Dans le dernier virage de ma vie militante, je regarde les évolutions. Celles de l’économie, celles d’une société plus juste, moins inégalitaire. Celles de mes bons amis, dont certains ont été des compagnons de routes et de combats heureux et fraternels.
Force est de constater que ma déception est immense.
Nous sommes si loin de ces objectifs, de ces rêves, de cette belle utopie qui m’a habitée toute ma vie.
Sommaire
La fin des illusions.
Que dire ? Je mesure à tel point ces amis, ces bons compagnons sont bernés par l’illusion du changement politique. Par leur méconnaissance absolue de ce qu’est réellement le capitalisme. Je vois que comme tant d’autres avant eux, ils s’en prennent aux hommes – aux autres- plutôt qu’au système qui génère et permet ces dysfonctionnements, ces injustices criantes et cette destruction des écosystèmes.
Je me résigne devant ma solitude du combat, car je ne veux pas plonger moi aussi dans ces facilités, dans le simplisme ambiant qui ouvre les portes aux populismes les plus dangereux…Je ne veux pas hurler avec les loups !
En un demi-siècle la pauvreté s’est elle accrue en France ?
La réponse est bien entendu non. Les capacités d’accès aux biens, car n’en déplaise à beaucoup, c’est ainsi que se mesure cette courbe de pauvreté, n’ont jamais été aussi élevées.
L’économie n’a jamais produit autant d bien de consommation, mais elle ne produit que si elle vend. Les différences entre ce que certains nomment « les trente glorieuses » peut-être pour nous faire croire que tout allait bien, car leurs analyses politiques ne se mesure qu’avec le nombre de chômeurs et si peu avec le volume croissant des marchandises et des biens produits, est une énorme tromperie répétée par tous à droite comme à gauche de cet échiquier politique.
Les trente glorieuses.
Personne me fera croire que ces trente glorieuses étaient un bonheur avec des carrières actives si longues de 14 à 65 ans, des semaines interminables de 48 h minimum, des travaux si pénibles avant que la mécanisation ne se montre et soulage le travail humain de tâches si rudes, de revenus faibles qui permettaient si peu de choses.
Tous mes souvenirs personnels de fils d’ouvriers et de paysans me renvoient à ces énormes difficultés notamment pour les femmes qui vivaient des grossesses nombreuses avant les lois contraceptions, avant les machines à laver, avant leurs droits aux chéquiers, avant leur minimum de liberté sous un patriarcat dont peu se souvienne comme il était puissant.
Le Capitalisme n’est pas compliqué !
C’est un système économique simple. Le capitalisme, ce n’est pas que la force de travail, que la plus value, ces réalités d’un temps qui continuent de focaliser les analyses les plus éloignées de l’émancipation nécessaire.
Le capitalisme est un système économique qui donne 5 pour produire et demande 6 pour consommer, il est désormais structurellement condamné. Il crée 1/6 d’invendables aux producteurs eux-mêmes et cette fraction augmente de façon extraordinaire avec celle du volume de la production. Ces « invendables » sont depuis si longtemps le casse-tête numéro un du capitalisme et cette donnée vaut pour tous les pays du monde quelque soit la nature de leur gouvernance.
Les nouveaux économistes nous assènent que le problème est le capitalisme financier…
Qu’il suffirait de prendre aux riches si peu nombreux pour donner aux autres. Bien sûr que son rôle n’est pas neutre, mais il n’est qu’une conséquence du capitalisme marchand ou tout se vend. Or, qui propose d’en sortir par la mise en oeuvre d’une monnaie qui n’aurait qu’une fonction d’échange ne servant qu’une fois à l’image d’un ticket de bus ou de métro ?
Une monnaie non thésaurisante empêchant toute spéculation ?
Qui de MLP à JLM ? Aucun !
Cette économie incapable de vendre sans créer d’acheteurs (tourisme étranger, armement, exportations, etc…) doit trouver des consommateurs qui ne viennent pas grossir un marché en surproduction. Des consommateurs qui n’entrent pas dans ce chiffre de 5, mais ont été payés pour consommer une partie de ce 1/6ème d’invendables aux premiers cités…. La fabrication d’armements, la course au tourisme de masse trouve sa justification dans la survie de ce système. Les hommes à la tête des multinationales ou des PME &TPE entrent tous dans ce champs étroit. Ils peuvent changer d’identité au fil des ans, la logique économique restera la même.
L’épargne.
Dois-je ajouter que ce 1/6 d’invendables est amplifié par les disparités croissantes des revenus qui confortent l’épargne et que cette épargne n’alimente pas le circuit des 5/6ème… Cette épargne fait de suite lorgner vers ces 1% de ceux qui détiennent tant de biens. Néanmoins ils ne sont pas la clé de la sortie du capitalisme structuré autour d’une sorte de déterminisme « produire plus au moindre cout pour vendre avec profit »…
C’est cette logique qui conduit à ne plus se soucier des choix de production, qui force à des marchandises dites « consomptibles » (obsolescence) pour produire et vendre encore et encore.
L’Utopie du plein emploi !
Nous répétons tous, vouloir le plein emploi, trouver un emploi. Sans voir que les gains de productivités les dévorent pour obéir à ce déterminisme du « produire plus au moindre coût et vendre ». Qui met en concurrence féroce toutes les strates industrielles et commerciales du local à l’international. Il faudrait que ces gains de productivités soient égaux ou inférieurs à l’accroissement de la production pour que la hausse du nombre de chômeurs soit stable.
Ce qui est totalement illusoire.
Dans les années 80 déjà, nous écrivions au sein de notre revue « L‘Inter Syndicaliste » que près de 80% des emplois étaient socialement inutiles… On peut donc créer de nouveaux emplois, mais la vitesse de la 3ème disent-ils révolution industrielle accélère le processus avec le numérique qui détruit si vite les emplois que ceux qui sont socialement et écologiquement utiles vont devenir résiduels !
Le politique oui, mais à sa place, pas plus !
Bien sûr, un régime politique peut agir. Il peut sur des choix comme le nucléaire. Également sur certains grands travaux d’infrastructures (NDDL) comme plus ou moins de services publics. Mais il doit équilibrer ses comptes. Et chaque création d’emplois non « marchand » pèse sur l’impôt si impopulaire que ce soit sur les revenus ou autres taxes… La différence entre les uns et les autres de nos gouvernants passés, présents et futurs est mince. Importante, mais mince, pour agir sur tout car le politique n’est qu’une superstructure de l’économie. .
Le recours à la facilité plonge vers ce danger du populisme !
Mes amis, mes ex compagnons de routes perdent eux aussi pied dans cette illusion du politique. Ils croient, car on leur chante ces croyances du changement par la voie politique depuis toujours et c’est tellement simple d’identifier des cibles. Ils pensent que « le politique » peut et doit faire ce qu’il veut. Seule les dictatures ont cette possibilité et encore ….
C’est toute cette croyance, cette méconnaissance qui fait que depuis longtemps on s’en prend aux hommes. Et non à la structure même de l’économie. Cette économie qui a besoin du politique pour vivre et se développer…
Rien d’autre.
Mettons nous à rêver autour des Utopies et contradictions !
Demain si par impossible et au plus fort des « bons choix » des dirigeants passés, actuels ou futurs (chacun prend le sien qui est bien sur meilleur que l’autre !) nous avions des avancées notables sur :
Les moyens de mettre tous les habitats publics et privés en BBC.
De sortir des énergies fossiles, charbon, pétrole …
Et de sortir aussi du nucléaire dont nous savons les risques et notre incapacité à traiter les déchets.
Si nous parvenons à notre autonomie en énergies renouvelables,
Et si nous avons des dirigeants supprimant ou réduisant les mobilités (par quota ? tant de fois l’avion, tant de Kms voiture)
Si des quotas limitaient les quantités de viandes pour chacun.
Puis si aucune construction d’aires d’activités ou commerciales ne voyaient le jour en artificialisant les sols.
Si les camions n’allaient plus sur les routes que pour un nombre de kms limités.
Et si les marchandises étaient sur les trains et les navires sur nos côtes et fleuves.
Et encore …
Si les productions consommées étaient locales (nombre de kms)
Également si tous les produits alimentaires bruts étaient sans pesticides.
Si le travail résiduel que ne font pas les machines était partagé entre tous.
Et si la hiérarchie était de 1 à 7 comme dans les années 70.
Si toutes ces transitions écologiques étaient simultanément compensées par des emplois
Puis si les revenus étaient garantis tout au long de la vie : emplois-formations-revenus.
Si toutes ces mesures étaient prises, sans heurts, sans blocage.
Et si toutes les reconversions n’allaient que vers des emplois écologiquement et socialement utiles.
Si par impossible les citoyens, jamais contents, votaient pour ces candidats là, ce qui est plus qu’improbable, croyez vous que les crises seraient résorbées ?
La planète irait mille fois mieux, mais je doute qu’un président, puisse être élu sur un tel programme.
N’oublions pas que ceux qui parlent tant de changements ne veulent surtout pas changer leur mode de vie. Ceux qui en ont le plus besoin, qui sont tout en bas de l’échelle sociale par contre ne le demande pas. Il y a bien longtemps qu’ils ne croient plus en ces promesses et ces joutes politiciennes.
Mais admettons que cette utopie soit possible par la voie politique. Celle des élections et tout ce qui va avec. Y compris avec une autre démocratie, une autre république et tout ce que vous voulez !
La nature du système économique resterait néanmoins inchangée. Il faudrait encore et toujours produire au moindre coût et vendre. Également, il faudrait toujours trouver des acheteurs à ce 1/6ème d’invendable à ceux qui produisent.
Les questions de crises économiques, financières, seraient encore posées.
Puisque ni le travail ne serait devenu un simple service social. Pas plus que le « salaire » ne serait devenu un revenu social garanti. Ni la hiérarchie ne serait balayée au profit d’une égalité économique. Encore moins la monnaie ne serait devenue une simple monnaie de consommation. Ni le système de la vente à profit ne serait remplacé par une économie distributive au service des besoins et dont les choix de production et de services seraient décidés démocratiquement à partir d’une autre forme de pouvoirs….
Sans toutes ces grandes choses, ces grandes utopies, que vont de suite mettre au pilori ceux qui veulent le changement, rien n’est possible. Ces « critiques sociales » à tout crin sont sur les hommes et sur le personnel politique. Également sur les institutions, sur les dirigeants économiques. Jamais sur la nature même du système qui produit ces hommes et ces inégalités.
Quel intérêt de savoir si François est plus capable que Nicolas, Charles, Martine, Benoît, Jean Luc ou Emmanuel ?
Il faut se contenter de mille réformes, de créer de la confiance pour que des mouvements massifs entrainent toute la société et ses décideurs vers des solutions pertinentes. Il faut arrêter de laisser croire que l’isolement d’un pays est une force dans un système globalisé. Que les autres pays, les autres travailleurs et citoyens ne sont pas devant les mêmes difficultés.
Oui, je suis déçu de voir mes compagnons de route lâcher la proie pour l’ombre. Cet ombre du politique meilleur que son concurrent, surtout lorsque celui-ci n’est que dans le verbe gratuit et jamais dans la gestion. de toutes les difficultés évoquées
Chercher le salut avec ceux qui produisent et vendent !
Le salariat et ses organisations représentatives sont toujours les grands oubliés des forces du changement possible. Ce sont eux qui font chaque jour la production et la vente contre un salaire et font fonctionner ce système. Les “capitalistes” ne sont que des observateurs de ce que les salariés font. Le salariat reste naturellement la force antagonique capital-travail dans cette économie qui agit comme un corps social au même titre que les lois de la physique.
Or avons-nous oublié à force de martèlements sur le changement par le politique, que c’est sous l’effet des forces intérieures qu’un corps change d’état, que l’eau devient glace ou vapeur. Ce corps économique qui est l’infrastructure de la société ne peut changer fondamentalement que sous l’effet des ses forces intérieures.
A elles de le comprendre, le vouloir et de s’organiser.
Ne perdons pas de vue que chaque système qui meurt accouche de celui qui lui succède,. Il en sera ainsi du capitalisme un jour sans avoir besoin de préparer le grand soir. Mais à conditions d’aller vers de nombreuses réformes qui poussent au basculement radical et à la rupture avec une économie finie.
2 commentaires
Merci de ne pas céder au découragement ….bien compréhensible pourtant.
» chaque système qui meurt accouche de celui qui lui succède »
Certains accouchements sont longs et difficiles.
Dans l’attente, Ne nous privez pas de vos commentaires….
Les mots sont des graines qui germeront un jour…..
Aujourd’hui la terre est fatiguée. Elle se régénérera. Le plus tôt sera le mieux.
Merci à vous de votre joli message