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Les chemins de mon imaginaire : Sentiers de terres et sillages de mers
Les chemins de mon imaginaire sont tissés de sentiers de terres et des sillages de mers
Terres de Presqu’îles – Crozon et PlougasteL.
Mers de la Baie de Douarnenez, de la rade de Brest, de l’Iroise .
Frontières maritimes dessinées par EckmühL, Armen, Créac’h, île Vierge .
Embrassements fluviaux des rivières Aulne et Élorn .
Monts d’Arrée plongeant vers l’océan, le Menez Hom en promontoire sacré.
Paul et Marie Jeanne, mes grands-parents maternels, sont paysans à Quillien, village sur la crête nord d’ArgoL dominant la rade, un sentier vertical mène à la grève du Loch. un cordon de galets sépare les eaux maritimes et fluviales venant de la vallée magique ouverte sur la mer.
Neuf enfants, plus de vingt petits enfants, purs bretonnants, pas un mot de français. Quillien fait partie d’une enclave concédée à Argol par Landévennec, nous ouvrant un littoral au Nord.
Gradlon se dresse en majesté équestre sur notre arc de triomphe paroissial.
Il a sûrement imposé cette concession à l’Abbaye. Il nous a aussi préservé un couloir terrestre vers la baie de Douarnenez – route directe vers Ys.
Ville prodigieuse, sous-marine, cristalline.
Les sous-marins des morts y conduisent les Bretons depuis Nominoé.
Un anneau merveilleux conduit à Avalon, deux autres aux frontières maritimes de Bretagne.
Merlin, architecte, leur permet de s’élever à volonté jusqu’au-dessus des nuages.
Un jour Arthur décidera de conduire à nouveau le destin de la Bretagne.
Alors surgira, depuis l’océan, un peuple immense.
Hervé, patron pêcheur, et Jeanne, paysanne, mes grands-parents paternels habitent Kermutil, juste en amont du port de Tinduff (l’étain noir) .. chasseurs de coquilles Saint-Jacques et praires d’octobre à mars, puis lignards et fileyeurs en été – en Rade et Iroise.
Nous sommes avec six autres villages, parties du Breuriez de Saint Guénolé, au sein du Kordennad de Rozegat, l’une des six Trèves qui relaient notre église paroissiale, Saint Pierre, vers les 157 villages de notre antique paroisse.
Roger, mon père, et Hervé, naviguent sur un superbe sloop coquillier de onze mètres – lignes pures, coque noire, voiles ocres rouges, hardi louvoyeur, surfeur ahurissant des longues vagues, aux grands largues
Louise, ma mère, travaille avec Jeanne à nos champs de fraisiers – parfums légers des printemps de fêtes.
Nous admirons depuis la colline sur la mer les bateaux régatant vers le port toutes voiles dehors, étraves éclatantes d’écumes.
À Argol et Plougastel tous les grands parents – et parents – parlent breton entre eux, tout le temps. Ils s’adressent à nous, les enfants, en français. Il nous est interdit de dire un seul mot en breton.
Paul et Marie-Jeanne n’ont jamais pu parler à leurs petits enfants – immonde barbarie de l’état français.
Jamais un adulte ne s’est adressé à moi en breton.
Je comprends tout mais ne peux rien dire – muet.
Si un jour quelqu’un m’avait parlé dans ma langue maternelle je sais que je me serai assis, pris d’un saisissement lumineux, les pieds dans l’eau d’un ruisseau ou d’une rivière et aurai bu sans fin l’eau fraiche et pure des sources bretonnes.
Jusqu’à me sentir intérieurement lavé des poisons français qui assassinent notre peuple.
Depuis les hauteurs d’Argol, au levant, le Menez Hom, colline des feux de mers de l’ancien monde, grouille de lutins et Korrigans. Sainte Marie et Sainte Anne La Palue signent le respect des Bretons pour les miracles de Palestine – O Rouanez karet an Arvor, goarnit ho pugale.
L’ile Tristan nous lie à l’Irlande d’Yseut et à la Cornouailles du Roi Marc’h.
Avec un hommage naturel à Arthur qui parfois séjourne au Huelgoat et, selon nos sources, descend goûter aux beautés des rivages de la Baie – et aux débordements Pensardiniens.
Au large, neuf prêtresses, vierges hardies et parfois courroucées, veillent sur Enez Sun au salut des marins valeureux bravant ces parages. Des navires entiers de Saints et Clans de l’Ile de Bretagne ont choisi comme atterrages les plages de Pentrez et du Ris.
Nombre d’héroïques Paroisses Primitives structurent et défrichent les bocages … Saint Ronan morigène la Keben.
Hervé, mobilisé en quatorze, matelot-canonnier sur le cuirassé Le Gaulois, a naufragé deux fois – rescapé, sauvé, il a attendu sur l’île de Drépano, que la Royale vienne renflouer son navire – pour ensuite être envoyé par le fond en Egée par un U-Boot, renard marin de la KriegsMarine.
Ulysse, Illade, Odyssée .. Homère … il a tout lu et mémorisé sur Drépano – et me raconte non-stop les Héros Troyens, Achéens et Danaens. J’imagine que Priam, Hélène, Achille, le chien Argos .. habitent pas loin de chez nous – je me sens plutôt hellénique et voit les Kerhors, nos ennemis préhistoriques de l’autre rive de l’Elorn, comme de damnés troyens.
Depuis Kermutil notre école est à Saint Adrien…
A trois quart d’heure de marche en passant par Ar Roc’h, crête pentue, chemin creux défoncé – dès mes six ans j’y vais, seul, à pied, avec une lampe électrique en hiver. Je sais que les korrigans, lutins et autres créatures de la nuit protègent les enfants de Bretagne, alors je peux imaginer des mondes féériques, des parfums de terres immémoriales – fleurs sauvages, fraises miraculeuses aux goûts sucrés, musiques des vents et des oiseaux familiers.
À vingt ans je partirai en stop découvrir Athènes, patrie d’Homère, et Jérusalem symbole du peuple hébreu martyrisé. L’année suivante San Francisco, le Brest du Pacifique, me tente pour comprendre pourquoi la Californie, sur le Pacifique, invente et célèbre un monde nouveau – alors que nous, sur l’Atlantique, nous devons quitter notre terre.
Nous avons retrouvé aujourd’hui notre identité.
Les chemins de mon imaginaire, par Jean Jacques Goasdoue
Jean-Jacques Goasdoue commence un parcours de logisticien maritime avec le lancement de la Brittany Ferries aux côtés d’Alexis Gourvennec. Puis la logistique terrestre par les développements du groupe Stef sur l’Europe. Il crée ensuite la société de conseil « Au Large Logistique ».
Jean-Jacques Goasdoue a également créé un Institut de Logistique (master 2 dans le cadre de l’E.S.C Brest. Il est membre d’honneur de Produit en Bretagne
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Merveillleux : avec Denez Prigent, Jean-Jacques Goasdoue, Maïlys et Michel Feltin-Palas, d’Athènes en Bretagne et NHU au clavier de mes projets associés, me voilà au grand largue de mes amarres pour rêver la nouvelle année. MERCI. Colette