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Quelle place pour notre Justice ?
Le tollé généré par la condamnation pénale de Nicolas Sarkozy en première instance à la peine de cinq ans d’emprisonnement nous questionne sur la place de la justice dans notre société.
La première idée qui me vient à l’esprit …
La place de la justice en France.
La première idée qui me vient à l’esprit, c’est que la justice juge aussi les puissants, ce qui n’est pas forcément évident en France, pays où la légitimité politique est descendante et où la culture démocratique d’équilibre entre les pouvoirs, qui règne dans les pays anglo-saxons, a tardé à s’imposer.
La France reste marquée par la séparation rigide des pouvoirs héritée de la Révolution qui fait interdiction au juge judiciaire d’exercer sa mission à l’égard des membres du pouvoir exécutif. Bien sûr les choses ont évolué, mais il reste toujours quelque chose de l’illégitimité foncière du juge judiciaire à juger les puissants. Il n’existe pas de pouvoir judiciaire en France, juste une autorité judiciaire.
D’où ce flot de critiques
D’où ce flot de critiques à l’endroit d’une décision de justice motivée condamnant un ancien président de la République et qui dégénère en vindicte publique lourde de menaces contre les magistrats.
Ailleurs, dans les pays scandinaves ou anglo-saxons de tels débordements n’auraient jamais eu lieu.

On reproche à nos juges
On reproche à nos juges d’avoir exercé leur mission de juger à l’égard d’un ancien président de la République comme ils le font à l’égard de l’ensemble de nos citoyens. Ce ne sont pas les juges qui ont demandé à être saisis de ce dossier. Les enquêteurs de la police nationale ont mené une enquête difficile, laquelle a servi de base au parquet pour exercer les poursuites.
Le journalisme d’investigation mené par Mediapart a déclenché le départ d’enquête.
Ce journalisme participe aussi de la démocratie.
Doit on faire reproche aux juges d’avoir fait preuve d’indépendance ?
C’est leur raison d’être en démocratie.
La vraie séparation des pouvoirs
La vraie séparation des pouvoirs autorise les juges à exercer leur métier consistant à juger de toutes les infractions pénales, qu’elles soient commises par les puissants ou par le vulgum pecus et selon les mêmes règles de droit et de procédure. Cette égalité de tous devant la loi est la base du contrat social.
La peine serait trop lourde ?
Mais quelle peine prononcer lorsque l’association de malfaiteurs vient du sommet de l’Etat, subordonnant les intérêts diplomatiques du pays et l’exercice de la justice à l’égard de terroristes présumés, à des intérêts particuliers ?
Des peines de cinq ans d’emprisonnement sont prononcées chaque jour dans notre pays pour des faits objectivement moins graves que cela. Et si nos grands élus retrouvaient le sens de l’exemplarité ?
Notre démocratie va mal
Notre démocratie va mal. Elle crève de toutes les inégalités, passe-droits et autres réseaux de pouvoir.
Le peuple ne s’y trompe pas. Et comment réagirait-il en cas de grâce présidentielle ? Il serait furieux à l’idée de voir les puissants arranger entre eux leurs petites affaires en échange de bons services.
L’exécution provisoire poserait souci ? Mais c’est la pratique habituellement suivie par les tribunaux lorsque les faits présentent une certaine gravité. Et Gérard Larcher le découvre aujourd’hui ?
La justice est le dernier rempart
On sait notre société fracturée, minée par la polarisation des extrêmes. Qu’est ce qui peut mieux transcender les oppositions et restaurer l’unité, sinon l’exercice même de la justice par un juge indépendant lorsque le contrat social se trouve brisé par un délit ?
La justice est le dernier rempart de la société, le lieu où règne l’échange et le contradictoire, le lieu où l’on essaie de comprendre pour mieux juger. Nicolas Sarkozy et ses nombreux avocats ont eu tout le loisir de s’exprimer. Ils le feront encore en appel.
Alors comment peut-on crier à l’injustice ?
Illustration générée par Grok5