BrezhoWeb, ar chadenn tele e brezhoneg penn-da-benn
Bonjour Florent GROUIN, et merci de recevoir NHU Bretagne pour nous parler un peu de BrezhoWeb.
Sommaire
Tout d’abord, pouvez-vous nous présenter BrezhoWeb ?
Brezhoweb c’est une chaîne de télévision gratuite sur internet, conventionnée par l’ARCOM (ex Conseil Supérieur de l’Audiovisuel), qui diffuse des programmes généralistes 100% en langue bretonne (dessins animés, films et séries, magazines de société, jeux télévisés, documentaires, divertissements, programmes pédagogiques, etc). Nous diffusons tous les jours de 18h à 22h30 une grille de programmes éditorialisée, mais les programmes sont également accessibles en vidéo à la demande et depuis 2018 nous diffusons également sur les réseaux sociaux (Youtube, Facebook, Instagram, Twitter…).
Notre objectif est de proposer des programmes variés et de qualité en langue bretonne, avec une attention toute particulière portée à la jeunesse et notamment aux enfants scolarisés dans les écoles en langue bretonne. C’est un objectif largement atteint, en 2021 par exemple nous avons diffusé 81 heures de programmes frais – des nouveautés encore jamais diffusées – c’est un volume conséquent au regard des 150 heures annuelles en moyennes toutes chaînes confondues.
La chaîne a été créé en 2006 par Lionel BUANNIC, qui était alors rédacteur en chef de TV Breizh. Pour se remettre rapidement dans le contexte de l’époque, TV Breizh était la première chaîne privée bilingue français/breton. Des millions d’euros ont été investis pour créer une filière audiovisuelle en langue bretonne, et particulièrement dans le doublage en langue bretonne (dessins animés, films, séries…). La chaîne a malheureusement dû abandonner la langue bretonne devant les refus successifs du CSA de se voir accorder une fréquence hertzienne. C’est pour ne pas perde toute cette filière professionnelle en langue bretonne que fut créée Brezhoweb, mais avec une stratégie différente de TV Breizh, diffuser uniquement sur le web qui s’annonçait déjà comme l’avenir de l’audiovisuel.
Pouvez-vous nous dresser un état des lieux de l’audiovisuel en Bretagne aujourd’hui ?
Je ne suis pas forcément le plus légitime pour parler de l’audiovisuel en langue française, et il y a déjà beaucoup à dire sur l’audiovisuel en langue bretonne, je vais donc plutôt me concentrer sur ce sujet très vaste. Déjà, pour avoir accès à des programmes audiovisuels, en français comme en breton, il vous faut un ou plusieurs diffuseurs (les chaînes de télévision), des sociétés de productions qui vont réaliser le contenu et chercher les financements, et un vivier de professionnels (journalistes, comédiens, réalisateurs, techniciens) qui sont intermittents le plus souvent.
En Bretagne nous avons la chance d’avoir des professionnels brittophones, mais il nous manque parfois les occasions de proposer aux jeunes de faire leurs armes dans l’audiovisuel. C’est un sujet qui nous importe beaucoup à Brezhoweb. Nous essayons tous les ans de dénicher de nouveaux talents, mais il faut ensuite les former et les fidéliser en ayant un volume de travail suffisant à leur proposer.
Côté diffuseurs, à l’heure actuelle il existe un seul diffuseur TV entièrement en langue bretonne, Brezhoweb. En plus de cela, il y a des diffuseurs bilingues comme France 3 Bretagne bien sûr, mais aussi les télévisions locales (Tébéo, Tébésud, TVR) qui diffusent quelques contenus en breton que nous coproduisons ou achetons en commun. C’est une belle variété de diffuseurs et nous travaillons tous ensemble même si nous n’avons évidemment pas les mêmes publics ni les mêmes objectifs pour la langue bretonne.
L’audiovisuel en breton aujourd’hui n’a pas à rougir, nous produisons des programmes de grande qualité, variés et en nombre conséquent. Nous devrons à l’avenir travailler à améliorer la visibilité de ces programmes tout en consolidant la filière professionnelle en langue bretonne.
Parlons gwenneg …
Pour 2022 le budget est sensiblement le même que les années passées. A savoir environ 300.000 euros venant de nos financeurs institutionnels (la Région Bretagne administrative et plusieurs départements). Le tout pour une équipe de six permanents mais qui ne sont pas tous à temps plein. Il faut bien sûr ajouter à ces permanents notre réseau d’intermittents qui travaillent régulièrement pour nous à la production d’émissions. Ce budget permet d’assurer le fonctionnement de la chaîne, de payer les droits de diffusion des séries et dessins animés diffusés sur notre antenne, mais aussi et surtout de produire et coproduire des émissions en breton (4/13 Munud e Breizh, Pennad Kaoz, Made e Breizh, Toutouig, etc) tout en assurant leur diffusion sur toutes les plateformes actuelles (Brezhoweb, YouTube, Facebook, Instagram, Twitter, Telegramm…).
La spécificité de Brezhoweb est que nous sommes une chaîne privée, éditée par une entreprise nommée LBK. Nous sommes spécialisés dans la production audiovisuelle pour des clients privés. Cette activité génère des revenus et permet à Brezhoweb d’exister et d’accéder à des moyens techniques de qualité (caméras, lumières, stations de montages, logiciels…) et à des ressources humaines mutualisées (les services administratifs ou comptabilité).
Nous venons par exemple de faire construire un studio de fiction de cent cinquante mètres carrés à Auray/An Alre , de six mètres de hauteur, insonorisé et équipé d’un grand fond vert au sol et plafond. C’est le plus gros studio privé de fiction de Bretagne. Brezhoweb peut profiter de cet équipement au quotidien pour produire des émissions en langue bretonne (la deuxième saison de la sitcom Flapakarr par exemple), mais sans l’entreprise nous n’aurions jamais pu accéder à un tel outil audiovisuel.
Pour développer sérieusement BrezhoWeb, qu’est ce qui vous manque aujourd’hui le plus ? Des moyens financiers sûrement, mais quoi d’autre ?
Pour développer Brezhoweb, et plus globalement développer l’audiovisuel en langue bretonne, nous avons en effet besoin de moyens financiers plus importants. Cela peut paraître évident, mais il faut bien comprendre que le budget annuel de Brezhoweb, c’est à peine le prix pour produire une heure d’émission comme « Le Meilleur Pâtissier » diffusée sur M6.
En dehors des moyens financiers, le plus important pour l’audiovisuel en langue bretonne aujourd’hui, ce n’est pas forcément de produire plus d’émissions, mais de travailler à améliorer la visibilité des programmes diffusés chaque année en langue bretonne. Particulièrement sur le web car c’est là que sont les jeunes aujourd’hui qui représentent l’avenir de la langue. C’est dans cet objectif que nous avons opéré un tournant éditorial en 2018. Nous avons arrêté de produire certaines émissions un peu « mod-kozh » comme le talk-show « Bec’h De’i », afin de produire des émissions plus modernes et qui correspondent aux nouvelles habitudes de consommation des téléspectateurs. De cette réflexion sont nés nos programmes actuels comme le magazine de société 4/13 munud , les interviews longues en breton Pennad Kaoz , les magazines de divertissement « Tuto Breizh » et « Made e Breizh », ou encore le programme court « Toutouig » pour aider à la transmission du breton dans les familles.
J’en parlais dans l’état des lieux de l’audiovisuel en breton, il nous faut aussi insister sur la formation des jeunes bretonnants aux métiers de l’audiovisuel (présentateurs, cadreurs, monteurs…). Il nous faudra aussi dans un avenir proche aider par exemple à l’émergence de jeunes talents sur Youtube, qui est un domaine dans lequel la langue bretonne a un peu de retard. Une autre manière efficace d’aller de l’avant serait de mettre en place des quotas pour la langue bretonne dans les différents fonds de soutien qui sont alimentés d’argent de la Région ou d’argent public.
En résumé, ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de continuer la réflexion déjà entamée avec les élus et les acteurs de l’audiovisuel en breton afin d’établir une stratégie efficace pour l’avenir de l’audiovisuel en breton.
Avez-vous des relations professionnelles avec des équivalents de BrezhoWeb chez d’autres minorités linguistiques européennes ? Dans l’Hexagone comme en Corse, ou plus largement en Europe comme le Pays de Galles, la Catalogne ou l’Écosse ?
Nous sommes en relation quasiment quotidienne avec Oc Télé, une chaîne de télévision sur internet en occitan, car la chaîne a également été créé par notre entreprise. Également, nous entretenons des relations avec la chaîne basque Kanaldude, mais en dehors de ces deux exemples il n’y a pas tant que cela d’équivalent de Brezhoweb. Nous avons été présenter plusieurs fois le modèle de Brezhoweb en Alsace, pour essayer d’y faire émerger un projet équivalent mais sans succès. Nous sommes déjà allés rencontrer à plusieurs reprises les chaînes de télévisions des pays celtiques, mais les logiques et les budgets ne sont pas les mêmes, il n’y a pas vraiment de collaboration possible si c’est cela votre question.
La chaîne de télévision galloise S4C, un exemple pour la Bretagne.
En revanche la question sur la Corse me permet de revenir sur une vision fantasmée que nous pouvons parfois avoir au sujet de la Corse. Certes ils ont la chaîne bilingue ViaStella, mais la Bretagne rivalise largement avec la Corse en termes d’audiovisuel, qu’il s’agisse de qualité des programmes, du volume de programme réellement en langue corse ou bretonne, et plus encore en ce qui concerne la diversité des programmes. Prenez la jeunesse par exemple, Brezhoweb diffuse tous les ans trois nouvelles séries de dessins animés doublés en langue bretonne, ainsi que plusieurs films d’animation à destination de toute la famille, sans compter les jeux télés et magazines pour les jeunes. En corse ils n’ont quasiment rien de tout cela.
Il y a peut-être une question à laquelle vous souhaiteriez répondre et que personne ne vous a encore jamais posée ? C’est le moment de vous la posez et d’y répondre.
Il y aurait encore plein de choses à dire sur Brezhoweb et sur l’audiovisuel en breton, mais pour conclure disons que nous faisons des miracles avec les moyens dont nous disposons, donc n’hésitez pas à nous aider en parlant de Brezhoweb au maximum autour de vous et en partageant nos programmes le plus possible.
Nous vous remercions de votre sympathique accueil et du temps que vous avez bien voulu nous consacrer.