Bataille de Trans la Forêt

Série Nominoë et les Rois de Bretagne : la bataille de Trans la Forêt contre les Vikings.

de Olivier CAILLEBOT
Publié le Dernière mise à jour le

Bonjour Yannick, bonjour Olivier.

Ici nous sommes dans un endroit très important dans l’Histoire de Bretagne. Surtout si l’on veut comprendre les Vikings.
Tout à fait parce qu’ici nous sommes sur le lieu où s’est déroulée la dernière bataille qui a fini par chasser les Vikings de Bretagne. Bataille qui fut menée par Alain Barbetorte, le Comte de Rennes / Roazhon Juhel Bérenger et le Comte du Maine Hughes Ier.

Ils disposeront d’une armée suffisamment importante pour assiéger les derniers Vikings retranchés dans le camp du M’Na dans la Forêt de Trans / Treant-ar-C’Hoad. A partir de là on va avoir une bataille qui en une journée va finir par chasser définitivement les Vikings de Bretagne. Bien qu’ils soient toujours soutenus par Guillaume Longue-Épée, pendant les années suivantes quelques raids viendront encore éreinter les côtes bretonnes. Puis  très vite cela disparaîtra.

Enfin la Bretagne va retrouver son calme.

Les Vikings représentent un épisode très important de la partie médiévale de l’histoire bretonne qui génère beaucoup de fantasmes chez les gens. Donc il est important de rappeler cette histoire avec précision. Également qu’on sorte un peu de la légende. L’épisode viking a privé la Bretagne d’une partie de sa mémoire. E

n effet, les Vikings sont venus en prédateurs. Ils ont vécu sur la société sans rien lui apporter, ni sur le plan sociétal, ni sur le plan de l’organisation politique. Ils n’ont fait que piller. Hors, durant leurs pillages ils pratiquaient l’autodafé de tous les manuscrits. Lorsque les élites son parties, elles ont emmené ce qu’il était possible de sauver comme leurs richesses. Et pour les moines leurs cartulaires quand ils avaient pu les prendre.

bataille de trans la forêt

Nominoë et les Rois de Bretagne – Épisode 21 : Bataille de Trans la Forêt – Cartulaire de Landevenneg

Mais la majorité de la mémoire collective antérieure au Xe siècle avait disparu à ce moment-là.

Donc il a fallu lors de leur retour après l’épisode viking, que les moines et l’élite politique reconstituent cette mémoire collective. Qu’ils réécrivent leurs cartulaires, refassent les textes dont il avait besoin pour gérer leurs domaines. Ainsi, on a maintenant à faire à des textes qui sont apogryphes. Donc une gêne pour les Historiens, une perte de la mémoire de l’époque gallo-romaine jusqu’à l’épisode viking de toute l’Histoire de Bretagne.

Je vous propose d’en savoir plus et d’aller voir ce fameux camp.

C’est une bataille très importante puisque c’est elle qui a mis fin aux Vikings. Vous allez nous faire découvrir ce camp qui est quasiment inconnu du grand public.

Effectivement, le camp du M’na est sous un couvert végétal, en pleine forêt actuellement. Et c’était déjà probablement une forêt à l’époque. Il s’est installé là relativement tôt à partir du début du Xe siècle. Ce camp va profiter du réseau hydrographique pour pouvoir s’alimenter en eau et disposer de viviers à poissons. On ne venait pas en bateau ou drakkar dans ce camp parce qu’on est trop loin de la mer. Mais manifestement, comme le Camp de Biesse ou le Camp Peran, ce sont des bases à partir desquelles les Vikings partaient faire des raids sur l’arrière-pays. Afin de rançonner et de piller de façon à entretenir leur commerce qu’ils développaient à partir de ces emplacements.

Alors allons-y !

Ici on est au contact du système défensif de ce camp viking. Celui-ci se compose d’un contre-talus qui borde un grand fossé sur environ une trentaine de mètres d’ouverture sur cinq à six mètres de profondeur. Puis sur l’autre côté on va avoir un talus très puissant qui était surmonté d’une palissade.

Donc tout un système défensif constitué d’un double talutage avec une douve sèche puisqu’on est au-dessus du niveau du plan d’eau. Mais cela suffisait amplement pour pouvoir arrêter toutes les agressions. De plus, dans les angles, existent des renforts de talus qui permettaient de supporter des tours. Puis cela va nous permettre de faire le tour du camp et on verra que le système défensif est également l’intérieur du camp.

Donc on suit le contrefort le contre-talus extérieur avec le fossé qui est toujours derrière.

Ce fossé a été complètement creusé au début du Xe siècle par les Vikings. Ce camp constitue quand même un emplacement très important pour eux.

On va contourner ce camp qui a une forme à peu près quadrangulaire dans cet espace, sur à peu près cinq mille mètres carrés à l’intérieur. On peut imaginer ici, sur cette surface protégée par des talus et des palissades entre vingt-cinq et trente maisons contenant plusieurs centaines des Normands. A partir de ce camp ils pouvaient tout à fait organiser le raid razia sur le pays Dolois et le pays Rennais. C’est aussi à partir de cet emplacement que ces gens-là organisaient leur commerce des produits de leurs rapines et les ventilaient sur tous les marchés du coin.

Bataille de Trans la Forêt

Nominoë et les Rois de Bretagne – Épisode 21 : Bataille de Trans la Forêt – Habitations des Vikings

Les maisons sont construites de façon très simple.

Ce sont de petites bâtisses en bois construites sur des solins en pierre. D’ailleurs, on en voit encore des traces dans les dépressions et autour des dépressions dans le camp. Chaque maison pouvait faire environ cinq à six mètres de longueur, sur trois à quatre mètres. C’était de petits bâtiments qui permettaient de s’abriter et de ranger le matériel, mais dans lesquels on ne vivait pas à cette époque-là. En effet, on ne vivait pas dans les maisons, mais on vivait à l’extérieur.

Là, je me trouve au fond du fossé, c’est à dire au fond actuel qui est sans doute un peu plus élevé qu’il ne l’était à l’époque.

Peut-être entre un mètre et un mètre cinquante de comblement. Derrière moi vous avez une surélévation de terre qui vient compléter le talus qui était palissadé. Et sur cette surélévation on peut tout à fait imaginer une sorte de tour de bois qui permettait de surveiller plus loin et de participer à la défense active du camp. Ce site fortifié est un lieu très important dans l’histoire des Vikings. En effet, c’est à cet emplacement-là que s’est passée la dernière grande bataille qui a fini par chasser les Vikings de Bretagne.

Ce camp nous cache encore pas mal de choses puisqu’il n’a jamais été fouillé.

On aurait pu éventuellement faire quelques sondages dans les fossés. Ce qui aurait permis de peut-être de trouver des restes d’armements. Également de pointes de flèches métalliques,  d’armement en bronze. De plus il faut savoir que dans ces camps où vivait une communauté assez importante toutes les déjections de la vie du camp étaient jetés par les palissades. C’était une tradition de l’époque. Donc ce camp recèle, et le fossé en particulier, de tas d’informations pour savoir comment était organisé cette communauté qui a vécu quand même ici très longtemps.

Le plan d’eau ici borde le camp où se trouvait la communauté et n’a sans doute jamais vu aucun drakkar.

Par contre il jouait un rôle très important comme réserve alimentaire. On mangeait beaucoup plus de poisson que de viande. Également beaucoup de légumes. Mais c’était surtout une assurance d’avoir toujours une réserve d’eau, ce qui est important pour une communauté de cette envergure-là. Par ailleurs il n’est pas impossible non plus d’imaginer l’adjonction sur la chaussée d’un petit moulinet, d’un petit moulin à eau, qui permettait de faire de la farine ou différentes choses, de broyer ce qui pouvait être réutilisé dans la nourriture après.

Bataille de Trans la Forêt

Nominoë et les Rois de Bretagne – Épisode 21 : Bataille de Trans la Forêt – Camp viking

Le 1er Août 939, aux effectifs de Hugues Ier se joignent 500 hommes de Juhel Beranger et mille hommes d’Alain Barbetorte dont principalement des cavaliers.

On ne connaît pas le nombre des forces Vikings, vraisemblablement renforcées par les vaincus des batailles précédentes et les renforts de Guillaume Longue Épée.
La cavalerie bretonne, fidèle à sa réputation, attaque des trois côtés à la fois.
Sidérés par le choc des assauts, les Vikings ne résistent pas longtemps.

Et en quelques heures la victoire est totale.

Les survivants s’enfuient vers l’autre rive du Couesnon.
Le 1er Août 939, Aain Barbetorte et ses alliés mettent fin à l’implantation des Vikings en Bretagne.

Ne partez pas, puisqu’avant de clore vraiment les débats, nous nous retrouvons en compagnie de Jean Jacques MONNIER.
Parce qu’avec Alain Barbetorte on va ouvrir une ère ducale.

Mais auparavant un mot encore sur les Vikings.

Est-ce que ce combat final entre les Bretons et les Vikings, selon vous Jean Jacques MONNIER, est un combat de civilisation entre chrétiens et païens?
Oui c’est en partie cela. Également un combat entre pirates, chargés avant tout de récupérer de l’argent ou des produits et de les convoyer vers leur pays d’origine;  et une population sédentaire qui essaye de vivre du travail de la terre.
Vaincus à Trans la Forêt / Treant-ar-C’Hoad, ces Vikings poseront de moins en moins de problèmes aux Bretons ?
En effet,  dans la mesure où ils ont une base bien établie entre la Haute et la Basse Normandie désormais réunies. D’autre part ils ont des bases tout au long des côtes qui leur permettent de contrôler une partie du commerce entre la Méditerranée, l’Atlantique et la Manche.

D’un autre côté il y a des puissances qui commencent à monter.

Athelstan du côté de l’Angleterre et son Royaume de Mercie commence aussi à cantonner les Vikings. Par ailleurs, les Francs montent également en puissance. Puis bien sûr la Bretagne avec Alain Barbetorte.
Alors, Jean Jacques MONNIER, quel est le statut de Alain Barbetorte au lendemain de la Bataille de Trans la Forêt / Treant-ar-C’Hoad?
Disons qu’il est duc. Cela ne signifie pas grand chose : il est duc et roi en Bretagne. C’est à dire qu’il possède toutes les attributions d’un roi. Mais désormais ce sont des ducs nationaux. Des ducs qui ont les pouvoirs des rois mais qui n’ont pas forcément le titre.

Cette fameuse ère des ducs, que va t-elle apporter à la Bretagne ?

D’abord une grande reconstruction à faire après les ravages des trente années de domination viking. D’autre part une Bretagne qui va retrouver une croissance démographique, qui va devoir défricher des terres. Ainsi, chaque agriculteur, dans la mesure du possible, va brûler des terres sur les landes pour étendre la zone cultivée. On voit ainsi la Bretagne progresser vers l’intérieur du territoire, se peupler vers l’intérieur du territoire pour installer la nouvelle population.

Puis bien entendu aussi une prospérité qui va faire des jaloux.

Progressivement, toute l’Europe de l’ouest va retrouver le prospérité. Tout particulièrement la Bretagne avec ces grands éléments de richesse comme le sel qui était déjà une richesse sous Nominoë. Mais qui le sera encore bien plus après. Ainsi donc la Bretagne va devenir une région, un territoire convoité. Ce territoire convoité a une population encore assez limitée. De fait, sera donc contraint à un jeu de bascule entre la Francie et l’Angleterre pour éviter que l’un ou l’autre ne l’annexe.

Finalement, on peut supposer que ces relations entre l’Angleterre, la Francie et la Bretagne datent du séjour de Barbetorte chez Athelstan où on a commencé vraiment à tisser des liens.
Tout à fait, des liens ont été tissé. D’autre part, au Xe siècle, l’arrivée au pouvoir de Hughes Capet à la tête du tout petit royaume de Francie n’est pas une menace. La Francie n’est pas une menace mais elle le deviendra lorsque l’état français se constituera. Surtout autour du XIIIe siècle.

Combien de temps va durer cette ère des ducs ?

Cette ère des ducs va durer jusqu’à Anne de Bretagne. Mais pour les ducs nationaux, on considère que cela se prolonge jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Pierre de Dreux, qui va lui aussi renforcer la Bretagne. Ensuite la Bretagne se retrouvera face à des voisins de plus en plus forts. Et le jeu d’équilibre s’avérera de plus en plus difficile.
Donc une Bretagne coincée entre l’Angleterre d’une part et la Francie de l’autre.

Et ce déséquilibre qui va être provoqué par la Guerre des Deux Roses.

Lors de la Guerre des Deux Roses, les Anglais sont occupés sur leur propre territoire. De fait la France désormais constituée et la Bretagne se retrouvent face à face. D’où l’importance pour la Bretagne de trouver d’autres alliés, à l’est vers l’Autriche ou vers des princes franciens en Europe de l’ouest.

Finalement, peut-on dire que Alain Barbetorte a fait le joint entre le royaume et le duché?

Effectivement, il a fait le lien entre les deux mais il n’y a pas de rupture. On peut dire que jusqu’à Pierre de Dreux la Bretagne a des pouvoirs importants qui ont tendance à s’accroître. Ensuite nous aurons la grande époque des XIVe et XVe siècles où la Bretagne est un état souverain.
Une ère des ducs qui va apporter, elle aussi, une histoire foisonnante et fascinante … mais cela c’est une autre histoire !
Merci Jean Jacques MONNIER.
Merci Olivier
A bientôt …

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2 commentaires

AFB-EKB 17 mai 2021 - 9h57

A propos du camp Viking de Trans la Forêt.
Un tel camp se nomme un « Borg ». On les retrouve au Danmark , en Suède et en Norvège.
Dans de tels Borg on trouvait des habitations, des ateliers pour divers usages: fabrications d’armes, d’ustensils ménagers, de tissage de vêtements, de fabrique de bijoux etc….
Dernière remarque: les guerriers Vikings n’avaient pas d’armes en bronze mais en fer.

On trouvait un tel  » Borg » sur une des iles de la Loire près de Nantes qui a servi de base permanentecpendantvplusieurs saisons.

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Yannick Lecerf 19 mai 2021 - 12h12

il n’y a aucun doute que depuis la période gauloise, l’armement utilise en règle générale le fer. Cependant jusqu’au début du XVIII° siècle de nombreuses pièces de protections, de parures, d’outils et d’ustensilités divers sont en bronze. Il n’est en effet pas rare de trouver sur les lieux de batailles, dans les fossés des retranchements des objets en bronze ou même en plomb comme des balles de mousquets ou de frondes, etc. Les guerriers de toutes ces époques de la protohistoire au Moyen Age avaient souvent pour habitude de porter des parures de bronze. Les fouilles archéologiques révèlent sur de longues périodes une large utilisation du bronze, du cuivre et du plomb. Et cela jusqu’au milieu du XIX° siècle.

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