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Ma lettre à votre futur Président

de Colette TRUBLET
Publié le Dernière mise à jour le

Monsieur le Président,

Je me permets de venir vous offrir, très sincèrement tous mes bons vœux pour ce nouveau quinquennat qui s’annonce..

Je suis une vieille dame octogénaire, et je m’autorise, abusivement sans doute, du poids de mes années pour vous faire part, à vous Monsieur le Président, Madame la Présidente, de mes espérances et de mes souffrances. Celles qui relèvent de votre compétence, là où vous êtes placé.

Je voudrais évoquer tout d’abord mon appartenance.

Scientifiquement, l’appartenance s’origine dans la biologie et chaque être humain en est l’expression manifeste et vivante, jusqu’à son insu souvent. Un être humain n’est pas un végétal ni un minéral …

Être un humain vivant signifie pouvoir prendre conscience de cette appartenance pour s’y appuyer solidement. Bien à l’aise dans sa juste place dans l’univers. L’appartenance va, sur ce socle biologique fondamental, trouver son expression dans l’appartenance à sa famille, à son groupe culturel et linguistique, à son environnement et à son pays. Fort de tous ses héritages reçus, chacun peut alors faire ses choix. Puis tracer sa route sur tous les chemins du monde.

Et même de l’univers, en fonction des aléas de son histoire personnelle.

Nous couper de nos racines.

L’appartenance au genre humain est un fait égalitaire universel et indéniable. Souvent, je me suis souvent demandé si le sentiment d’appartenance résolument protégé et reconnu ne serait pas un rempart puissant contre ce phénomène du suicide trop connu en Bretagne.

La France elle-même pourrait s’y interroger.
Puisque le suicide y est répandu plus qu’ailleurs. Moins qu’en Bretagne toutefois. Car couper résolument l’être humain de ses racines, c’est le condamner à toutes les errances. De la maladie au suicide et autres identifications aliénantes comme l’alcoolisme par exemple.

Puis nous déposséder de notre langue.

Privé des héritages culturels dont le plus manifeste et le plus profondément fondateur est la langue, il est dépossédé pour longtemps de ses outils de compréhension et de communication les plus indispensables. Les groupes linguistiques humains obligés d’adopter, sous la menace, la pression des faits et l’humiliation, la langue imposée des vainqueurs, ont été livrés au cours de l’histoire à l’abêtissement.

Et à une régression spectaculaire et dégradante. Il me semble que le Haut Moyen Age et plus près de nous le 19ème siècle français en sont de bons exemples accessibles à notre compréhension. Il faut plusieurs générations pour se remettre de tels déracinements!

Entendez, Monsieur le Président,

Et dans votre langue française à vous. Celle que nous avons été obligés de pratiquer sous la pression et l’humiliation. Celle qui nous manque jusqu’à la douleur, le sens que véhiculait notre langue à nous. Bien avant l’apparition du français qui n’est né qu’au 14ème siècle, sur les racines du Gaulois que nous partageons avec vous, et sur les racines du latin et du Grec seules reconnues par les intellectuels français.

J’évoque souvent cet exemple pris dans la langue bretonne qui pour parler de la mort. Mais aussi de la douleur et de l’oubli, et qui utilise trois mots de même racine ank : Ankou est la mort, anken la douleur, ankounac’h l’oubli. Le lien entre ces trois états est clairement inscrit dans notre langue. Aucun rapport avec le français qui disperse l’attention des locuteurs en isolant la mort.

Nos cultures différentes.

Notre langue bretonne évoque des sentiments directement induits par cette «Nécessité Unique : le trépas» (cf le Barzaz Breizh ce précieux recueil de la haute poésie celtique millénaire). Ce petit exemple, pour insuffisant qu’il soit, souligne bien l’écart entre nos deux cultures. Ces différences pourraient nous enrichir mutuellement si notre langue jouissait de toute sa légitimité.

Notons que dans notre inconscient le plus profond, le plus enraciné, et ce jusqu’à notre insu, «Faire de l’UN» (la République-une, la langue unique) signifie pour nous « Faire le TREPAS», cette nécessité unique … En contrepartie, « faire de l’un » signifie aussi que nous nous présentons UN par UN face à la vie, ce qui explique profondément notre caractère breton. Pour l’humour, souvenons-nous que nos ancêtres communs les Gaulois étaient déjà comme cela

J’aurais tellement à dire ! …

Vous savez certainement qu’en Louisiane, de nos jours, les «Cajuns» sont des Français de souche. Qui sont en train de mettre en place la méthode de l’immersion (que pratiquent nos écoles Diwan pour l’apprentissage de la langue bretonne) pour sauver chez eux ce qui reste … de la langue française … Ils sont efficaces! Je me réjouis pour le français de cette volonté de vouloir le promouvoir ailleurs que sur la terre de son origine.

Que cette satisfaction profonde qu’éprouveront les Français à cette nouvelle, ouvre le cœur des élus français sur notre désir de sauver et récupérer notre langue bretonne. A cet égard, les écoles bilingues que vous préconisez n’arriveront pas au même résultat en Bretagne que les écoles Diwan qui pratiquent la méthode de l’immersion, seule efficace.

Une langue unique.

Les Français, que je sache, c’est mon expérience et après moi celle de mes enfants, ont été maintenus dans la seule langue de la République. Grâce ou à cause de méthodes pédagogiques inadaptées. De la 6ème à la terminale des lycées et collèges, les nombreuses heures d’enseignement des langues étrangères ont abouti à un fiasco, reconnaissons-le. Ne nous proposez pas la même chose pour l’apprentissage de la langue bretonne : l’échec y serait programmé.

Toujours au sujet de la langue, j’ai été profondément choquée par la manière dont les élus ont interprété l’article 2 de la Constitution. « Ils» ont décidé que cette loi instaurait le français comme langue unique de la république. La Bretagne vous demandait, à 83% des sondages, de préserver et promouvoir la langue bretonne. Aussitôt les élus nous opposent leur interprétation de la loi pour refuser définitivement notre demande.

C’est une attitude indigne et insupportable. Si nous en tirons les conclusions qui s’imposent toutes seules c’est que nous n’avons plus rien à espérer.

Nous avons d’ailleurs un autre souci.

Il s’agit bien entendu de cette partition de la Bretagne qui nous appauvrit d’un cinquième de notre territoire. Mais aussi de notre richesse et de nos effectifs. Cette Bretagne-croupion perpétue sans élégance le geste d’un pauvre Maréchal vieillissant incapable de résister au fascisme des nazis. L’étonnement et l’indignation nous viennent de cette utilisation indéfiniment reconduite d’un acte de mutilation dont nous continuons à souffrir depuis un demi-siècle. Décidément 4,9 millions de Bretons ne pèsent rien pour ceux que nous élisons. Il leur suffit de refuser de nous entendre.

Car nous ne pesons pas lourd non plus quant aux problèmes de pollution de nos côtes. La Mer et l’océan en collier autour de notre belle Bretagne et nos côtes plus exposées que d’autres au trafic maritime ne sont pas prises en charge. Par des pouvoirs successifs français qui sont plus tournés vers l’Est, Bruxelles ou Paris soi-même que vers nous, grand ouest ou far west ne servant plus guère que de réserve exotique.

Et tant pis pour la Bretagne.

Enfin chez nous le chômage, et particulièrement le chômage des jeunes fleurit autant, et parfois plus qu’en France. La jeunesse, l’intelligence et l’expérience sont gaspillés et sous-utilisé. Pas de télévision bretonne, pas de grand quotidien breton, pas de projet qui mobilise.

Car les initiatives sont tant soumises aux règlements tatillons des administrations que l’échec et le découragement sont comme programmés d’avance. Les découpages administratifs qui nous isolent les uns des autres nous pénalisent dans tous les domaines.

Décentralisons !

Monsieur le Président, ne pourrions-nous pas utiliser davantage les lois de décentralisation qui permettraient l’expérimentation en Bretagne d’une autonomie à laquelle nous aspirons. Une vraie autonomie, s’il vous plait. Qui permettrait enfin que nous soyons seuls au volant de notre véhicule : la Bretagne. Car nous allons dans le fossé si nous continuons à le laisser piloter par des passagers installés à côté du chauffeur. La double commande est humiliante et favorise la fuite des professionnels compétents.

président

Le meilleur moyen de prédire l’avenir, c’est de l’inventer.

Décider en Bretagne de ce qui concerne la Bretagne.

Cela favoriserait l’établissement de liens plus satisfaisants avec la France parce qu’ils ne nous seraient pas imposés. Comme à l’image de ce qui se passe désormais entre le Pays de Galles. Voire l’Écosse et l’Angleterre. Actuellement nous avons le sentiment d’être niés par le pouvoir. Sans autre issue qu’une identification rampante à nos agresseurs. Parce que les Bretons ont souvent des amis français et même des parents vivant en France ils n’ont pas du tout le souhait de les perdre. Ou encore moins de s’en faire des ennemis. Car que peut craindre le pouvoir parisien en niant les aspirations de la Bretagne ?

Mon rêve, Monsieur le Président,

Serait de voir notre belle Bretagne redevenir elle-même. En lieu et place de cette Bretagne-croupion qui n’a pas tout son sens. Parce que nous avons suffisamment de cerveaux et d’entrepreneurs compétents pour décider chez nous. Décider de ce qui nous concerne. Suffisamment aussi de cerveaux politiques pour maintenir avec la France des liens de cousinage justifiés.

Mon rêve serait que la langue bretonne puisse être enseignée avec efficacité de telle sorte que nous puissions reprendre possession d’un héritage. Celui que nos grands parents ont eu interdiction de nous transmettre.

Également, mon rêve serait que la langue gallèse dont la pratique nous a été arrachée à force de moqueries et d’humiliations, sans doute à cause de sa trop grande proximité avec les reliquats latino-gaulois «baragouinés» dans les cuisines et les cours de ferme avant la naissance du français, puissent trouver son expression particulière tant poétique qu’écrite et savante. Parce que je combats en moi un sentiment de désespérance à chaque discours politique qui fait l’impasse sur ces questions essentielles de l’autonomie.

Car le « jacobinisme » a dévié les esprits.
Parce qu’il impose le centralisme, si près du nationalisme et du fascisme.
Il rejette le respect des différences, et l’idée même d’un fédéralisme qui nous conviendrait si bien.
Mon capital-temps va s’amenuisant, bien sûr.
Verrais-je un jour prochain mon rêve se réaliser ?
Quoi qu’il en soit, je vous adresse, Monsieur le Président, mes vœux les plus sincères pour cette nouvelle Présidence.
Que la Bretagne entière nous inspire à tous les réflexions et les décisions utiles à notre épanouissement, à notre développement et à notre bonheur.
Avec mes sincères sentiments bretons.

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3 commentaires

Tizef44 7 mai 2017 - 10h46

Quelle belle profession de foi aurait fait cette lettre d’une aînée bretonne à bien des élus bretons (ou prétendant l’être bientôt…) . qui ont renoncé à une Bretagne « belle, prospère et ouverte sur le monde » en l’échange d’une généreuse gamelle franchouillarde !

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Mélennec 8 mai 2017 - 9h39

DE LOUIS MELENNEC, auteur du LIVRE BLEU de la BRETAGNE (téléchargeable sur la toile).

Magnifique d’idéalisme et de bonne volonté sincère.
Mais en France, on ne réfléchit pas ainsi, on ne prie pas : on cogne, on frappe, tous azimuts.
Lisez, simplement, sur la toile :
– Le Livre bleu de la Bretagne;
– La Shoah bretonne;
– Histoire de la Bretagne pour les Nuls et les Collabos.
Et diffusez ces documents. PARTOUT.
Ne rêvez pas, chère madame : notre grande honte, en Bretagne, ce sont les collabos qui, payés pour cela, s’associent à la destruction de notre Pays.

Dr LOUIS MELENNEC, idéaliste comme vous, mais réaliste par l’expérience.

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juhela 9 mai 2017 - 8h07

Merci pour votre commentaire Docteur Mélennec. J’ai lu quelques uns de vos travaux; chaque fois les blessures du passé m’ont, à nouveau, envahies et submergées. C’est un travail quotidien de réussir à faire triompher la vie alors même que la mort, la disparition, sont à nos trousses depuis plusieurs siècles. Le bien et le mal, la douleur et l’espérance, dansent depuis toujours ensemble depuis la nuit des temps dans le cœur des gens. C’est très difficile de tourner le dos à la souffrance sans désirer l’oublier, (et pour nous ,on peut y évoquer la sous-france). Ceci dit parce qu’il ne faut pas oublier « la cause des causes » de nos malheurs (et à l’inverse de nos bonheurs), sinon on se voue à la répétition.
Les mots que vous employez : réalisme, idéalisme ne me correspondent pas. Je suis ballotée entre les deux au gré des évènements et de mes possibilités.
Bien sincèrement, avec mes très bretonnes pensées
Colette Trublet

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