Interview du Trio musical : Pêr Vari Kervarec, Loeiz Mehat et Tony Dudognon – de l’assocation Mibien Kerne
Pêr-Vari Kervarec, merci de recevoir NHU Bretagne aujourd’hui pour cet entretien exclusif.
Avec Loeiz Méhat et Tony Dudognon, vous formez un trio musical que l’on peut voir et écouter de plus en plus en Bretagne.
Sommaire
Pouvez-vous nous raconter comment est né ce trio ?
L’aventure de ce trio a débuté avec Tony en Novembre 2019 et mon compère de l’époque Fañch Le Goff. Nous avions commencé à tourner ensemble autour d’un concert autour de gwerzioù et de kantikoù sur le thème de Noël. Puis avant la période sanitaire compliqué, Fañch a décidé de donner un autre sens à sa vie professionnelle en arrêtant la musique. Jouant à ce moment-là dans un autre groupe avec Eliaz Le Bot, je lui ai proposé de rejoindre l’aventure.
Nous avons fait soixante concerts dans cette formule avec deux spectacles différents (Kan an Anaon et NOA). Malheureusement, il était compliqué pour lui, avec ses études au Pont Supérieur de Rennes et ses groupes à côté, de suivre le rythme des tournées à travers la Bretagne et en dehors. Loeiz est arrivé dans l’aventure pour remplacer Eliaz sur un concert à Olonne sur Mer, et je lui ai donc proposé naturellement de rejoindre le trio; dans le cadre du spectacle La mémoire d’un Peuple.
Le trio compte aujourd’hui près de 150 concerts en trois ans.
Pêr-Vari, le penn-soner que vous êtes peut-il se présenter et présenter ces deux collègues ?
Je suis originaire du Sud-Finistère entre pays Glazig et Melenig (entre Eliant et Coray/Kore). J’ai débuté la bombarde à l’école des bagadoù à Fouesnant en 2001 et en parallèle au Conservatoire de Quimper/Kemper. J’ai eu comme maître sonneur des personnes très importantes pour moi, comme Jean-Yves Herlédan, Roland Becker, Fabrice Lothodé. Après une expérience au Bagad de Lann Bihoue (2011- 2017), qui m’a permis d’emmagasiner des souvenirs à vie (Mariage du Prince Albert de Monaco..) et de l’expérience musicale. Cela également m’a permis de me construire un réseau, tout en me rendant compte, en voyageant, que les Bretons étaient partout dans le monde. Au niveau du chant, j’ai travaillé de manière autodidacte, en écoutant les anciens, en écoutant ces passeurs de mémoire sur Dastum.
Tony, lui est originaire de Poitiers. Il est arrivé il y a plus de dix ans à Brest pour ses études et n’est jamais reparti. Après des études musicales autour de l’Orgue au Conservatoire de Brest auprès de la talentueuse Marta Gliozzi, il est passé de l’autre côté de la barrière en devenant professeur au Conservatoire.
Loeiz, originaire de la presqu’île guérandaise a débuté également à l’école des bagadoù par la cornemuse, au bagad de Saint-Nazaire/Sant Nazer. Il est baigné depuis son enfance dans la musique, grandissant dans un univers familial de musiciens. Plus tard, il se met au saxophone et intègre le Bagad de Lann Bihoue (jusqu’en Novembre 2022). Cette aventure lui permet comme Pêr Vari, d’accumuler de l’expérience, des souvenirs, de progresser au saxophone mais aussi de se mettre au biniou.
Kan an Anaon a été votre premier spectacle n’est-ce pas ? Pourquoi ce rapport à la mort ?
Au décès de ma grand-mère pendant le 1e confinement, je ne comprenais pas forcément ce qui bloquait mon grand-père et ma famille pour faire le deuil. Comme vous savez dans le Finistère, les enterrements étaient interdits dans les églises, les toilettes mortuaires des défunts et les rituels funéraires étaient interdits pendant ce premier confinement. Mon grand-père et ma mère étaient attristés que nous n’ayons même pas le droit de lui dire un au-revoir sans être surveillé par une infirmière, sans pouvoir la toucher, l’embrasser. Ce sont des images qui marqueront à vie. Nous avons donc fait une cérémonie trois mois après son départ vers l’Au-Delà et mon grand-père m’avait confié la mission d’organiser de A à Z la cérémonie à Coray/Kore.
Mon objectif était clair …
Offrir à ma grand-mère une cérémonie à la hauteur de l’amour que je lui portais et en utilisant uniquement notre riche répertoire breton. C’est là que j’ai d’abord lu le livre de Bernard Rio « Voyage dans l’Au-Delà, les bretons et la mort ». Et là j’ai compris ce qui se passait avec mes proches concernant les différents rites funéraires et coutumes des Bretons envers la mort et les morts. Puis j’ai découvert le fabuleux : « Les Hymnes de la Fête des Morts en Basse-Bretagne » du Chanoine Pérennes et bien entendu la « Légende de la Mort » d’Anatole Le Braz et enfin « Le Mirouer de la Mort« . Mais sans oublier Eflamm Caouissin et Ar Gedour, qui m’ont fait découvrir certains cantiques qui avec leurs paroles m’habitaient.
Avec ces lectures, des discussions avec les anciens, j’ai compris que le rapport à la mort a complètement changé avec notre société moderne qui fait tout pour cacher la mort et la maladie. Le déplacement des cimetières en sortie des villages, la relégation des personnes âgées dans les EHPAD, la mort à l’hôpital, l’incinération et la dispersion des cendres. Comme le dit Bernard Rio : « le défunt est acheminé dans un salon funéraire, maquillé, paré et exposé dans un cercueil capitonné. C’est la dernière évolution de la présentation macabre, présentation destinée à atténuer l’image de la mort. »
Puis après, avec ce contexte sanitaire, je me suis dit que cela serait intéressant de mettre en spectacle cette croyance que les Bretons ont de l’Au-Delà, cette relation si particulière que l’on a avec la mort et les morts. Tout en mettant en corrélation ce que nous vivons ces derniers mois, avec comme leçon apprise qu’il faut profiter de chaque instant de nos proches, de la vie car nous ne savons pas de quoi demain sera fait.
Qu’il faut vivre dans un monde d’Amour et de Paix, où l’on aide son voisin.
Nous avons également proposé un spectacle, intitulé « NOA » pour les périodes des fêtes de fin d’année. Le thème évoqué est « Noël en Haute et Basse-Bretagne à travers les anciennes croyances paysannes et les légendes autour de cette fête ». Les dires de ces anciens, qui du fond de leur vie, donnent l’éveil du temps qui passe et le regret des choses, nous ont aidé à retrouver ces Noëls de Bretagne.
Que ce soit le Nedeleg du bas-pays, le Noa ou le Nau du Haut-Pays, les croyances paysannes ont un visage grave; la joie de l’enfance, la gaité des chances ne font pas toujours oublier que la mort est là. A partir de collectages que j’ai réalisé auprès de l’ancienne génération, de recherches, de lectures, j’ai créé et imaginé un spectacle récapitulant les moments importants, des veillés à NOZ KERZU (la nuit du solstice d’Hiver), de la veille de Noël à PELLGENT (messe de Noël), mais aussi en parlant de l’Au-Delà car « Noël, de toute tradition, est la nuit des prodiges. Tout homme peut s’avancer sans crainte en cette nuit. L’Enfant Jésus enlève aux sorcières leur puissance et revient enchaînés les mauvais esprits. Dans certaines paroisses de Basse-Bretagne, on assure que les feux du Purgatoire s’éteignent durant la messe de minuit et que les âmes éprouvent un moment de soulagement… »
Enfin, nous avons sorti notre spectacle « La Mémoire d’un Peuple » à l’été 2022.
Spectacle commandé par les archives départementales du Finistère, en lien avec l’exposition de l’année 2022 au Musée Départemental Breton de Kemper, autour du Barzaz Breiz. Quand ils m’ont proposé de traiter ce sujet, j’ai étudié cette œuvre qui m’a véritablement bouleversé. Quel bonheur de découvrir l’Histoire de notre peuple qui est tant cachée par l’éducation nationale. « Les textes du Barzaz Breiz transmis par la tradition populaire retracent l’Histoire de la Bretagne, dont on ne fait que peu de cas dans l’histoire de la France. Une histoire ancrée dans un passé celtique qui lui donne une place dans celle de l’Europe, une histoire aidant à la revendication d’être breton. »
https://www.nhu.bzh/delivrance-bretagne-alan-stivell/
Dans ma démarche de création de spectacle, mon envie à tout de suite été de raconter quelque chose en plus que de présenter le Barzaz Breiz. En lisant beaucoup de livres, en assistant à des conférences, j’ai souhaité me plonger dans l’Histoire de notre peuple à partir de la Révolution française. Car au lendemain de cette dernière, la campagne bretonne apparaît figée dans le passé.
À partir de 1830, la situation change.
De plus en plus nombreux, des intellectuels bretons se passionnent pour le passé de la Bretagne et les ouvrages se multiplient sur l’Histoire, la littérature, les traditions orales. La dimension “celtique” de l’Histoire et de la culture bretonnes devient alors, non seulement une manière de valoriser celles-ci pour réfuter la vision négative développée par de nombreux auteurs, mais aussi de la singulariser par rapport au modèle culturel français. Mais à partir de la fin du XIXe siècle, ces gens qui apprennent à se dire breton, ont un sentiment qui peut être un sentiment d’infériorité. Il y a eu une culture méprisée, une culture dominante et en apprenant que l’on apprenait que l’on était breton.
Il faudra pourtant attendre les années 1970 pour qu’Alan Stivell et le groupe Tri Yann finissent par populariser la Bretagne et sa musique, en France et dans le monde. Nous ne faisons que marcher dans leurs pas.
Certains thèmes abordés autour de la défense du brezhoneg (langue bretonne) ou évoquant le centralisme d’état sont des choix intéressants. Avez-vous l’intention dans vos prochains spectacles de continuer en ce sens ?
Dans le contexte multiculturel d’aujourd’hui, il est important de proposer une alliance entre nos cultures, qu’elle soit bretonne, corse, normande, vendéenne ou française. Il est vrai que nous sommes depuis de nombreuses années imprégnés de la culture française, on ne peut le nier, mais cela entraine t’il l’abandon de tout un passé qui exprime notre âme et notre foi bretonne ?
Il y a en Bretagne, un fort sentiment d’identité régionale, un fort attachement à notre culture. En particulier à la langue de nos mères, de nos pères. Une sorte de volonté de garder notre être. Un mouvement de fond travaille « l’âme bretonne » qui lui redonne la fierté qu’elle avait un peu perdue, et l’enracine dans sa riche histoire. Comme disait la philosophe Simone Weil : « L’enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine. Chaque être humain a besoin d’avoir de multiples racines. »
La Bretagne est une terre où se mêlent : croyances populaires et religion.
Depuis la nuit des temps, nous perpétuons des rites, transmettons des légendes et superstitions.
Notre objectif avec nos spectacles, est d’aider les Bretons à renouer avec notre culture, notre Histoire, nos langues, nos racines, notre identité mais aussi faire connaître l’âme bretonne à tous ceux qui le souhaitent. Et ce sont vraiment mes recherches sur le spectacle « La Mémoire d’un peuple », que ce soit mes lectures (« Aux sources du Barzaz Breiz » de Donatien Laurent), « Être Breton » de Jean Michel Le Boulanger, « Comment peut-on être Breton » de Morvan Lebesque), « L’identité bretonne » de Ronan Le Coadic …, les reportages sur Glenmor, sur l’histoire de la Bretagne ou les discussions avec des personnalités comme Alan Stivell ou les anciens, qui m’ont donné et me donnent encore plus envie de continuer dans ce sens à l’avenir et même aller plus loin.
Entre la bombarde et le biniou-kozh sur fond d’orgue, pourquoi ce bon choix du saxo ?
Quand il a fallu remplacer Fañch Le Goff au biniou en 2019, il m’a fallu réfléchir à ce que je voulais comme couleur afin de le remplacer. Car je voulais garder l’indissociable couple de sonneurs (biniou-bombarde) mais aussi un instrument qui permet de faire le lien entre la puissance de la bombarde et l’orgue et la douceur de la voix. J’ai donc proposé à Eliaz Le Bot, avec qui je jouais dans un autre groupe, de rejoindre l’aventure. Et c’est vrai que depuis ce choix du saxophone, que ce soit avec Eliaz ou Loeiz, cet instrument plaît énormément. Il est comme l’océan, il peut à la fois chuchoter des mélodies comme la mer calme et puis suivre le mouvement de la vague quand elle se jette sur la plage délicatement, ou bien imiter la tempête, tel que la mer à la Pointe du Raz / Beg ar Raz en automne.
On doit vous le dire parfois : votre timbre de voix fait souvent penser au très regretté Yann-Fañch Kemener. Le connaissiez-vous ?
Petit, j’habitais Plonevez-Porzhe, je passais toute mes vacances à Coray / Kore chez mes grands-parents. A cette époque Yann-Fañch habitait à Coray (mon grand-père le connaissait, du fait d’être premier adjoint de la commune). Je me souviens de cette première rencontre. C’était le 3 août 1996 lors du concert d’inauguration de l’église de Kore, après travaux, avec Anne Auffret. Un merveilleux moment, un point de départ. Puis avec mon maître sonneur, Jean-Yves Herlédan du conservatoire de Quimper, j’ai découvert son répertoire, son style, ses collaborations, son carnet de route.
Plus tard, à travers des concerts en églises ou Festoù Noz avec Fabrice Lothodé (2004 et 2005), nous avons partagé la scène. C’était l’occasion de le rencontrer une nouvelle fois, mais cette fois en étant apprenti sonneur. Plus tard, nous avions discuté longuement à Kemper lors d’une édition du Festival de Cornouaille, et nous avions sans cesse continuer de communiquer. Enfin lors de mes études commerciales en alternance à Quimperlé / Kemperle, il venait très souvent me voir au magasin le vendredi après-midi, et c’étaient des heures d’échanges, d’anecdotes, de conseils : un véritable bonheur. Ayant appris seul le chant, il m’avait proposé plusieurs fois de passer chez lui, afin de me prodiguer des conseils, des outils et tout simplement partager son savoir, sa connaissance. Malheureusement nos emplois du temps respectifs n’ont pas permis de trouver assez de temps pour ces moments.
Un véritable regret… Cependant, il est pour moi le passeur de mémoire qui influe le plus sur mes choix artistiques et ceux de construction de mes spectacles. Aujourd’hui encore, il n’y a pas un jour où je ne l’écoute pas à travers ses CD, ses comptes, ses livres, sa manière de voir notre Bretagne.
![Trio Pêr Vari Kervarec, Loeiz Mehat et Tony Dudognon - Mibien Kerne](https://www.nhu.bzh/wp-content/uploads/2023/01/Trio-Per-Vari-Kervarec-Loeiz-Mehat-et-Tony-Dudognon-Mibien-Kerne-3.jpg)
Pêr-Vari Kervarec de Mibien Kerne
Trio Pêr Vari Kervarec, Loeiz Mehat et Tony Dudognon – Mibien Kerne
Il existe au moins deux particularités à nos concerts …
La première est que déjà nous présentons des spectacles et non juste un concert, car nous mêlons, chant, musique, poésie, citation, réflexion, histoire ou silence. Il y a du un fil conducteur, il y a du sens, il y a une volonté de faire passer des messages, de faire découvrir notre Bretagne, nos coutumes, nos légendes, notre histoire et notre langue. Le plus long dans la construction de nos spectacles, ce n’est pas la musique et les chants. Ce qui est long, c’est la trame du spectacle, son histoire, ce que je veux faire passer comme message, et toutes les recherches qui permettent de créer, et cela je le réalise seul. Cela me prend environ neuf mois de travail pour chaque spectacle.
En second lieu, nous avons fait le choix de déambuler dans les lieux de concerts. A la fois, dans le but de découvrir chaque lieu de concert, jouer avec l’acoustique, respecter le chant des lieux (Église, Chapelle, Cathédrale). Cela est quelque chose qui ressort parmi le public, car déjà il n’y aucune mauvaise place, et l’équilibre des instruments changent sans cesse. Et surtout il y a un effet de surprise systématique de savoir où on se trouve.
Il semble que vous jouez uniquement dans des chapelles, églises et cathédrales ? Et si oui, pour quelle(s) raison(s)?
Déjà la première raison serait que dans le trio Pêr Vari Kervarec, l’un des instruments est l’orgue. De ce fait, nous n’avons peu d’autres choix que de présenter ces spectacles dans les édifices religieux. Cependant, de temps en temps, on nous propose de présenter nos spectacles à l’extérieur (Cours du Musée Départemental Breton de Kemper, Théâtre de verdure de Penity à La Forêt Fouesnant / Ar Forest-Fouenant), et c’est vrai qu’il est très plaisant de toucher un public qui n’ira pas dans les églises ou cathédrales. Mais je réfléchis à l’avenir à proposer une nouvelle formule, permettant l’adaptation de mes spectacles en acoustique, facilitant également de les présenter n’importe où.
Deuxièmement, ce qui est intéressant avec les églises, c’est l’acoustique si exceptionnel d’un lieu à l’autre.
Qu’il est agréable d’entendre l’église chanter avec nous et après nous. En plus la gwerz, chantée a cappella dans le silence d’une église, a un côté sacré indéniable. Mais le sacré vient aussi de ce qu’elle raconte : des événements tragiques qui ont touché la collectivité comme un naufrage, la guerre, une épidémie. Le fait de se déplacer également lors des spectacles, permet de jouer avec l’église, de découvrir les moindres recoins et de changer les intensités des instruments comme la Bombarde, le Biniou, le saxophone ou le chant.
Enfin les temps ne sont pas si lointains où, en Bretagne, il y avait des liens entre la foi chrétienne et la culture. Nous avions nos manières à nous, non seulement de nous nourrir, de nous habiller, de nous rassembler mais aussi de parler, de danser, de prier Dieu, d’honorer nos morts. Cet équilibre a été remis en cause dans les années 50, même si le problème a commencé dès la fin du XIXe siècle avec l’enseignement du français dans les écoles puis l’interdiction d’y parler breton sous peine de punition.
Il faut situer aussi cette rupture dans le contexte d’émigration massive des jeunes à l’étranger.
La langue bretonne que l’on pensait être qu’un obstacle à la réussite sociale, tant était fort le sentiment de honte. Il y a eu un arrêt de la transmission de la langue. L’on a vu disparaître les héritiers d’une langue qui se transmettaient de génération en génération. Aujourd’hui, l’image publique de la Bretagne est de nouveau forte, nous sommes un peuple qui, est fier de son identité, capable de créer, d’affronter l’avenir avec confiance et détermination, en solidarité avec tous les peuples du monde ! L’identité bretonne n’affaiblit pas l’identité française, ni l’identité européenne ou mondiale, bien au contraire. Une Bretagne non repliée sur elle-même, mais accueillante aux autres cultures, aux autres langues, est une Bretagne où le bonheur est possible.
Vous ne fixez pas de prix d’entrée, laissant à chacun la liberté de donner ce qu’il souhaite après avoir écouté votre magnifique concert : pourquoi ce choix ?
C’est vrai que pour l’instant depuis trois ans, nous essayons de garder la « participation libre », car selon moi, il est déjà compliqué pour beaucoup de notre génération de rentrer tout simplement dans une église. De plus, l’accès libre permet facilement à des personnes en difficultés, des jeunes, des familles entières, de venir plus facilement et sans se poser de questions. Nous voulons faire redécouvrir notre Histoire, notre culture, donner envie aux Bretons et aux autres d’apprendre notre langue. Enfin, il est important pour moi, de donner l’accès à notre matrimoine, patrimoine au plus grand nombre, afin de toucher le plus de monde possible, et de réaliser notre mission de transmettre aux autres notre savoir.
Notre culture ne doit pas, selon moi, être élitiste.
Je revois des gens encore, qui sont venus m’aborder avant un spectacle en me disant : « Je ne pourrais pas assister à votre concert, car je n’ai pas de sous, mais votre musique me transporte ». Je lui ai dit de rester au concert. Elle était émerveillée et depuis elle vient souvent à nos spectacles que ce soit à Cancale / Kankaven, Lanniliz ou Kemper. Et quel plaisir de voir mille personnes de tout âge dans l’église de Locronan / Lokorn, lors de notre spectacle le 26 Décembre. Pour l’instant nous trouvons notre compte et trouvons qu’il y a de plus en plus de jeunes au concert, ce qui est formidable.
Donc tant que nous le pouvons, nous le ferons.
Quel est votre programme de concerts pour cette année 2023 qui commence ? On veut tout savoir 🙂
Alors c’est vrai que notre spectacle La Mémoire d’un Peuple recueille un grand succès, car après trente-huit représentations entre Juin et Novembre 2022, nous allons continuer de le tourner, en l’améliorant encore. A l’heure actuelle, nous avons une trentaine de dates retenues jusqu’à cet été.
Le Dimanche 22 Janvier à Paris, à l’église de la Madeleine à 16:00
Ensuite nous avons un mois pour apporter quelques nouveautés dans notre spectacle, et nous nous retrouverons à Moëlan sur Mer / Molan, le Dimanche 12 Mars. Un autre grand moment de l’année avec La Mémoire d’un Peuple le Samedi 25 Mars à la Basilique de Saint-Denis (où Anne de Bretagne à été couronnée) dans le cadre des 90 ans des Bretons de Saint-Denis. Puis le Dimanche 23 Avril nous serons à l’Église de Pont l’Abbé / Pont-‘n-Abad, le Dimanche 14 Mai à Lanniliz pour la journée internationale de l’orgue.
Deux autres grands moments qui arriveront avec deux concerts, le Dimanche 18 Juin à la Cathédrale de Lyon et le Mardi 20 Juin à la Cathédrale de Bourg en Bresse. Et d’autres dates dans toute la Bretagne (à cinq départements) et pas que, il se profile également deux tournées à l’étranger, mais on vous en dira plus, très bientôt.
Mais surtout, nous vous annonçons l’enregistrement au printemps du second CD du trio Pêr Vari Kervarec, qui s’intitulera « La Mémoire d’un peuple : Bretons », pour une sortie à la fin de l’année 2023.
Dans quelques jours, ce Dimanche 22 Janvier, vous allez présenter votre spectacle La Mémoire d’un Peuple, autour du Barzaz Breiz, à l’Église de la Madeleine à Paris. En quoi cette date dans la capitale française est-elle importante pour vous ?
Alors déjà, l’invitation de nous produire vient du célèbre organiste français, Francois-Henri Houbart, titulaire de La Madeleine (plus de 1300 concerts dans le monde entier) qui est tombé sous le charme de notre musique, c’est un honneur. De plus, depuis l’adolescence, je suis habité par le désir de promouvoir la Bretagne avec ce que je savais faire de mieux : la musique. Cette volonté ne vient pas de nulle part. J’ai vite constaté avec tristesse combien la musique traditionnelle bretonne pouvait être dénigrée dans certains milieux musicaux.
Mais moi, ce sont mes racines, j’en suis fier !
Présenter mon spectacle La Mémoire d’un Peuple à La Madeleine est une fierté également, dans un célèbre lieu parisien où de grands noms ont été enterrés (Chopin, Saint-Saëns, Fauré ou Tino Rossi, Johnny…). Mais c’est une fierté, car dès que nous jouons en France, que nous voyons le public venu en nombre, qui ne connait pas forcément notre langue, ne connait pas nos instruments. Et en sortant de là, souhaite venir en Bretagne, ou s’y intéresser, et pour certains s’intéresser à leurs cultures et les défendre.
C’est la plus belle chose que l’on peut faire.
L’idée aussi, est de réussir à rassembler les nombreux Bretons de la région parisienne ce jour, en leurs donnant encore plus envie d’être breton, de le revendiquer haut et fort surtout à Paris. Car la France s’est construite sur l’assujettissement et la disparition de nos vieux peuples breton, basque, occitan, catalan, pour permettre à Paris de rayonner au mieux et d’exploiter librement nos richesses et nos territoires.
Pour un peuple dominé, privé de l’enseignement de son Histoire, méprisé au quotidien dans ses langues, il n’est d’autre moyen pour perdurer dans l’être que de lutter pour défendre sa mémoire et la manière avec laquelle il se perçoit. Et comme disait Morvan Lebesque : “La Bretagne n’a pas de papiers. Elle n’existe que si, à chaque génération, des hommes se reconnaissent Bretons. A cette heure des enfants naissent en Bretagne, seront-ils Bretons ? Nul ne le sait. A chacun selon l’âge venu la découverte ou l’ignorance”.
Notre spectacle est une invitation pour chacun à trouver le don qui fera bouger les lignes, pouvant interpeler et démontrer que, la hargne au cœur, on peut tout !
Et trouver en soi le don qui pourra apporter quelque chose et faire bouger.
Quels sont vos souhaits pour l’avenir ?
Aujourd’hui, les identités et nos racines ne sont plus uniques. Il est primordial de dire que la diversité est une richesse, la relation avec les autres est une nécessité. Le grand combat du XXIe siècle est de permettre de se dire de quelque part, avec des singularités et une vulgarisation des formes de cultures qui sont transmises, tout en s’adossant à l’humanité, et à la relation avec les autres.
Le combat qui est à mener s’appelle simplement l’humanisme.
Donc, il faut essayer de vivre un peu mieux tous ensemble, se respecter davantage, voir tout ce qui est bon et intéressant dans toutes les cultures et bien entendu la nôtre, la culture bretonne et celtique qu’il faut continuer à défendre. « La langue d’un peuple, c’est la peau de son âme ».
![Trio Pêr Vari Kervarec, Loeiz Mehat et Tony Dudognon - Mibien Kerne](https://www.nhu.bzh/wp-content/uploads/2023/01/Masson-Emile-langue-peuple-ame.jpg)
« La langue d’un peuple, c’est la peau de son âme » Émile Masson Écrivain et penseur breton 1869-1923
Il nous faut nous redire que la diversité est une richesse, sans hiérarchisation.
Et la culture permet des choses improbables, mais surtout très belles. Mais c’est à nous, la jeunesse de s’approprier : cultures et langues dont nous sommes les dépositaires. Pour que cette découverte soit possible : l’enseignement de notre Histoire est primordial. Car elle est un révélateur qui permet de prendre conscience que nous sommes bien un peuple. Mais il n’est surtout pas question de dire que notre histoire est plus belle que celle de nos voisins. Mais elle existe tout simplement. Et c’est la nôtre, ses épisodes positifs et ses passages moins glorieux.
Cette Histoire passée nous rassemble.
Et si nous l’enseignons à ceux qui, viennent de plus en plus nombreux de l’extérieur pour s’installer en Bretagne, nous pourrons les embarquer dans notre histoire à venir car l’identité, c’est un projet commun. Il appartient maintenant aux Bretons, à tous les Bretons, qu’ils le soient d’origine ou d’adoption, de dessiner ce projet et d’écrire nous-mêmes la prochaine page de notre Histoire.
Pêr-Vari Kervarec, nous vous remercions de votre accueil et vous souhaitons une extraordinaire année 2023.
Ce que vous faites pour la Bretagne est essentiel et pour cela, trugarez deoc’h
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Photo : facebook.com/LegiliLens
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