Bretagne Celtique ! Le colloque.
Depuis quelques années, des « intellectuels » stipendiés par l’État français multiplient les attaques contre l’Histoire des Bretons vue, non par cet État entré chez nous par effraction, mais par les Bretons eux-mêmes.
La dernière en date, l’exposition des Champs libres de Rennes, intitulée Bretagne celtique avec un point d’interrogation évocateur, avait fait couler beaucoup d’encre en été 2022.
Un an après, le colloque Bretagne Celtique, avec cette fois un point d’exclamation, organisé par S.U.A.V. Skol Uhel Ar Vro / Institut Culturel de Bretagne le jour de l’inauguration du F.I.L Festival Interceltique de Lorient sonnait comme une réponse sereine mais déterminée.
Sommaire
Attaques incessantes contre l’Histoire des Bretons.
Il y a belle lurette que les universitaires et autres « intellectuels » prébendés par l’État français s’acharnent contre l’Histoire des Bretons.
Un chant du cygne, alors ?
Le cri du sanglier blessé ?
La preuve que cet État qui n’assume plus aucune de ses missions tout en coûtant un bras au contribuable, est à bout de souffle ? Il ne suffit pas que Benjamin Morel signe un pamphlet contre les Bretons et autres Corses qui souhaitent obtenir un statut d’autonomie comparable d’un côté à celui de tous les peuples celtes vivant dans des pays normaux, de l’autre à toutes les îles méditerranéennes.
Il faut et depuis des années, dire, répéter, tambouriner comme un mantra que TOUTE l’Histoire de Bretagne propagée par l’Emsav est un tissu d’inventions, un roman national élaboré dans des officines où se construit, jour après jour, l’argumentaire haineux de l’anti-France.
Comment en effet les Bretons peuvent-ils en vouloir autant à un État qui ne veut que leur bonheur, qui a interdit leur langue mais pour leur bien, qui a supprimé toutes leurs institutions nationales mais pour les accueillir à bras ouvert dans le vortex de LA civilisation ?
Quelle ingratitude de la part de cette poignée d’écervelés toujours plus ou moins suspects de tentations réactionnaires !
Alors, il s’agit, point par point pour Paris et pour ces « intellectuels » payés par les impôts du contribuable, en écrivant LEUR roman national français et officiel, d’affirmer, de démontrer même que tout ce qu’a écrit l’école bretonne « nationaliste » depuis plus d’un siècle et les travaux de La Borderie, est un tissu de mensonges et d’affabulations.
Anne de Bretagne ?
Mais elle n’était même pas bretonne !
La preuve, elle ignorait le breton, qui n’est d’ailleurs pas une langue mais un conglomérat de patois inaudibles !
Et elle n’a jamais lutté pour maintenir l’indépendance du duché !
Indépendance qui d’ailleurs n’a jamais existé que dans la tête des « nationalistes ».
Le Marquis de Pontcallec ?
Un escroc sans envergure qui se vautrait dans la contrebande de tabac et qui martyrisait ses paysans. Un sale type en somme, loin du portrait flatteur et attendri qu’en dresse le Barzaz Breiz.
Quant à ce Barzaz Breiz, à la suite des « travaux scientifiques » de Luzel et de Fañch Gourvil, il est parfaitement établi qu’il s’agit d’un travail de faussaire animé d’un esprit anti-français aussi injuste que frénétique.
Les Bonnets Rouges, une insurrection contre le pouvoir central ?
Que nenni !
Une révolte des Bretons contre d’autres Bretons et voilà tout.
Quant aux morts bretons de la guerre de 14, il y a longtemps qu’on sait qu’il s’agit sérieusement d’en diviser le nombre par deux, au minimum !
Les affiches « il est interdit de cracher breton et de parler breton » ? Une invention des Breiz Atao, bien-sûr. Une de plus !
Le camp de Conlie ?
Il n’y a bien que dans les esprits chagrins des nationalistes qu’on pense qu’il s’agissait d’un mouroir.
Dans ce contexte où tout ou à peu près tout ce qui émarge au tiroir-caisse de l’État français adopte la même servilité que les universitaires de tous les systèmes totalitaires, de l’Italie de Mussolini à l’Union Soviétique de Staline, répète, le petit doigt sur la couture du pantalon ce que le maître parisien attend de lui, il n’est pas étonnant que ce qui constitue la base à la fois du discours et de la légitimité de l’Emsav soit lui aussi attaqué, à savoir les racines et les origines celtiques du peuple breton .
Et contre les celtes.
Ces attaques avaient commencé avec un certain Jean-Louis Brunaux, coqueluche des celtisants français qui ne connaissent pas un mot de celtique, mais qui se permettent de pontifier et de multiplier davantage les leçons de morale que les leçons d’histoire.
Monsieur Brunaux, le pape du celtisme version francophone continue d’ailleurs à citer les « Gaulois » alors même que sa grande référence proclamée, le Malouin Christian Goudineau, a parfaitement démontré que la Gaule est une invention césarienne et une exploitation idéologique de la troisième république .
Qu’importe.
https://www.nhu.bzh/nos-ancetres-les-gaulois/Monsieur Brunaux a-t-il seulement lu Goudineau ? Pas certain. Surtout, Monsieur Brunaux met en garde dans ses ouvrages contre le celtisme de certains et prétend- c’est plus facile quand on ne parle pas un mot de celtique- qu’il n’y a jamais eu de druides en Irlande ni en Bretagne.
Première étape.
Une exposition tendancieuse.
La seconde étape vint d’une exposition, à Rennes, au musée des Champs Libres, financée par l’État français avec l’argent du contribuable en général, donc du contribuable breton en particulier. Une exposition intitulée Bretagne Celtique ? Avec un point d’interrogation, ce qui d’emblée montrait les intentions des organisateurs.
Introduire le doute dans la tête du visiteur à l’entrée.
Et à la sortie, la certitude que la celtitude de la Bretagne est encore l’une de ces fables, de ces lubies, de ces inventions des méchants nationalistes, animés bien évidemment par une haine irrationnelle de la France qui veut tant de bien à la Bretagne et aux Bretons.
On a vu que l’essentiel des membres du comité scientifiques se sont retirés du projet avec fracas devant ce qu’ils ont vite considéré comme une supercherie et une manipulation.
Et qu’Alan Stivell, le parrain de l’exposition a claqué la porte avec la même force et la même conviction.
Une réponse lorientaise.
Une telle tentative de réécriture de l’histoire appelait nécessairement une réponse, malgré les explications polies de Jacques-Yves le Touze, l’une des chevilles ouvrières de l’organisation du colloque Bretagne Celtique, qui évoquait davantage une continuation ou un approfondissement.
Tenu en ouverture du Festival Interceltique de Lorient ce 4 août dernier, ce colloque sonnait comme une revanche sur la tristement célèbre Nuit du 4 août 1789, au cours de laquelle une poignée d’inconscients sacrifia les droits des Bretons sur l’autel d’une patrie française qui ressemblait étrangement à une marâtre. Ce n’est sans doute pas un hasard si Jacky Flipot, le dynamique président de Skol Uhel ar Vro, organisateur de la journée avec toute une équipe de bénévoles, faisait une allusion soutenue au « Conseil des cinq cents » !
Le colloque, qui remplaçait habilement et volontairement le point d’interrogation du système par un point d’exclamation, a tenu toutes ses promesses.
Soutenu par Jean-Philippe Mauras, le directeur du Festival Interceltique de Lorient / An Oriant qui honora de sa présence une bonne partie de la journée, il a attiré près de cinq-cents personnes, preuve de l’intérêt manifesté par les Bretons au sujet des racines celtiques du pays.
Ce fut une journée de haute volée, de grande dignité, tenue dans une bonne humeur affichée, le tout sous la présidence d’honneur, de « grand témoin », d’Alan Stivell, celui qui ouvrit tant de portes et construisit tant de ponts voici déjà un demi-siècle. A ses côtés une Morwenn Le Normand, jeune chanteuse du Bro an Oriant, qui assura a capella un certain nombre d’intermèdes durant cette journée inscrite désormais dans les annales de l’Histoire de Bretagne de ce début de XXIe siècle.
Des populations autochtones ?
De ces échanges, on retiendra l’interview, filmée par Philippe Argouarc’h de l’A.B.P Agence Bretagne Presse, et signée Maelig Tredan, de l’archéologue Barry Cunlife, qui, avec son confrère Patrick Galliou, dirigea des chantiers de fouilles sur l’oppidum Osisme de Kozh Yeodet /Le Yaudet.
A la thèse développée depuis le XIXe siècle, de l’arrivée de populations celtiques depuis l’Europe centrale, une zone située entre Lorraine et Bohème, Cunlife privilégie celle d’une civilisation autochtone, d’un continuum occidental et atlantique, dont l’épicentre serait la Bretagne Armorique, une culture héritée en droite ligne de la civilisation mégalithique.
Pour audacieuse qu’elle soit, cette thèse, plutôt révolutionnaire, ne manque pas d’arguments.
Le professeur Patrick Galliou, spécialiste des Osismes, le peuple qui occupait le Finistère / Penn ar Bed actuel, l’ouest du Morbihan et l’ouest des Côtes-d’Armor décrivait en détail la vie et les institutions de ce peuple appartenant à la confédération armoricaine qui résista vaillamment à l’agression césarienne.
Fabien Régnier, directeur de la revue Keltia et ancien élève de Venceslas Kruta, professeur à l’École Pratique des Hautes Études, montra la proximité symbolique des monnaies des Osismes, des Corioslites, peuple du nord de l’Armorique ou encore des Vénètes, en particulier celle du cheval androcéphale avec toute la grande famille de la numismatique celtique.
Hervé Le Bihan, de l’université de Rennes II s’est quant à lui attaché à démontrer l’appartenance du breton à la famille des langues celtiques.
Une langue évidemment celtique !
Rozenn Milin, qui dirigea TV Breizh pendant des années a tenu, dans une intervention forte et pleine d’émotion, à rendre hommage à la communauté paysanne du pays des abers où elle naquit et où elle fit ses premiers pas, s’interrogeant sur le drame d’un peuple qui, en un siècle, fut sommé de changer de langue.
Si elle a rappelé que nous sommes tous le fruit d’identités multiples, que nous appartenons à plusieurs strates culturelle , identitaires et civilisationnelles, elle a tenu à rappeler les souffrances de générations qui, en raison de la politique violente de l’État français, ne se comprenaient plus entre elles.
Ses grands-parents ne comprenaient que le breton, ses parents ne s’exprimaient qu’en breton et elle, petite fille fut contrainte par l’école de ne parler que français. L’une des plus grandes violences psychologiques imposées à un peuple par un pouvoir totalitaire. « Mon identité est donc celtique, conclut-elle, puisque ma langue est celtique. Personne ne peut nier la proximité entre le breton et le gallois ».
Mais, si selon elle, «les identités uniques, immaculées, n’existent pas, seule notre identité bretonne et donc celtique est menacée ». « On peut pointer, ajouta-telle, la responsabilité de l’État qui a déployé depuis la révolution une politique hostile à notre encontre, une politique volontariste d’éradication des langues. »
A l’appui de ce discours, des exemples particulièrement évocateurs de ministres et de recteurs d’académie contre le breton, dont la perle est sans doute celle de ce sous-préfet du Finistère qui, en 1845, affirmait aux hussards noirs de la république : « Messieurs, souvenez-vous que vous n’êtes établis que pour tuer la langue bretonne. » Au moins les choses ont-elles le mérite d’être claires.
Cette politique génocidaire de l’État français a porté assez largement ses fruits empoisonnés puisque, toujours selon Rozenn Milin, d’un 1, 1 million de locuteurs dont 750 000 monolingues en 1900, la langue bretonne ne compte plus aujourd’hui que 200 000 personnes capables de la parler, ce qui ne signifie pas que tous l’emploient au quotidien.
On remarqua aussi la présence de Corinne Poulain, la directrice des Champs Libres , venue affronter courageusement les noires cohortes du nationalisme breton, qui assura, la main sur le cœur qu’ « il n’y avait pas de plan caché » dans l’expo qu’elle organisa au cours de l’été 2022 et que « interrogation ne veut pas dire remise en cause » . Autant de propos qui ne convainquirent qu’à moitié un auditoire habitué à se méfier des manœuvres et aux manipulations étatiques.
Des musiques très proches.
Après quelques mots de Joël Cornette annonçant son prochain ouvrage portant Bécassine en couverture, Alan Stivell, interviewé par le journaliste Erwan Chartier, a décrit la parenté entre les musiques des divers pays celtiques.
Tandis qu’en fin de journée, les représentants des pouvoirs politiques de plusieurs nations celtiques, notamment Niall Burgess, l’Ambassadeur de la République d’Irlande, Mark Drakeford le premier ministre du Pays de Galles / Cymru, et Loïg Chesnais-Girard, le président de la Région Bretagne administrative, venaient apporter leur pierre à ce colloque qui fera date et notamment évoquer les accords de coopération signés la veille entre eux au Forum Celte de Rennes.
Mark Drakeford affirma aussi que la politique volontariste du Pays de Galles / Cymru entend faire passer le nombre de locuteurs du gallois au-dessus du million d’ici quelques années. Un chiffre qui laissa les Bretons à la fois pantois et admiratifs. Il est vrai que depuis 1997 le Pays de Galles jouit d’un statut d’autonomie et d’un budget treize fois supérieur à celui de la région Bretagne administrative, qui reste un nain politique.
On aurait sans doute aimé que ce colloque, qui tint toutes ses promesses, se concentrât davantage sur les réponses aux questions soulevées par l’exposition de Rennes.
En quoi la Bretagne est-elle celtique ?
Mais il est vrai que des éléments de réponses furent distillées toutes la journée au gré des interventions, et que le meilleur argument fut sans doute celui de Rozenn Milin : « La Bretagne est celtique parce qu’on y parle une langue celtique ».
Souhaitons à ce rendez-vous qu’il puisse se pérenniser et que chaque année, à la Lugnasad, la fête politique celtique, des échanges d’une telle qualité puissent se renouveler.
C’est en tout cas ce que Jacky Flipot, le grand maître de cérémonie, laissa entendre aux congressistes ravis.
5 commentaires
L’intervention du gallois Simon Rodway mérite d’être mentionnée, qui s’est attaché à montrer les connexions littéraires entre la Bretagne et le pays de Galles au Moyen-Age.
Bretagne Celtique ? ou Bretagne Celtique !
Retour sur une controverse
A l’initiative de l’Institut Culturel de Bretagne, s’est tenue à Lorient une journée d’étude sur le caractère celtique ou non de la Bretagne, sur la celtitude de celle-çi, en réponse à l’exposition organisée à Rennes par Le Musée de Bretagne sur le thème “Bretagne Celtique ?”.
L’ancienne Armorique
En première partie de la journée, les problématiques archéologiques évoquées mettaient en évidence les relations entre les peuples composant l’ensemble celtique, la Bretagne apparaissant souvent au centre de cet ensemble. Aux limpides interventions des Britanniques Barry CUNLIFFE et Simon RODWAY, ont succédé les désolantes et cafouilleuses interventions des Français Patrick GALLIOU et Hervé LE BIHAN. L’hypothèse défendue par CUNLIFFE d’un monde celte de l’ouest renvoyant à une culture atlantique est particulièrement bien argumentée et tout à fait originale.
La Bretagne moderne
Dans la deuxième partie, le problème actuel de la celtitude de la Bretagne, mis en question par l’exposition controversée du Musée de Bretagne, était abordé d’abord par Corinne POULAIN, responsable des Champs Libres, équipement culturel hébergeant le Musée de Bretagne. Est-ce que l’intention du Musée n’était-elle pas d’éteindre les cendres pour ne pas entretenir le feu? La défense de POULAIN pour justifier le parti-pris d’une démarche culturelle politique justifiant l’exposition Bretagne Celtique avec un point d’interrogation n’est pas crédible. C’est un bien mauvais exemple de la fabrique d’un patrimoine.
Et l’interceltisme! Doctrine, dogme, idéologie ou théorie, le suffixe isme utilisé consiste en une valorisation du Celte. Mènera-t-il à un bloc culturel celtique? Concept culturel flou, il revendique l’existence de liens entre des pays qui n’en ont pas beaucoup; à part des proximités linguistiques (faibles), musicales (récentes), signalétiques. Comme l’a fait remarquer une intervenante résidant en Irlande, la réalisation de cet interceltisme est un peu une utopie. Les Irlandais n’ont rien à faire de la Bretagne qu’ils ne connaissent guère, noyée dans la France (à la différence de certains Bretons qui idéalisent l’Irlande, pour la bière et la musique!). Il y a en effet derrière cette façade celte de fortes spécificités culturelles anglaises et françaises irréductibles (jusque dans la gestuelle): on sait la grande “entente cordiale” qui existe entre ces populations. On remarquera que les langues « officielles » du Festival Interceltique sont le français et l’anglais et non les langues celtiques, ignorées des Celtes.
Puis, Joël CORNETTE expliquant le passage de la honte à la fierté bretonne (ou celtique) reprend nombre de poncifs, bien connus dans les milieux bretons. Ce qui permet de faire un petit bouquin!
Enfin, Rozenn MILIN, chantre de l’identité nationale, pointe avec raison les menaces qui planent sur l’identité culturelle bretonne et sur les identités culturelles celtiques. Les langues celtiques en voie de disparition sont une bonne indication de ces menaces. Mais Rozenn MILIN n’évoque pas la solution d’une indépendance de la Bretagne qui permettrait une officialisation de la langue bretonne. Sans que cette indépendance, comme on le voit en Irlande, n’améliore la situation culturelle. Il y a là une désastreuse attitude des peuples celtiques à ne pas défendre leur identité et que l’interceltisme aura du mal à modifier. Passons sur la litanie des colonisés qui revendique une identité multiple, bretonne, française et européenne, noyant de ce fait leur seule identité.
Et regrettons, en clôture, les discours lénifiants habituels des notables locaux et régionaux! “Trop de discours en boucle, de laïus insipides, d’explications lénifiantes, de communication institutionnelle formatée, de manque chronique de spontanéité” comme le dit Jean-Michel DJIAN.
Youenn-Fañch AR C’HOADIG
Bonjour Youenn Fañch, et merci de ce long et intéressant commentaire. Mar plij, accepteriez-vous de le voir publié sous forme d’article, sous votre signature bien sûr ?
Trugarez ha devezh mat
Bonjour et merci pour cette proposition. Je réfléchis à une version publiable. Cordialement
Etonne que ni cette journee, ni cet article ne mentionnent les papiers extremement argumentes et sans appels du sociologue Ronan Le Coadic analysant de facon chirurgicale les tenants et aboutissants qui soustendent l exposition qui est a l ‘origine de cette rencontre.