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La préhistoire de l’Armorique : des premiers humains à l’aube du Néolithique
La préhistoire de l’Armorique.
Bien avant que la Bretagne ne porte ce nom, bien avant même l’arrivée des Bretons venus d’outre-Manche, l’ancienne Armorique était déjà habitée. Dans ce vaste territoire bordé par la Manche et l’Atlantique, des communautés humaines ont laissé des traces ténues, mais précieuses. Cet épisode explore la péninsule armoricaine avant le Néolithique, à travers le Paléolithique et le Mésolithique.
Une terre façonnée par la géographie et le climat
Durant la Préhistoire ancienne, l’Armorique n’était pas une presqu’île telle que nous la connaissons aujourd’hui. Pendant les périodes glaciaires, le niveau des mers était bien plus bas. L’actuelle Angleterre était encore reliée au continent, et les actuelles îles bretonnes faisaient partie intégrante de vastes plaines côtières. Ce territoire offrait alors un environnement propice à l’installation humaine : sources d’eau, abris naturels, faune abondante.
La géographie physique armoricaine — plateaux, rivières, falaises, landes — a fortement influencé les modes de vie. Elle guidait les déplacements, dictait les campements, orientait la chasse. Cette diversité paysagère, associée aux variations climatiques successives, a façonné une occupation humaine en constante adaptation.
Paléolithique inférieur : les premiers pas de l’humanité en Armorique
Les plus anciennes traces humaines en Armorique remontent à plusieurs centaines de milliers d’années. Si les vestiges sont rares, leur découverte est capitale. À Saint-Colomban, près de Karnag, ou encore à Saint Malo de Phily / Sant Maloù Fili, on a retrouvé des bifaces taillés, témoignant de la présence d’hommes du Paléolithique inférieur.
Ces humains n’étaient pas encore des Homo sapiens. Il s’agissait d’Homo heidelbergensis ou de leurs proches parents. Leur quotidien était celui de chasseurs-cueilleurs nomades, utilisant des outils en pierre pour dépecer, couper, ou se défendre. Ils s’abritaient dans des grottes ou sous des surplombs rocheux, et suivaient les troupeaux au fil des saisons.
Leur mode de vie, bien que rudimentaire, s’adaptait à des conditions extrêmes. Les périodes glaciaires rendaient la vie difficile. Le gibier variait selon les cycles climatiques : mammouths, rennes, chevaux sauvages ou aurochs. L’homme armoricain de cette époque vivait en harmonie, ou parfois en conflit, avec une nature exigeante.
Paléolithique moyen : l’époque des Néandertaliens
Vers -100 000 ans, les Néandertaliens prennent le relais. Leurs traces sont plus nombreuses. Ils développent une culture matérielle plus élaborée, notamment la technique de taille dite « Levallois », qui permet de façonner des outils plus fins, plus efficaces. Ces outils sont retrouvés dans différents sites du Finistère, du Morbihan et des Côtes-d’Armor.
Le site de Menez Dregan, à Plouhinec / Ploeneg, est particulièrement emblématique. Dans une grotte côtière, les archéologues ont mis au jour des restes d’un foyer daté d’environ 465 000 ans, l’un des plus anciens connus en Europe. Ce site prouve que l’homme préhistorique d’Armorique maîtrisait déjà le feu, élément fondamental de sa survie.
Les Néandertaliens vivaient en petits groupes familiaux. Ils s’organisaient pour chasser, partager les ressources, et s’entraider. On ignore encore beaucoup de choses sur leur vie spirituelle, mais certains indices laissent supposer qu’ils enterraient leurs morts, signe d’une pensée symbolique.
Paléolithique supérieur : les premiers Homo sapiens en Armorique
Vers -40 000 ans, une autre humanité arrive : Homo sapiens, notre espèce. Ces groupes vont progressivement remplacer les Néandertaliens. Les raisons exactes de cette disparition restent débattues, mais notre péninsule comme le reste de l’Europe, connaît alors une profonde mutation.
Les Sapiens apportent une nouvelle culture matérielle, plus diversifiée. Ils fabriquent des outils en silex très élaborés, utilisent l’os et la corne, et développent un art figuratif qui fait encore aujourd’hui la réputation de la préhistoire européenne. Si peu de peintures ou de sculptures ont été retrouvées en Armorique, certains indices suggèrent que ces pratiques existaient aussi sur ces terres.
Les sites d’habitat deviennent plus nombreux. Les grottes et abris sous roche sont encore utilisés, mais les campements de plein air se développent. L’arc et les flèches apparaissent. Les proies changent également : on chasse le renne, le bison, parfois même le phoque ou le saumon, selon les saisons et les régions.
Le Mésolithique : entre deux mondes
Vers -10 000, la dernière période glaciaire prend fin. Le climat se réchauffe. La mer monte, le littoral change. L’Armorique devient progressivement une péninsule isolée, séparée de l’île de Bretagne par la montée des eaux de ce qui allait devenir le Channel.
C’est le début du Mésolithique. Cette période de transition est souvent méconnue, mais elle est essentielle. Les groupes humains s’adaptent à un monde nouveau : forêts denses, faune plus discrète, ressources plus variées. La chasse devient plus spécialisée. On pêche, on cueille, on piège de petits animaux.
Les outils évoluent. On voit apparaître les microlithes : petites lamelles de silex fixées sur du bois ou de l’os, servant à constituer des armes ou des outils composites. Les campements deviennent plus durables, souvent installés près des rivières ou des zones humides.
Des sites comme Téviec / Tivieg ou Hoëdic / Edig, dans le Morbihan, nous offrent des aperçus saisissants de cette époque. Sur ces petites îles aujourd’hui isolées mais autrefois rattachées au continent, des sépultures mésolithiques ont été découvertes. Les corps y sont inhumés avec soin, parfois accompagnés d’offrandes. Un homme et une femme enterrés ensemble, leurs corps parsemés de coquillages, témoignent d’un monde déjà structuré et ritualisé.
Une continuité humaine remarquable
Du Paléolithique au Mésolithique, la péninsule armoricaine montre une remarquable continuité d’occupation. Bien qu’éparses, les traces archéologiques montrent que des générations entières ont vécu, aimé, souffert et innové sur cette terre. Leur mémoire est gravée dans les galets taillés, les foyers enfouis, les ossements ensevelis sous la tourbe.
Ces hommes et femmes préhistoriques ont vécu sans écrire, sans laisser de récits. Pourtant, leurs gestes, leurs outils, leurs sépultures parlent encore. Ils ont inventé des manières de vivre dans un environnement complexe. Ils ont tissé les premiers fils de ce qui deviendra, bien plus tard, la trame de l’identité bretonne.
Avant le monde construit
L’épisode pré-néolithique de l’Armorique est souvent oublié. Pourtant, il est essentiel. C’est la période où l’homme apprivoise la nature sans encore la dominer. Il s’adapte, il observe, il invente.
Lorsque le Néolithique s’installe, l’Armorique ne part pas de rien. Elle possède déjà une longue mémoire humaine, une connaissance fine de son environnement, et un ancrage fort dans son territoire.
Ces fondations préparent l’émergence d’un monde nouveau, que nous explorerons dans l’épisode intitulé Néolithique : âge du bronze et du fer en Armorique
Pour retrouver les précédents épisodes et savourer la logique du récit
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