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La France, une dictature linguistique ?
Pour la bonne cause, j’ai analysé la situation linguistique dans l’ensemble des 197 pays reconnus par l’ONU.
Je les ai ensuite divisés en trois catégories :
1 – Les démocraties linguistiques (pays ayant plusieurs langues officielles ou n’en ayant aucune, ce qui offre donc une liberté) 2 – Les monolingues par défaut (pays n’ayant qu’une langue officielle, car ne possédant sur leur territoire pas d’autre langue autochtone propre)
3 – Les dictatures linguistiques (pays n’ayant qu’une langue officielle malgré l’existence sur leur territoire d’autres langues indigènes).
Il en ressort que 111 sont officiellement plurilingues, soit une écrasante majorité.
Parmi ces pays : Afghanistan, Algeria, Argentina, Australia, Austria, Bangladesh, Belarus, Belgium, Belize, Bolivia, Bosnia and Herzegovina, Brazil, Burundi, Cameroon, Canada, Central African Republic, Chad, Chile, China, Colombia, Comoros, CookIslands, Croatia, Cyprus, Czech, Denmark, Djibouti, EastTimor, Ecuador, Equatorial Guinea, Eswatini, Ethiopia, Fiji, Finland, Georgia, Germany, Ghana, Haiti, Honduras, India, Indonesia, Iraq, Ireland, Israel, Italy, Jamaica, Japan, Kazakhstan, Kenya, Kiribati, Kyrgyzstan, Lesotho, Luxembourg, Madagascar, Malawi, Malaysia, Mali, Malta, Marshall, Mauritius, Mexico, Federated States of Micronesia, Moldova, Morocco, Myanmar, Namibia, Nauru, Netherlands, New Zealand, Niue, North Macedonia, Norway, Pakistan, Palau, Palestine, Papua New Guinea, Paraguay, Peru, Philippines, Poland, Portugal, Russia, Rwanda, Samoa, Seychelles, Singapore, Somalia, South Africa, Spain, Sri Lanka, Sudan, Switzerland, Syria, Tanzania, Tonga, Tuvalu, Uganda, Ukraine, United Kingdom, United States of America, Uruguay, Vanuatu, Vatican, Zimbabwe, Montenegro, Serbia, Slovakia, Slovenia, Sweden, Tajikistan, Uzbekistan,

22 états sont monolingues par défaut.
Dont : Albania, Andorra, Armenia, Bahrain, Bulgaria, Cuba, Dominica, Dominican Republic, Greece, Hungary, Iceland, Jordan, North Korea, South Korea, Kuwait, Lebanon, Liechtenstein, Lithuania, Maldives, Qatar, Turkmenistan, United Arab Emirates.
Enfin, 64 États se voient accorder le titre de dictature linguistique.
Angola, Antigua, Azerbaijan, Bahamas, Barbados, Benin, Bhutan, Botswana, Brunei, Burkina, Cambodia, Cape Verde, Congo, Congo RDC, Costa Rica, Egypt, Salvator, Eritrea, Estonia, FRANCE, Gabon, Gambia, Grenada, Guatemala, Guinea, Guinea Bissau, Guyana, Iran, Ivory Coast, Laos, Latvia, Liberia, Libya, Mauritania, Monaco, , Mongolie, Mozambique, Nepal, Nicaragua, Niger, Nigeria, Oman, Panama, Romania, Saint Kitts, Saint Lucia, Saint Vincent, San Marino, São Tomé, Saudi Arabia, Senegal, Sierra, Solomon Islands, South Sudan, Suriname, Thailand, Togo, Trinidad, Tunisia, Turkey, Venezuela, Vietnam, Yemen, Zambia.
La France, évidemment, se trouve dans cette dernière catégorie au qualicatif de dictature linguistique.
La situation mondiale est résumée sur la carte suivante, les pays de la première catégorie étant en vert, ceux de la deuxième en orange, et ceux de la troisième en rouge.

L’exception française apparaît bien solitaire en Occident.
J’ai ensuite superposé ces données au classement des États par indice de démocratie, publié chaque année.
167 États y figurent (les trente absents étant quasi exclusivement de petits pays tels que les Bahamas, le Liechtenstein ou le Vanuatu).
En 2022, le pays jugé le plus démocratique était la Norvège, avec un score de 9,81/10, tandis que la dernière place s’avérait occupée par l’Afghanistan, affichant un résultat de 0,32/10.
La moyenne s’élevait à 5,31/10.
La France « une et indivisible » au … 23e rang !
La France se hissait quant à elle au 23e rang, avec une note de 8,07/10
Or, il suffit d’analyser les couleurs du tableau pour constater que la majorité des dictatures linguistiques se trouvent en fin de classement, tandis que le début est dominé par les démocraties linguistiques.
Et cela se vérifie dans les chiffres.
Le plurilinguisme n’est certes pas l’apanage des grandes démocraties, certains régimes autoritaires ayant aussi adopté un système similaire, si bien que l’indice moyen des États officiellement polyglottes n’est que de 5,80/10, soit seulement un peu plus que la moyenne mondiale.
Par contre, les dictatures linguistiques ont bel et bien un score moyen bien inférieur, de 4,47/10.
Si ces deux moyennes étaient des pays réels, il y aurait ainsi entre eux un écart considérable de vingt quatre places dans le classement.
Il semble par conséquent que la non-reconnaissance des langues minoritaires soit une caractéristique des États à tendances totalitaires. De nombreuses études établissent un lien évident entre reconnaissance des langues minoritaires et solidité démocratique.

Alors, la France, une dictature linguistique ?
Le Conseil de l’Europe lui-même, dans le préambule de sa Charte Européenne des Langues Régionales ou Minoritaires, soutient que « le droit de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique constitue un droit imprescriptible […] conformément à l’esprit de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales » et que « la protection et la promotion des langues régionales ou minoritaires […] représentent une contribution importante à la construction d’une Europe fondée sur les principes de la démocratie ».
Cependant, la France n’ayant pas ratifié ce texte, ni signé la Convention cadre pour la protection des minorités nationales, malgré les recommandations internationales et les revendications régionales, ces deux documents étant pourtant les plus importants en Europe pour la protection des minorités linguistiques, l’État français semble bien résigné à conserver sa place au rang des pays les plus liberticides en la matière.

3 commentaires
Rien n’empêche les Bretons de prendre en main leur avenir linguistique, et les freins étatiques ne tiendraient pas devant une masse résolue. Mais l’immense majorité s’en fiche.
Si vous avez les milliards nécessaires, merci de les mettre sur la table.
Merci beaucoup pour ce beau travail d’analyse ! Il serait également intéressant de voir (ou de constater) qu’une diversité linguistique assumée participe également à la réussite d’un pays : sur les plans économiques, culturels, mais aussi des inégalites sociaux économiques, car réduisant les phénomènes d’ostracisation des minorités.
La même étude pourrait être reconduite pour des facteurs comme l’HDI, le coefficient Gini voir même le PNB ou le PIB.
Bien à vous,
K. M. d’A.