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Ma réponse à Kofi Yamgnane.
Globalement les Bretons se revendiquent Bretons et parfois même, il faut bien l’avouer, s’en trop savoir pourquoi.
Peut-être aussi parfois par mimétisme, par envie de valorisation. Mais le font-ils toujours par conscience de culture, d’identité propre, par différenciation, pour reprendre ici un terme employé en juin dernier par Kofi YAMGNANE, dans une tribune dans le Télégramme?
Certains Bretons s’autorisent à se dire différents du français, ils affichent alors des discours autonomistes,. D’autres ne se sentent pas en mesure d’aller jusque là et se contentent d’une posture régionaliste.
La question sous-jacente à tout cela serait la suivante: sommes-nous Bretons?
Sommes-nous Français? Sommes-nous Bretons et Français? Français et Breton?
Mais certains tout de suite m’interrompraient. Ces questions sont-elles vraiment des questions de notre époque?
De toute évidence, nous avons vécu depuis la sortie de la deuxième guerre mondiale, une période singulière de l’humanité. Depuis 1945, et ce à quoi elles ont conduit, les idées nationalistes ont été rejetées et le libéralisme économique est devenu la seule patrie pour tous. Par celui-ci, le confort fut promis pour tous mais ce courant ne fut pas sans conséquence sur le plan psychologique puisqu’il nous fit entrer dans un fonctionnement inédit. Ce fut une révolution en vérité. Peut-être pour la première fois, à partir des années 1960, les nouvelles générations se sont détournées des anciens. La transmission des cultures, des pensées, des traditions, des coutumes ne se fit plus.
A partir de cette date-là, l’individu ne se construit plus en lien avec des normes sociales mais en se libérant de la société.
Il rejette l’armée, le mariage, le droit de vote même, etc.. Tout ce qui faisait société. Il supporte lors du Tour de France (où le Gwenn ha Du est étrangement bien plus présent que le drapeau français, hormis peut-être à Paris), des équipes cyclistes portant des noms de marques commerciales et non plus de pays. Il supporte des joueurs de football pour leurs images et non des clubs pour leurs valeurs collectives. Mais il rejette les habits et meubles traditionnels pour entrer dans une ère consommatrice aux enseignes partagées par tous. Et tout cela conduisit à l’uniformisation, de Madrid à Bamako, de Pékin à Buenos Aires. Rien n’était désormais plus important que son confort de vie, que son pouvoir d’achat, que sa capacité à acquérir le dernier iPhone.
Et vous pourrez alors sur ce point sentir de quelle manière, ce système économique entraînerait de véritables pathologies psychiques où l’être se verrait réduit à ce qu’il aurait. La principale folie serait à mes yeux, ici, cette croyance, cette posture de nouvelles générations qui entreraient à leur tour dans la vie avec l’illusion prétentieuse et narcissiques de se construire par eux-mêmes et qu’ils ne devraient rien à leurs prédécesseurs, comme s’ils étaient nés d’eux-mêmes. D’ailleurs, armés de leur outils les plus modernes, ils ne doutent de rien d’eux et ont une opinion sur tout et même s’il faut se mettre au même niveau qu’un président, qu’un médecin, etc..
Aujourd’hui, c’est un courant écologiste qui viendrait pour la première fois contester les no limit de la pensée libérale.
Les conséquences repérées de cette pensée sur la nature, la biodiversité seraient venus suffisamment inquiéter certains en lui rappelant qu’à côté de la preuve, il y aurait d’autres valeurs possibles. Dans le même état d’esprit, puisque cela peut nous sembler inquiétant que la nature se voit réduit à ces éléments les plus productifs, réduisant encore le vivant au profil, cela ne serait-il pas également inquiétant que les cultures de chaque pays disparaissent du fait d’une uniformisation mondiale? Peut-on admettre que des cultures puissent être vidées de sens et rapportées uniquement à des attraits «exotiques», «folkloriques» qu’ils ne resteraient plus qu’à vendre.
Mais alors que devrions-nous faire?
Devrions-nous reprendre notre différenciation? Kofi YAMGNANE démontra dans son article visant à détourner les Bretons de cette logique en posant justement le problème entre un choix de confort économique que la France, selon lui, nous apporterait; et un nationalisme qui ne serait toujours selon lui qu’une impasse. Un peu à la manière de François MITTERRAND lorsque celui-ci indiqua que le nationalisme c’est la guerre.
Nationalisme et voilà que le problème devient impossible. Être soi nous rendrait-il nationaliste? Et ces gens français qui évoqueraient ce terme, ne sont-ils pas finalement eux-mêmes nationalistes car reliés à leur nation, à leur éventuelle capacité à la défendre si des circonstances devaient les conduire à cela? François MITTERRAND n’était-il pas lui-même nationaliste lorsqu’il prononça sa fameuse phrase, en tant que président d’une nation? S’allégeait-il lui de sa propre identité? De toute évidence, non.
Le problème ainsi posé par Kofi YAMGNANE est un piège.
La vraie question serait la suivante : la Bretagne, mais aussi la Nouvelle-Calédonie, le Pays Basque, la Corse, l’Alsace, la Catalogne, et bien d’autres encore, au vue de leurs particularités culturelles, leurs places dans l’Histoire, présentent-ils objectivement, oui ou non, une identité spécifique? Si la réponse est oui, au nom de quoi, Monsieur YAMGNANE, devrions-nous détourner les gens de ce qu’ils sont? Il ne peut y avoir d’union si un des deux est nié, invité à s’assimiler à se soumettre à l’autre.
Cette relation correspondrait bien plus à celle, même affectueuse, d’un maître et de son chien.
A partir de cela, il appartiendrait au contraire, à chaque Breton de rattraper le temps perdu, à compenser les manœuvres de l’État Français en vue de le maintenir dans l’ignorance de ce que les Anciens de sa propre famille étaient. Chaque Breton devrait avoir accès à son Histoire, à sa langue, puisque ces deux éléments sont deux éléments de la réalité.
«La République c’est une pathologie mentale» …
A déclaré un jour sur un plateau TV, le sociologue Tristan GARCIA.
Et il expliqua ce point de vue en faisant référence aux contradictions de la République, affichant des positions et agissant à l’inverse. La République française se glorifierait d’être la république des droit de l’homme alors qu’elle aurait besoin de s’interroger sur le bien fondé des Bretons à avoir accès à leur langue. Elle aurait ressenti le besoin d’aménager son Histoire pour que les Bretons n’y apparaissent jamais à leur juste place.
En agissant ainsi, la République Française persévère dans une logique paranoïaque dont elle ne s’est jamais soignée, remontant de la révolution française, dans une politique rétrograde.
Pouvons-nous encore aujourd’hui avec les connaissances que chacun peut avoir de sa culture, tolérer que le monde puisse être encore façonné par le principe de la domination bien plus que celui de la justice?
Pouvons-nous encore tolérer que des cultures ne puissent être plus reconnues et admises à leur juste place?
Est-il encore normal que la géographie du monde efface encore par convention, la diversité de la culture mondiale en admettant des noms de territoires émanant des occidentaux (ex: Nouvelle-Zélande) excluant encore leurs désignations des peuples premiers (Aotearoa en maori) à qui ces terres ont toujours appartenu?
Par amour de la justice et du droit de chacun d’être ce qu’il est sans subir le moindre joug, une république véritablement digne des droits de l’homme ne devrait-elle accepter la différence et se détourner absolument de ce réflexe par faiblesse de l’emploi d’une force, voire de l’oppression pour mieux l’étouffer ou la corrompre?
Est-ce cela prendre véritablement cas de la liberté de chacun et de son droit de conscience?
Pour tout cela, il me semble logiquement que c’est à la France qu’il reviendrait de s’interroger sur le droit à la différenciation des pays qui la composent, afin d’appliquer les valeurs et la grandeur dont elle se pare depuis le XVIII ème siècle.
Alors Monsieur Kofi YAMGNANE, lorsque vous demandez aux Bretons de se détourner de toute envie de différenciation, vous leur demandez en vérité de ne plus être eux-mêmes, d’accepter de ne pas regarder vers ce passé qui pourrait pourtant les renseigner et d’épouser cette idée d’uniformisation que vous accepterez pour vos propres avantages et que vous critiqueriez pourtant si elle devait demander aux français de devenir de parfaits anglais, par exemple.
Le temps au contraire est donc venu d’interroger notre identité en les rattachant de nouveau à nos Anciens dont nous ne pouvons nous détourner totalement sans faire preuve d’une odieuse arrogance. Il ne s’agirait ici aucunement d’être passéiste mais de savoir faire une synthèse entre ce qui fut et ce qui nous appartiendrait de réaliser à l’avenir
Rien ne me paraît pire en vérité pour un homme, de ne pas pouvoir être ce qu’il est.
Si pour la France, l’identité enferme, oppose (hormis la sienne évidemment) pour la Bretagne, bien au contraire elle permet d’aller vers l’autre et de s’ouvrir et de s’enrichir de ce dernier. Voilà donc déjà une première différence culturelle, voire philosophique entre la pensée bretonne et une pensée française. C’est aussi pourquoi dans la pensée bretonne, il est possible d’avoir une identité multiple comme pouvait l’expliquer Rozenn MILIN, c’est-à-dire une identité nous permettant d’être à la fois breton, français et européen, du moment que nous soyons respectés en tant que nous-mêmes et que notre amour éperdu pour la liberté n’ait absolument pas été froissé.
3 commentaires
Grosse faute d’orthographe sur la première ligne! Il faut écrire ‘sans trop savoir pourquoi’!
J’espère que vous lui avez directement envoyé cette lettre .
bonjour iffig, effectivement, grosse erreur d’inattention, désolé pour cette coquille dès le début du texte..