Nous voici au douzième épisode de notre série L’Histoire de Bretagne écrite par des Bretons libres : les Vénètes, une puissance maritime.
Sommaire
La mer, matrice armoricaine
L’Armorique, future Bretagne, est une péninsule résolument tournée vers l’Atlantique.
Sa géographie, profondément entaillée par des baies et des estuaires, fait de la mer un élément vital du quotidien. Pour les cinq grands peuples armoricains, elle est à la fois route commerciale, source de richesses et rempart défensif. Mais aucun n’a poussé aussi loin la maîtrise des flots que les Vénètes, maîtres incontestés du sud de la péninsule. Leur histoire illustre à quel point la mer a façonné l’identité armoricaine.
Origine et territoire des Vénètes
L’existence des Vénètes est attestée bien avant l’arrivée de Jules César en Armorique au Ier siècle av. J.-C.
Leur territoire s’étend sur l’actuel Morbihan, avec un cœur stratégique : le Golfe du Morbihan. Ce bassin marin protégé par un chapelet d’îles offrait un port naturel exceptionnel. Ils contrôlaient également la presqu’île de Rhuys / Gourenez Rewiz, la baie de Quiberon / Kiberen et des points forts côtiers jusqu’aux abords de l’estuaire de la Vilaine. Ces positions leur permettaient de surveiller et de taxer la navigation dans une zone-clé de l’Atlantique.
Organisation politique et sociale
Les Vénètes étaient structurés en chefferies locales, regroupées autour d’un pouvoir fédéral. Cette organisation leur donnait une cohésion politique rare parmi les peuples armoricains. À la tête de chaque tribu, un chef issu d’une aristocratie guerrière assurait la défense et les alliances. Les décisions majeures, comme la guerre ou la paix, étaient discutées lors de conseils réunissant les chefs et les druides.
Le commerce et la mer jouaient un rôle central dans la hiérarchie sociale. Les familles dirigeantes contrôlaient les flottes et les échanges, renforçant leur prestige par la richesse et la diplomatie. Le savoir-faire maritime était transmis de génération en génération, donnant aux Vénètes une réputation redoutable sur toute la façade atlantique du monde connu.
Une économie tournée vers la mer
Les Vénètes vivaient de la mer autant que de la terre. Leurs navires reliaient l’Armorique aux autres pays celtiques, notamment les Cornouailles et l’Irlande, mais aussi les côtes de la péninsule Ibérique. Ils exportaient de l’étain, du sel, des poteries et, parfois, des esclaves. En retour, ils importaient du vin, des amphores, des bijoux et des produits méditerranéens.
Le Golfe du Morbihan, véritable “petite mer” intérieure, était au cœur de ce système. Protégé des tempêtes, il permettait l’hivernage des navires et concentrait les échanges. Les Vénètes utilisaient la mer comme d’autres utilisaient les routes : pour relier leurs alliés, commercer et affirmer leur puissance.
Les navires vénètes : technologie et puissance
Jules César lui-même, pourtant ennemi juré des Vénètes, a décrit leurs navires avec respect. Conçus pour l’Atlantique, ils étaient robustes, construits en chêne, avec un haut franc-bord pour affronter la houle. Leurs voiles, en cuir ou en peaux épaisses, résistaient aux vents violents. Leur coque, plus large et plus profonde que celles des galères romaines, offrait une stabilité supérieure en pleine mer.
Ces bâtiments étaient moins rapides par vent faible que les navires méditerranéens, mais bien plus adaptés aux marées puissantes, aux courants et aux tempêtes atlantiques. Ils pouvaient aussi se retirer dans des criques ou derrière des îles, échappant ainsi à la poursuite.
Les Vénètes face à César
En 56 av. J.-C., les Vénètes entrent en guerre contre Rome. Tout commence par la capture de messagers romains, mesure de représailles après l’arrestation d’émissaires vénètes par les Romains. Les Vénètes refusent de se soumettre et rallient plusieurs peuples armoricains à leur cause.
La stratégie vénète est simple : éviter l’affrontement terrestre, se replier dans leurs villes fortifiées en bord de mer et harceler l’ennemi depuis la mer. Leur flotte, forte de dizaines de navires, domine les approches atlantiques.
Mais César décide de briser cette puissance navale. Il fait construire, dans l’urgence, une flotte adaptée, commandée par le légat Decimus Brutus. La bataille décisive se déroule au large, probablement entre la baie de Quiberon / Kiberen et l’île de Groix / Enez Groe. Les Romains parviennent à immobiliser les navires vénètes en coupant leurs cordages de voile avec des faux fixées aux mâts. Privés de manœuvrabilité, les Vénètes subissent un désastre.
La répression est terrible : les chefs sont exécutés, la population réduite en esclavage. Cette défaite marque la fin de l’indépendance vénète et l’intégration forcée de leur région dans la Gaule romaine.
Héritage maritime des Vénètes
Malgré leur chute, les Vénètes ont laissé une empreinte durable. Leur nom survit dans celui de la ville de Vannes / Gwened, cœur historique de leur territoire. Leur maîtrise de la navigation a contribué à forger une culture maritime toujours vivante en Bretagne sud.
Le Golfe du Morbihan, jadis base militaire et commerciale, reste un lieu symbolique. Chaque année, des régates et rassemblements nautiques rappellent cette tradition millénaire. Les Vénètes incarnent la Bretagne qui regarde vers le large, fière et ouverte sur le monde.
Les Vénètes, maîtres du proche Atlantique
Ces Vénètes furent bien plus qu’un simple peuple guerrier. Ils étaient les architectes d’un réseau maritime qui unissait les peuples et ouvrait l’Armorique sur des horizons lointains. Leur défaite face à César illustre le choc entre deux mondes : celui des marins de l’Atlantique et celui des conquérants venus de la Méditerranée. Aujourd’hui encore, leur mémoire rappelle que la mer n’est pas seulement une frontière, mais le cœur battant de l’identité bretonne.
Image designed by FreePikIA

1 commentaire
La ligne de séparation entre pays vannetais et Cornouaille date des Vénètes et des Osismes. C’est dommage que cet héritage très ancien ait été bazardé lors de la création des départements.