Yvon OLLIVIER, bonjour.
Et merci d’avoir accepté de nous recevoir chez vous, dans cette Loire Atlantique si bretonne, pour nous parler un peu plus précisément de votre dernier ouvrage : Lettre à ceux qui ont renoncé à la Bretagne. Le livre est déjà un succès et fait beaucoup parler depuis sa parution le 13 Septembre dernier. A sa lecture, on comprend mieux pourquoi !
Sommaire
Yvon OLLIVIER, pouvez-vous, avant de parler de votre livre, nous dire un peu qui vous êtes ?
Tout d’abord, je veux dire que je suis agréablement surpris par le succès de cet ouvrage. J’ai l’impression d’avoir dit tout haut ce que de nombreuses personnes pensent depuis très longtemps. Je reçois tellement de messages que je n’ai pas le temps suffisant pour répondre à tous, qu’ils veuillent bien m’en excuser.
Cela fait maintenant quinze ans que je milite pour la Bretagne. J’essaie de le faire avec mes moyens, en écrivant des ouvrages, en défendant l’unité judiciaire de la Bretagne dès qu’elle est menacée, et de toutes les manières possibles. Le fait que j’habite en Loire Atlantique, tout en étant d’origine léonarde, m’a rapidement convaincu que l’avenir de la Bretagne passera par la réunification de son territoire historique. Le maintien du statu-quo nous condamne à moyen terme à disparaître dans le grand ouest, le projet que suit l’État depuis des lustres et tous les adversaires acharnés de la Bretagne. Il y a deux impératifs pour la Bretagne : la réunification de son territoire et la sauvegarde de nos langues. Tout le reste suivra. Et sur ces deux plans, c’est la catastrophe.
Donc cette Lettre à ceux qui ont renoncé à la Bretagne.
Qu’est ce qui a bien pu déclencher en vous l’écriture de ce livre, de ce cri, à l’encontre de celles et ceux qui ont renoncé à la Bretagne ?
La situation actuelle est objectivement catastrophique. Les élus PS, qui avaient tous les leviers, ont saboté la réunification de notre territoire, laquelle aurait été un moyen de réconcilier cette formation politique avec sa tradition d’émancipation.
Il y a eu un accord entre élus PS sur le dos des Bretons, et ce n’est pas tolérable.
Nos langues sont en perdition avec seulement 3 % d’enfants scolarisés en langue bretonne. Et encore faut-il voir comment. Alors qu’en pays basque nord, on dépasse désormais les 50% d’enfants scolarisés. En Corse, on forme des professeurs de corse par centaines…. Chez nous, la région signe avec l’État une convention prévoyant vingt (20) postes offerts au concours. Et l’État ne tient même pas sa parole…
Il y a en la matière un échec spécifiquement breton que l’on refuse d’affronter.
Et que l’on noie dans la parlote, les colloques, et autres belles promesses. Ce n’est plus acceptable.
Cela fait une quinzaine d’année que le PS a pris la région et nous en sommes encore là ? mais qu’à t-on fait depuis tout ce temps ? Soit il y a une erreur manifeste de stratégie suivie et alors il faut s’interroger, soit un manque de volonté criant. La réponse figure peut-être dans la part du budget régional alloué aux langues de bretagne : moins de 1 % ! Alors on nous dira que l’argent n’est pas le plus important, mais les Basques du sud dépensent 250 millions d’euro par an pour la politique linguistique !! Ils sont donc idiots les Basques ?
La vérité c’est que nos élus n’ont aucune volonté d’émanciper la Bretagne, de lui offrir un statut digne de ce nom. Ils louent les bienfaits de la différenciation, ce nouvel artifice de la centralisation. Il n’y aura jamais rien de sérieux dedans car le système n’en veut pas. Et nos élus sont dans le système, plus que jamais. Ce qui compte, c’est leur progression au sein du parti et leur investiture.
Vous réglez le compte du PS Parti Socialiste. Il est vrai que ce parti politique français a eu en mains tous les pouvoirs à une période. Dont la présidence de la République, le gouvernement, l’Assemblée Nationale et le Sénat. Ainsi que le conseil régional qui administre quatre des cinq départements bretons, les conseils départementaux, le plupart des grandes villes bretonnes … Et ils n’ont rien fait, ou tellement peu que s’en est rien, pour la Bretagne.
Pourquoi citer les noms de ces personnages politiques socialistes ?
Je fais partie des nombreux déçus de la deuxième gauche. J’ai cru comme beaucoup et j’ai été trahi. Donc je m’exprime en retour. Je cite des noms lorsqu’il est possible de leur rattacher des faits précis, parce qu’il faut savoir de quoi et de qui l’on parle. J’ai écrit ce livre comme un bilan historique d’une époque marquée par tant de promesses, de beaux discours. Mais encore par tellement de mensonges et de trahisons.
Je crois savoir que l’histoire ne sera pas tendre avec eux. Il est choquant de trahir ses promesses à l’assemblée nationale. Ou de s’ asseoir sur la démocratie et la volonté des habitants de Loire Atlantique au moment même où l’on parle de référendum d’initiative populaire comme l’a fait Monsieur Grosvalet. Il faut le dire. Car nous ne devons jamais oublier ceux qui nous trahissent et condamnent la Bretagne à la relégation progressive.
Le PS français certes. Mais l’abandon de la Bretagne n’est-il pas une presque constante des politiques bretons dès qu’ils approchent du périphérique parisien ?
Bien sûr, je ne prétends nullement que les autres partis nationaux auraient fait mieux. Simplement, ils ont promis, ont obtenus le pouvoir sur ces promesses d’émancipation, et ils ont renoncé à la Bretagne. Leur responsabilité est donc immense, quand bien même resteraient ils encore au pouvoir pour cinquante années.
Yvon OLLIVIER, la population bretonne a t-elle, elle aussi, selon vous, renoncé à sa Bretagne ?
Je pense que nous sommes de grands naïfs. Il suffit de nous promettre de belles choses, de nous dire que tout va bien, que l’enseignement de nos langues avance, que la Bretagne progresse pour que nous nous rassurions et que l’on n’aille pas voir plus loin la situation catastrophique. Un grand nombre de nos militants sont tombés dans le panneau et accordent une caution de bretonnitude à des gens qui n’en ont rien à faire. Une grande partie des Bretons a sans doute le tort de se complaire dans ce jeu de dupe.
C est peut-être lié à des ressorts psychologiques profonds, en ce que nous avons été victimes de la pire forme d’ethnocide qui soit, celle qui repose sur la complicité de ses propres victimes. Comme je l’ai dit dans le livre, nous n’avons pas été persécutés, mais méprisés. Et je crois que c’est pire car le mépris reste toujours. Mais au fond d’eux-mêmes les Bretons attendent l’émancipation et c’est aux responsables politiques qu’il revient de la mettre en œuvre.
Leur responsabilité est immense. Or ils prennent les Bretons pour des idiots et ça je ne le supporte plus.
Dans votre livre vous écrivez que « la Bretagne n’a plus rien à espérer des formations politiques traditionnelles ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je crois que le système France repose sur notre mort en tant que peuple. Donc nous n’aurons jamais l’émancipation d’un peuple dominé avec les formations politiques traditionnelles qui expriment toujours la volonté de Paris et des maîtres du système. Il suffit de regarder lucidement notre situation actuelle. Nous entrons dans les poubelles de l’histoire du fait de l’inaction de nos élus qui cautionnent le système. Et les Bretonnes et les Bretons en sont et en seront les principales victimes.
Mais je pense que certains de nos grands élus auraient pu s’émanciper du système et forcer le destin. Je pense bien sûr à Le Drian qui est un homme d’une intelligence exceptionnelle. Il a su capter une grande partie du mouvement culturel breton, le mettre en quelque sorte sous contrôle avec des artifices. Si je devais résumer l’évolution en Bretagne depuis quinze ans, je dirais : « la Bretagne poursuit sa relégation sur à peu près tous les plans et Jean Yves Le Drian a réalisé une carrière politique d’envergure internationale ».
« Renoncer au renoncement », « ne plus être client », et « prendre en mains nos affaires ». Soit. Mais si cela ne doit plus passer par « des formations politiques traditionnelles », il faut passer par où, par qui ?
Si j’avais la recette, je la donnerais. Tout ce que je sais c’est que lorsque les Bretons bougent, il se passe quelque chose. La société civile a un rôle majeur pour émanciper la Bretagne. Je pense que ce peut être l’étincelle qui amorcera une dynamique sociale et politique. Nos responsables économiques bretons aussi ont un rôle essentiel.
La plateforme Pour une Bretagne enfin majeure doit accoucher prochainement d’un projet de statut particulier pour la Bretagne. C’est le niveau auquel nous devons nous situer. Bien au-delà de la parlote autour du droit à la différenciation. Tout comme le droit à l’expérimentation, -qui est un échec absolu- le droit à la différenciation n’est qu’un artifice de plus du système centralisateur pour se maintenir. Dernièrement, les artistes de Bretagne ont su exprimer leur émoi au sujet de la débretonnisation qui se poursuit naturellement au sein de nos communes.
Ils ont forcé la région Bretagne à réagir. Alors que son Président venait de renvoyer dans les cordes le président de l’association EOST quelques jours plus tôt. Quand le peuple bouge, les élus suivent.
Notre problème breton n’est pas un problème juridique, le droit on le change. C’est juste un problème de volonté politique. .
Un peu de prospective en restant optimiste et lucide : comment voyez-vous la Bretagne dans dix ans ?
Tout dépendra de notre capacité à réagir. Si les Bretons ont la volonté, elle ira de l’avant. Sinon, elle pourrait fort bien sombrer dans le grand ouest, ou mourir d’inanition, lorsqu’un peuple privé de son histoire perd peu à peu conscience de lui-même. Il faut voir la virulence des journalistes d’ouest France en Loire Atlantique à l’encontre de l’identité bretonne et le travail de sape qu’on y accomplit avec le produit de nos impôts. .
Le lieu où doit s’exprimer la volonté bretonne est le Conseil régional. Là est la clé. Le jour où nos élus troqueront le régionalisme de la parlote, contre le régionalisme de la lucidité et de la volonté, tous les espoirs seront permis.
Yvon OLLIVIER, un grand merci pour votre accueil.
Nous espérons que votre Lettre à ceux qui ont renoncé à la Bretagne va continuer son ascension, et que les Citoyen(ne)s de ce pays seront très nombreux à le lire et plus encore à s’en inspirer.
4 commentaires
Un des moyens serait d’avoir notre monnaie locale qui serait effectivement la représentation de notre valeur et de notre travail
Passer le moins possible par les structures politiques traditionnelles qui n’ont plus aucun sens.
Ne compter que sur nous-mêmes, faire (ober) au lieu de parler.
Bonjour, et merci de ton commentaire. Nous-Mêmes se dit Ni Hon-Unan en brezhoneg, dont l’acronyme est NHU !
En effet, faire plutôt que de seulement parler. Rejoignez NHU Bretagne pour faire ! Merci/Trugarez
Bonjour,
Je consulte régulièrement NHU et je l’ai fait connaitre. Je parle le breton natif.
J’ai des actions, mais ce n’est pas facile.
On peut me voir comme un rêveur ou un illuminé.
J’en ai passé l’âge puisque j’ai appris le breton en cachette à l’école….
Non, lorsque les vraies tensions vont se mettre en place, progressivement, sauf accident, les solutions seront nécessairement locales.
Juste, il faut faire comme si la situation était déjà là.
Les élections municipales sont le moyen le plus pertinent pour prendre les commandes sans étiquette. Non pas pour se cacher, mais pour ne pas faire de vielle politique qui n’a plus de sens.
Les programmes doivent concerner le comment vivre ici dans 20 ans.
Comment je me chauffe si l’énergie est chère ?
Comment j’ai une eau « super potable » pour ne pas dépendre des bouteilles et payer le prix cher?
Comment je me nourris sainement à un prix modique?
Comment je me soigne dans un système qui s’effondre si si je n’ai plus forcément un confiance aveugle dans mes médecins,
Comment j’élève ma famille avec des revenus qui vont en reculant?
Comment mes aînés vont garder leur dignité ?
Il y a un tas d’autre questions.
Il faut résolument inventer et ober (faire) des réponses locales en bousculant l’attentisme ambiant . Pourquoi « ils » ne font rien?
Pauvre con, « ils », c’est toi! Tu attends quoi? Le père Noël ?
Donc, oui, prendre la main dans la joie!
Ça n’empêche ni de chanter, ni danser ! … à la fin d’un conseil municipal, il suffit de pousser les tables, la salle est disponible!!!
Et si le monde s’améliorait, (???!!!), le travail fait ne nuirait en rien. C’est sûr.
Avec les sapiens-sapiens j’ai autour de 35000 ans. Avec le peuples des mégalithes, des Européens, j’ai 12000 ans (environ) Ils sont les inventeurs du calendrier celtique découvert à Coligny. Avec le peuple celte j’ai 5000 ans (approximativement), avec les peuples grecs et latins j’ai 2 à 3000 ans, avec le peuple Chrétien j’ai 1500 à 2000 ans (approximativement). L’intelligence scientifique est née avec les calendriers (observations, calculs, vérifications …) J’ai environ 500 ans avec « les philosophies des lumières » qui ont mis en avant l’intelligence collective des peuples, avec le savoir-dire quelles sont les valeurs qui servent de phares à l’humanité depuis la nuit des temps. Avec les Celtes nous savons que « Ankou, tad an anken, netra ken, netra ket » : La mort est l’unique nécessité qui nous met à égalité face au destin. Nous fraternisons contre elle selon ses exigences, ses fréquences, les drames qu’elle provoque. Il faut bien continuer à vivre. Alors, après la fraternité et l’égalité, nous avons nommé la liberté, parce que chacun , tout seul sait ce qu’il peut et ce qu’il veut faire et être. En chemin nous avons raté la révolution des lumières faute d’avoir trop ignoré que l’égalité, la fraternité et la liberté ne fonctionnaient qu’en fonction du respect des différences, et nous sommes tous différents, un par un … Nous sommes effrayés et nous cherchons Dieu, des protecteurs, des savants, des chefs au lieu de nous fier à notre intelligence collective car aucun chef n’a été suffisant. Ceux qui se présentaient comme bénis et soutenus par Dieu, ceux dont les pantalonnades et les conquêtes guerrières appelaient une admiration aveugle ont toujours trahi l’intelligence collective, qui dieu merci n’a jamais cessé de fonctionner. Nous arrivons à une époque où nous allons apprendre à la faire fonctionner de manière supérieure à celle des hommes de pouvoirs qui tous se sont successivement cassés le nez sur leurs pouvoirs et leurs savoirs. L’intelligence collective a fabriqué tous les livres de la sagesse, tels la Bible, évangiles, Tous les peuples du monde ont leurs livres et récits de sagesse millénaire : Hindous, Boudhistes, Indiens, Africains. Notre temps nous oblige à une métamorphose si nous voulons faire triompher la vie après les désastres subis par l’écologie, avec les pandémies comme menaces répétitives scientifiquement prévisibles. Réfléchissons ensemble à ce que nous voulons en nous adossant à la seule nécessité qui commande notre destin, en ne faisant confiance à personne, en nous appuyant sur ce que notre intelligence collective nous dit et nous dira.