéralement par la France, intervient à la suite d’une guerre meurtrière, injuste au regard du droit de l’époque, d’autant plus, comme je vais le démontrer, qu’il est célébré en violation du droit canonique et que, fait tout à fait nouveau pour les historiens, comme tel, il est juridiquement nul. La Duchesse n’a donc été mariée qu’avec le roi des Romains, puis avec Louis XII, et en aucun cas avec le roi de France, Charles VIII.

Carte de France et de Bretagne en 1477



Le seul grief que la France a cru pouvoir faire à la Bretagne – qui lui sert de prétexte à l’invasion, et qui n’est en aucun cas une raison juridiquement valable – est d’avoir donné refuge à quelques hauts seigneurs français en lutte ouverte avec le pouvoir tyrannique d’Anne et de Pierre de Beaujeu, fille et gendre de Louis XI, qui administre le Royaume de France pendant la minorité, puis l’adolescence du roi Charles VIII.

Celui-ci est un prince faible, peu intelligent, incapable, en raison de son âge, mais surtout de ses médiocres aptitudes intellectuelles, de gouverner l’immense royaume que son père a tenu d’une main de fer, et a agrandi d’un tiers de sa surface.

Nous allons voir, au moyen des archives considérables de cette époque, que l’invasion et la conquête de la Bretagne sont l’œuvre de la dame de Beaujeu, même si elle est intervenue avec une grande discrétion, et si, comme l’écrit excellemment sa biographe Éliane Viennot, elle a gouverné masquée.

Les archives, les traités, les lettres diplomatiques innombrables conservées en Bretagne, en France, en Angleterre, en Italie, en Espagne, démontrent qu’un cette invasion, programmée de longue date par Louis XI, a été réalisée non pas par Charles VIII, comme on le croit souvent, mais par la sœur de celui-ci, qui a capté tout le pouvoir dès la mort du roi Louis XI, en 1483, et a exercé une autorité que l’on peut comparer à une « régence », même si elle n’a jamais porté ce titre. Ce personnage étrange, devenu duchesse de Bourbon, à la mort de son beau-frère en 1488, est en tout point le double de son père Louis XI : froide, féroce, sans scrupules, virgule, sans aucun respect de la parole donnée, bref, impitoyable.

L’invasion, lorsqu’elle est déclenchée par la France en 1487, n’est une surprise pour personne.

Programmée par le royaume voisin depuis des années, elle a été annoncée par le duc François II et par son Gouvernement par écrit, à de nombreuses reprises, par des lettres adressées à ses alliés anglais, allemands, espagnols, dont plusieurs ont été conservées.
Le duc de Bretagne et ses conseillers ont recherché inlassablement l’alliance des puissances européennes.
Ce n’est pas la moindre singularité de cette affaire, si compromettante pour la France, que d’en avoir conservé les preuves dans ses archives. Le duc de Bretagne, bien loin d’être un prince guerrier, connaissant les projets maléfiques de Louis XI et de ses héritiers, n’a cessé des années durant d’appeler l’Europe à son secours, au point de promettre en mariage ses filles à tous les princes susceptibles de lui apporter de l’aide en cas d’agression de la part de la France.

Les correspondances diplomatiques avec l’Angleterre, l’Espagne, le Saint-Empire romain germanique sont explicites.
Depuis la mort de la Borderie et de son successeur, Pocquet du Haut-Jussé, ce sujet a disparu de l’enseignement et des thèmes de recherche de l’Université. Ainsi, alors que la souveraineté de la Bretagne est démontrée d’une manière indiscutable par de nombreux auteurs, (Le Baud, Bouchart, D’Argentré, Lobineau, Morice, La Borderie, Pocquet du Haut-Jussé, plus encore par l’immense Marcel Planiol, depuis plus d’un siècle), un brusque retour en arrière après la dernière guerre.
Il s’agit même d’une véritable falsification de l’Histoire, ce qui est un crime intellectuel.

Un traité d’union entre la Bretagne et la France n’a jamais existé : Titre et illustrations par NHU Bretagne

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