1960-2023 – Réunification de la Bretagne
Sommaire
Quelle capitale pour la Bretagne ou comment l’État a inventé « la guerre des deux capitales » bretonnes !
Alors, quelle capitale pour la Bretagne ?
« La guerre des deux capitales » titre le quotidien Le Monde le 1er octobre 1969.
Bienvenue en Bretagne, croyez-vous ?
Non, il s’agit de la Lorraine – région administrative créée en 1956, calquée sur l’entité historique – où Metz et Nancy se disputent très âprement ce titre de capitale. L’État central y étouffe cette « guerre » politique.
Mais il va l’attiser en Bretagne et Normandie pour justifier son opposition unilatérale d’unité territoriale régionale…
L’Histoire franco-allemande n’empêche pas l’unité lorraine.
Le 2 juin 1960, sur fond de décentralisation ayant pour cadre une réforme administrative, cette configuration lorraine est décrétée par l’État central, unique décisionnaire. Un simple décret administratif lui suffit. Il ne consulte pas la population. Tout cela diffère entièrement du sort de l’ancienne Alsace-Lorraine, dont la question fut réglée par traités internationaux durant les XIXe et XXe siècles.
Malgré tout, les aléas des l’histoire franco-allemande ont fait s’ériger entre Metz et Nancy une barrière très lourde.
Elle persiste lors de la réforme régionale de 1969. Car entre 1871 et 1918 puis 1940 et 1944, Metz a été plus longtemps allemande que française. Il en résulte de nombreuses conséquences. Les unes sont très visibles, les autres essentiellement psychologiques. (Le Monde, 1er octobre 1969).
Par contre, en Bretagne et en Normandie, il n’existe aucune barrière internationale et linguistique, entre Nantes et Rennes d’un côté, entre Caen et Rouen de l’autre.
Les deux régions font partie du même territoire et de la France depuis des siècles. Mais l’État central reste paranoïaque. Il empêche la légitime unité territoriale administrative de ces deux régions historiques. Au mépris des cohésions et des populations.
L’État central décrète l’intégrité territoriale historique en Lorraine.
Dès 1960, l’État décrète la cohabitation de deux métropoles dans 4 de ses 22 régions administratives : la Région Centre, avec Orléans et Tours ; la Région Lorraine, avec Nancy et Metz ; la Région Provence-Côte d’Azur, avec Marseille et Nice ; et la Région Rhône-Alpes, avec Lyon et Grenoble. Ces deux dernières régions compteront même deux académies en leur sein. L’arrêté du 20 janvier 1961 désigne la capitale régionale. En Lorraine, cette dernière question dégénèrera en querelle.
Lors de la réforme de 1969, le maire de Nancy, Pierre Weber, est mis en minorité par son propre conseil municipal ! Mais il maintient : « C’est poser un faux problème et s’en tenir à des querelles médiévales. La capitale lorraine, c’est la métropole, et non Metz ou Nancy. » Le député Roger Souchal affirme pour sa part : « L’essentiel est que les Lorrains présentent un front uni. » L’État confirme Metz, quitte à ébranler profondément la fragile unité régionale lorraine. (Géographie de la Lorraine, 1983).
Imaginez des déclarations analogues en Bretagne en 1969. Le maire de Nantes André Morice expliquant : C’est poser un faux problème et s’en tenir à des querelles médiévales. La capitale bretonne, c’est la métropole, et non Nantes ou Rennes. Le sénateur nantais Abel Durand disant pour sa part : L’essentiel est que les Bretons présentent un front uni. Cela eut été le cas sur ordre de l’État…
Quelle capitale pour la Bretagne : l’État central fait de l’intégrité territoriale bretonne une affaire politique.
Malgré tout, l’État confirme l’intégrité territoriale historique de la Région Lorraine administrative. La cohabitation de deux « capitales » aussi. L’intérêt de la communauté humaine régionale primerait-elle la technocratie ? Non, puisque l’État décrète l’unité impossible en Bretagne et en Normandie. Il y créé lui-même de toutes pièces une « guerre » politique des deux capitales. Il en fait un alibi de partition : Nantes contre Rennes et Caen contre Rouen. Plusieurs siècles de cohabitation sont niés par l’État.
Pour contrer son propre exemple lorrain, l’État va déconsidérer l’histoire et les cohésions ! Le président de la République, Georges Pompidou, n’hésite pas à se faire procureur, le 18 juillet 1973 : « Je ne crois pas que le rattachement [sic] de la Loire-Atlantique soit tout à fait conforme à la réalité [sic] historique et géographique, même si autrefois le duc de Bretagne avait un château [sic] à Nantes. Mettre ensemble Nantes, Rennes et Brest, ça serait augmenter les difficultés. » (Ouest-France, 19 juillet 1973).
Pourquoi cette duplicité de l’État ? Dans l’ensemble français, Lyon, Marseille et Paris doivent présenter « un front uni ». Paris décide seul, sans difficulté. « La France, puissance nucléaire » : l’ancien premier ministre Michel Debré l’affirme, cinq jours plus tard, dans les colonnes du Monde. Pourquoi la France devrait-elle craindre l’unité territoriale de la Bretagne ? Le président de la République est trop aimable pour dire aux Bretons qu’ils sont politiquement ostracisés : 1/5e de leur territoire sert ainsi de gage.
Le Président de la République et la paranoïa « autonomiste ».
C’est le cas directement du million de Bretons de Loire-Atlantique. L’État pratique donc la culpabilité collective. Ce n’est qu’en aparté que Pompidou révèle sa paranoïa autoritaire à Alain Peyrefitte, son ministre chargé des réformes administratives : « Quelques centaines d’autonomistes peuvent prendre un coup de sang et entraîner leur région dans des attitudes incendiaires. Les régions ? Il y en a trois ou quatre qui n’existent que trop ; les autres n’existent pas ». (Le mal français, Alain Peyrefitte, 1976).
Tout est clair. L’État place deux métropoles dans des régions qui « n’existent pas », puisque créées par lui de toutes pièces. Pour les régions historiques, « les trois ou quatre qui n’existent que trop » – probablement Alsace, Corse, Bretagne et Normandie – il charge élus et préfets d’inventer tout impératif technocratique justifiant une partition territoriale décrétée. Son exception historique reste lorraine.
2015 : l’État passe outre la Charte Européenne de l’Autonomie Locale.
En 2015, l’État fusionne finalement régions et capitales de régions pour atteindre, dit-il, une « taille européenne » de « grande région ». La Charte européenne de l’autonomie locale n’est pas applicable en France, pourtant membre fondateur de l’Union Européenne ! Selon le Sénat français, cette charte est toujours « dans son processus de ratification définitive », malgré son entrée en vigueur en 1988…
Dans l’Union Européenne, tolérant l’intolérable de cette France là, les vingt-deux régions françaises deviennent treize.
Mais depuis 2015, le vieux mensonge de l’impossibilité de faire cohabiter deux métropoles est devenu obsolète, alors qu’il était minoritaire avant cette date. Ignorance entretenue, manœuvre politique ou malveillance intéressée permettent encore de faire illusion entre Nantes et Rennes.
Région Bretagne et Région Occitanie restent des appellations administratives confiscatoires par rapport à leur entité historique. En qualité de président de la République, François Hollande réunifie la Normandie, sa région d’origine. Mais il noie l’Alsace et la Lorraine dans une « Région Grand-Est », furtif point cardinal de l’est de Paris.
Celle-ci n’est, en fait, que la créature de ses hauts fonctionnaires.
Elle fait écho à cette autre région ubuesque appelée « Pays de la Loire », inexistante avant 1956, décrétée en amputant Bretagne et Poitou. Cette machination permet encore de nos jours à la paranoïa d’État de maintenir la partition de la Bretagne. Il accompli tout de manière discrétionnaire et autoritaire.
Comme toujours, sans consultation des populations.
Il est temps que cette machination prenne fin.
3 commentaires
Rennes et Nantes sont les portes d’entrée de la Bretagne. Cela n’empêche pas un rôle de capitales. Ces deux villes pourtant se rêvent au centre d’une région ouest. Que ce machin n’ait aucun sens importe peu, ce qui compte, c’est d’être au centre…
Le meilleur compromis comme capitale administrative de la Bretagne est Vannes , symboliquement au bord de l’océan et surtout cette ville est un lien entre l’ouest et l’est de la Bretagne , pas éloignée de la Loire atlantique ,sur laquelle elle a un pouvoir d’attraction ,cependant comme dans beaucoup de domaines il n’y a pas de solution idéale .
Bonjour,
La meilleure des solutions est de mettre Pontivy comme capitale. Cela permettra de vivifier le Kreiz-Breizh, de rouvrir la ligne de chemin de fer entre Saint- Brieuc et Auray en la modernisant avec l’aide de fonds de l’Une (feder), de finir le réseau routier triskel, d’achever la N164 et de remettre en route la voie ferrée Rennes à Ploërmel avec un prolongement jusqu’à Pontivy!