La Bretagne et l'équilibre des pouvoirs

La Bretagne et l’équilibre des pouvoirs : une nouvelle vision pour la gouvernance

de Yves MERVIN
Publié le Dernière mise à jour le

La Bretagne et l’équilibre des pouvoirs : une nouvelle vision pour la gouvernance

Le Cercle Pierre Landais, cercle de réflexion sur les institutions et politiques publiques en Bretagne relancé en 2024, inscrit ses réflexions dans deux cadres institutionnels :

Une Bretagne autonome au sein de la République française, État membre de l’Union européenne.

Dans cette vision, la Bretagne sera une région autonome d’une République française fédérale, similaire aux Länder de la République fédérale allemande, intégrée à une Union Européenne fédérale inspirée des États-Unis.

Un État breton dissocié

Mais partenaire de l’Union Européenne par un traité inspiré du Traité de Commerce et de Coopération entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne (traité faisant suite au Brexit) ou en tant que membre de l’Association européenne de libre-échange (AELE), comme pour la Suisse ou l’Islande.

Dans les deux cas, la Suisse constitue le principal modèle de référence pour une démocratie semi-directe, à la fois parlementaire et directe, adaptée à une région autonome ou à un État souverain.

L’option préférée demeure la première, celle d’une intégration européenne.

En effet, et malgré ses difficultés actuelles, l’Union Européenne reste porteuse des idéaux initiaux de coopération et de paix qui ont fondé sa création.
Cependant, les évolutions récentes de l’Union suscitent des interrogations et des préoccupations : l’aboutissement du projet européen n’est pas certain, et un risque de fragmentation existe.

Tout en souhaitant que les perspectives de l’Union Européenne restent positives, la seconde option conserve un intérêt notable : elle permet à la Bretagne d’exprimer ses aspirations propres, de démontrer l’importance d’une région européenne émancipée, et d’inspirer d’autres régions et États membres à faire de même.

Pour en savoir plus …

La Bretagne et l’équilibre des pouvoirs – Senedd Cymru, la Parlement du Pays de Galles – @SeneddCymru

Nous allons à présent développer un aspect particulier de cette seconde option : la séparation et l’équilibre des pouvoirs dans le cadre d’une démocratie moderne et participative.

Séparation et équilibre des pouvoirs

L’un des piliers fondamentaux du projet d’un futur État breton repose sur une séparation nette des pouvoirs et sur une conception renouvelée de leur équilibre. Inspirée des modèles démocratiques les plus aboutis, notamment de la Suisse, cette vision intègre une approche dite de « help and support » (aide et soutien), en lieu et place du modèle traditionnel des « checks and balances » (contrôles et contrepoids) appliqué aux États-Unis.

La séparation des pouvoirs : un principe de fondation

Historiquement, la séparation des pouvoirs a été conçue pour limiter l’arbitraire, prévenir les abus de pouvoir et favoriser la liberté des citoyens. Cette conception, théorisée par Montesquieu au XVIIIe siècle, suppose trois grandes institutions au cœur de la démocratie : un parlement pour légiférer, un gouvernement pour gouverner, et une justice pour faire respecter le droit. Cette séparation vise non seulement à garantir une répartition équilibrée des responsabilités, mais aussi à renforcer l’indépendance de chaque pouvoir.

Dans le projet breton, cette séparation demeure essentielle, mais elle est adaptée pour répondre aux spécificités d’une démocratie directe. Le futur État breton se distingue par une implication accrue des citoyens dans les décisions politiques et, ainsi, par une redéfinition des interactions entre les pouvoirs.

Le modèle « help and support » : une collaboration pour le bien commun

Contrairement aux démocraties parlementaires et présidentielles, où chaque pouvoir contrôle et limite les autres pour éviter des excès, la Bretagne propose un système dans lequel les pouvoirs interagissent selon une logique de « help and support ». Loin d’être en opposition, les pouvoirs publics sont conçus pour se soutenir mutuellement, tout en restant dans leur rôle distinct. Ils œuvrent ensemble dans l’intérêt des citoyens, les décisions de chaque institution étant enrichies et influencées par les observations et les retours des autres.

Ce modèle renforce ainsi la transparence et la coopération institutionnelle.
Par exemple :

  • Le parlement émet des lois et des orientations pour le gouvernement et la justice. En retour, ces deux institutions peuvent émettre des observations sur ces orientations pour renforcer leur réalisme et leur applicabilité.
  • Le gouvernement propose des plans d’action et des bilans au parlement et à la justice, qui en retour les commentent pour s’assurer que les actions menées répondent bien aux objectifs fixés.
  • La justice effectue des évaluations régulières de l’application des lois et des actions gouvernementales, fournissant des retours précis pour ajuster les politiques publiques.

Le rôle central des citoyens : une validation populaire continue

Dans ce modèle, les citoyens bretons participent directement au contrôle des pouvoirs. Informés des échanges entre le parlement, le gouvernement, et la justice, ils peuvent exprimer leur avis sur les décisions, commentaires et observations en cours, influençant ainsi le cours des politiques publiques. Cette dimension participative, rendue possible par les outils numériques, fait de la démocratie bretonne une « démocratie directe augmentée », dans laquelle la confiance citoyenne est non seulement encouragée mais aussi institutionnalisée.

La démarche vise à établir une nouvelle forme de gouvernance fondée sur le respect mutuel et l’écoute entre les pouvoirs publics, tout en garantissant que les citoyens en soient les arbitres finaux. Le « help and support » représente ainsi une transformation profonde du concept de séparation des pouvoirs, qui, sans supprimer les contrôles, crée une dynamique de dialogue permanent, propice à une adaptation souple et continue des politiques aux besoins réels de la société bretonne.

Une vision de long terme pour la Bretagne

Ce modèle breton de gouvernance marque une rupture avec les systèmes actuels, souvent accusés de fonctionner dans une logique de parti pris, où les pouvoirs entrent en compétition plutôt qu’en coopération. En offrant un cadre où la majorité et les minorités peuvent cohabiter de manière constructive, la Bretagne pourrait devenir une référence pour une gouvernance moderne et équilibrée, fondée sur une démocratie participative et une responsabilisation partagée. La mise en œuvre de cette vision repose sur un renouveau institutionnel alliant la solidité de la tradition démocratique européenne et l’innovation technologique, rendant le projet breton résolument ancré dans le XXIe siècle.

En fin de compte, le modèle de séparation et d’équilibre des pouvoirs proposé pour la Bretagne ne vise pas seulement l’efficacité, mais bien une société de la confiance, où le peuple est au centre, et où chaque institution œuvre à son service, pour une démocratie à la fois stable, dynamique et résiliente.

La Bretagne et l’équilibre des pouvoirs : retrouver ici l’intégralité du document La Bretagne sera une Démocratie directe.

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5 commentaires

cosquer 7 novembre 2024 - 22h28

« Dans ce modèle, les citoyens bretons participent directement au contrôle des pouvoirs. Informés des échanges entre le parlement, le gouvernement, et la justice, ils peuvent exprimer leur avis sur les décisions, commentaires et observations en cours, influençant ainsi le cours des politiques publiques.  »
Je prend une phrase parmi d’autre.., et malgré l’intérêt sincère que je porte à l’émancipation bretonne, dans le sens d’une véritable indépendance, j’ai l’impression que vous rêvez debout… Non pas en ce que l’ Etat Breton soit une chimère mais malheureusement en ce que vous oubliez quelle est la nature de la nature de l’homme…
Simone Weil à écrit la-dessus dans sa note sur » la suppression des partis politique » en 1942.
Elle y pointe deux problèmes majeurs qui se réduisent finalement à la petitesse de la nature humaine:
-D’abord elle fait remarqué que les députés de la toute nouvelle République de France ont très vite oublié leur mission pour sombrer dans une sorte de corruption institutionnelle qui les a détourné du Peuple dont ils avaient la représentation en charge…On connait malheureusement la suite, pour les Français aujourd’hui et plus gravement pour les Bretons depuis toujours.
-Puis à une époque bien plus moderne, elle accuse les partis politique de réduire à néant le débat démocratique en ce que l’idéologie interne du parti empêche tout évolution de penser en son sein… les débats d’opposition en sont systématiquement bannis.
Aujourd’hui on trouve une Europe constituée de ces deux travers comme l’est déjà et depuis longtemps la République Française (depuis son tout début en fait).
L’idée Européenne est intéressante mais…L’Europe s’est auto-détruite quand elle a renié sa mission ; par exemple avec l’affaire du  » Minority Safe Pack »… Des non-élus, des « gens » de la commission Européenne, n’est-ce pas ? qui se sont autorisés (aotrouniaisés, je dirais) à réduire en cendre une initiative Européenne qui avait été menée à son terme avec brio. Cela répond à l’aspect politique du choix Européen qui s’est tout simplement suicidé au profit de l’argent… La mission Européenne qui est mise en avant dans votre texte n’est plus! C’est une farce. L’Europe à choisit la culture de l’argent contre la culture des peuples originels, je ne parle pas ici des états-nations qui ne représentent pas un peuple au sens véritable du terme.
La France à échoué, ni plus ni moins. La colonisation est une grave erreur et sont corollaire qui à amené à la destruction culturelle d’autres peuples en est le stigmate indélébile.
Prendre Montesquieu pour référence ne me parait pas cohérent. Peut-on vouloir à la fois, se séparer de son maître tout en intégrant sa vision du monde.
La Bretagne doit se penser par elle-même… Sa culture est le miroir dans lequel on doit se regarder pour envisager l’organisation d’un Etat Breton : elle est un garde fou parce qu’elle est un marqueur qui ne peut ,en aucune manière avoir une couleur politique. Il suffit de constater son impacte positif en comparaison d’une mondialisation jugée de plus en plus négative. Revenir sur ce qui a « été » et en tirer une organisation nouvelle pour la Bretagne me semble être une aventure moderne qui serait de fait singulière, solide et garante de l’identité Bretonne… Sans cela, quel intérêt à vouloir s’émanciper? Il faudrait que le Cercle Pierre Landais pense plus breton pour définir l’avenir de la Bretagne et arrête de complexer.
Son projet expose son concept d’ Etat à la corruption qui gangrène nos sociétés.

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nhu Bretagne nhu Brittany
NHU Bretagne 8 novembre 2024 - 9h52

Bonjour et merci de ce long et très intéressant et pertinent commentaire. Une phrase résume tout : « La Bretagne doit se penser par elle-même… ». Un article au sujet de l’État-nation est à venir ces jours-ci, de Herve Keringuer, le tout dernier Rédacteur bénévole à nous rejoindre.
Concernant celui-ci, on imagine que l’Auteur saura vous répondre.
Pierre Jean, s’il ne faut pas organiser un autre parti, un de plus, que faudrait-il faire ?
Trugarez ha devezh mat

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Yves Mervin 12 novembre 2024 - 12h56

Vous pourrez difficilement ne pas avoir raison si cet État breton voit le jour un de ces jours. Toute organisation humaine tient à la probité de ceux qui l’animent et je ne vois pas de raison pour lesquelles les Bretons seraient meilleurs ou pire que d’autres. Vous prenez avec l’auteure de l’Enracinement et les Français libres à Londres un cas très spécifique : y-a-t-il un parallèle à établir avec des « Bretons libres » en exil en attente d’une prise de pouvoir dont l’opportunité serait de plus en plus proche ? La démarche du cahier L’État consiste à conceptualiser un État moderne, démocratique, efficace, prospère… S’il doit existe un jour, cet État aura préalablement été conceptualisé. C’est une proposition parmi d’autres. Sa crédibilité tient à ce qu’il prend pour exemple la Suisse et que la Suisse existe, ce qui est incontestable. La Bretagne peut-elle devenir une Suisse ? Certainement. Mais même la Suisse n’est pas exempte de critiques, voir le célèbre livre de Jean Ziegler, une Suisse au-dessus de tout soupçon (https://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1976_num_39_1_1645). Ajoutons enfin que l’autre option étudiée en parallèle de l’État breton est une région autonome dans une Europe fédérale, car il y a des avantages à faire partie de l’Union européenne. Un cahier reste à finaliser sur ce sujet.

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Cosquer 10 novembre 2024 - 23h29

« La Bretagne doit se penser par elle-même… ». Tout à fait! Et par opposition, l’ Etat-Nation empêche justement cette émancipation. L’ Etat-Nation est un concept qui sert l’Occidentalisme, vision du monde devenue officielle depuis la République Française ; En fait il s’agit d’hégémonie qui s’appuie sur des concepts qui paraissent acceptables : Progressisme, humanisme, liberté individuelle… qui s’opposent aux cultures vraies, aux droits des peuples et à la condition humaine; cette dernière étant étroitement liée à la mort et donc par extension, à la vie, ce qui signifie à la nature qui nous entoure. L’ « homme occidental » n’est qu’un concept idéologique qui tente de faire oublier l' »homme-nature » dont la réalité physiologique nous rappel justement nos limites mais aussi détermine l’existence humaine partout sur la planète. Point besoin de leçon idéologique pour vivre sur terre en fait, le point commun est évident. L’Universalisme se situe dans la condition humaine et non pas dans l’idéologie occidentaliste.

Si l’on regarde notre rapport à la nature, on s’aperçoit que l’on en a fait quelque chose d’artificiel qui passe par les partis écologiques ( encore un concept pour le bien des peuples soit-disant) et par le « développement durable »… Cela montre notre recul vis-à-vis de notre identité. Notre identité bretonne était construite sur le rapport à la terre et à la mer; terreau de notre culture. Aujourd’hui on tente de la construire sur les standards de l’occidentalisme : soit une « supériorité certaine » sur les autres du fait d’une avancée technologique et d’un niveau de vie qui s’accroit. Personnellement, je n’y vois qu’un vide sidéral. L’observation de la jeunesse et même de moins jeunes, le nez collé aux écrans de leur smartphone, fait pitié à voir… Leur temps de « conditon humaine » est pourtant compté et cependant, si il y a bien un gaspillage de vie, c’est bien le temps passé à surfer sur les écrans numériques… On nous traîne de concept en concept: de la « supériorité raciales (définie par le racisme scientifique), à la colonisation, au développement, au développement durable, à la transition écologique etc, de révolution industrielle en révolution numérique et aujourd’hui d’une nouvelle intelligence dite artificielle… pour nous conserver dans le carcan de l’occidentalisme.
En même temps, la France est ruinée… De quoi? de son mode de vie, de la corruption, du délire des élites, de la naïveté des électeurs… Il y a bien un problème quand on sait que l’Occidentalisme se construit sur le travail des autres, celui des colonisés… Et que devient ce problème quand ces mêmes colonisés disent aujourd’hui, c’est NON! Qu’en est-il de cet occidentalisme qui finalement ne peut plus payer. Il y a bien ici quelque chose qui ne marche plus ou plutôt qui ne pouvait marcher que par l’hégémonie et la soumission.
La Bretagne doit se dégager de cette idéologie mortifère et qui est aujourd’hui rejetée. Idéologie qu’elle subit d’ailleurs depuis longtemps.
Les premiers responsables sont les partis politiques qui marchent dans ces concepts encore et toujours.
Ce ne sont pas des partis politiques qu’il faut mais bel et bien un peuple qui s’exprime dans le respect de son identité. Cette identité nous protège, il faut y revenir. L’état breton ne peut pas être l’objet d’un parti politique parce que l’époque n’est plus à l’occidentalisme et parce qu’un peuple n’a pas une couleur politique déterminé.
Je crois qu’un nombre important de jeunes Bretons sensibilisés aux enjeux bretons perçoivent cela, il faut simplement les aider à sortir de l’Occidentalisme, et donc à se rapprocher de la condition humaine et de la nature… c’est un courant de penser qu’il faut créer.

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cosquer 10 décembre 2024 - 10h56

Bonjour à vous,
pour avoir parcouru votre projet , je voudrais souligner deux choses. La première, le droit à la langue bretonne ne peut pas être qu’un droit parmi d’autres ; De ce point de vue vous êtes en retard sur l’administration bretonne d’aujourd’hui ( tout au moins en parole, ) puisqu’il est question de faire une société bilingue ( peut-être tri-lingue même)… Des enfants apprennent le Breton aujourd’hui ! La culture reste vivante et s’appuie en bonne part sur la langue. D’autre part, c’est un marqueur d’identité qui n’a pas de prix même en tant que langue d’association, elle a une réalité. Mais aussi, sur un plan plus large, elle est une porte d’entrée sur le plan international puisque le triptyque gallois, cornouaillais et breton forment les branches de la même racine celtique du predeneg… La langue bretonne est un passe-port pour lier naturellement le destin de la Bretagne aux autres nations celtes et donc à une région du monde dite celtique. Cette possibilité dans le réussite de votre projet est incontournable il me semble.
D’autre part, sur un autre sujet qui concerne d’avantage la notion de démocratie. J’aimerais assez que la proposition suivante devienne une réalité. La question est : comment se fait-il que nous ne décidions pas de la manière dont nos impôts doivent servir?
Il est tout de même évident que chacun des imposés devrait pouvoir positionner une partie non négligeable de ses impôts, sur des thèmes habituellement acceptés, en fonction de ses choix propres… Il y a énormément de choses à faire dans ce domaine. Les avantages : responsabiliser la population, orienter en temps réelles les besoins sociétaux, agir sans dépendre ( comme c’est malheureusement le cas aujourd’hui )du bon vouloir des élus, diminuer le pouvoir des élus. Lutté contre le clientélisme et et probablement contre la corruption…Un rapport de 50% serait très intéressant à mettre en place et augurerait certainement d’un changement radical de société. Votre cercle peut-il répondre à ces deux remarques ?

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