Voilà une situation des plus cocasses ! Face aux émeutes et à la contestation sociale en Guadeloupe et Martinique, le gouvernent français a une idée : l’autonomie.
C’est par la voix de son ministre des « outre-mer », traduisez colonies, Sébastien Lecornu, que cette proposition a pris forme.
Voilà une parole officielle française dans la veine des « vive le Québec libre » de de Gaulle qui ne peut que conforter nos idées autonomistes bretonnes.
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Quelle déconvenue pour les défenseurs bretons d’un régionalisme modéré…
Ou d’un autonomisme souriant qui ne fait pas de vague, qui est sage et mesuré, dans ses idées comme dans ses pratiques. Désolé pour vous, les ultras de la modération, qui agissez par idéologie docile plus que par stratégie. Désolé pour vous, qui méprisez les nationalistes dont je suis, car il semble que le gouvernement français se fout allègrement de votre gentillesse.
Il y a déjà eu la loi Molac pour comprendre que la France n’attend de nous que la disparition pure et simple et qu’elle ne fera jamais rien pour nos droits culturels. Un épisode qui est d’ailleurs la simple continuité de la politique française menée depuis les origines de la République.
En 1909, le ministre de l’instruction Gaston Doumergue refuse l’idée de l’enseignement du breton car il pourrait encourager le « séparatisme ». La proposition lui avait été portée par une délégation de notables et d’hommes politiques républicains, modérés, dociles.
On a vu le résultat.
Cent ans plus tard, Jean-Michel Blanquer déclare toujours que l’enseignement immersif est une forme de séparatisme.
Rien n’a changé du côté français.
Du côté breton en revanche, le nombre de locuteurs bretonnants a dramatiquement chuté et cela continue.
La sortie du ministre Lecornu sur l’autonomie semble vouloir nous envoyer le même message que pour la loi Molac, mais à propos de nos droits politiques.
Il y a bien des conclusions intéressantes à en tirer :
D’abord…
Le gouvernement reconnaît qu’il y a entre la France et ses « territoires », traduisez colonies, un rapport de domination basé sur un supérieur et un inférieur. Rapport que seule l’autonomie pourrait commencer à effacer pour construire des liens de respect et de fraternité entre peuples.
Puis…
Ce gouvernement français admet que sans poussée de violence, il ne fera jamais rien pour l’autonomie. Aujourd’hui, en Guadeloupe et en Martinique, comme hier il n’avait rechigné à avancer vers l’autonomie en Corse et en Kanaky/Nouvelle Calédonie que sous la pression des actions violentes portées par les mouvements nationalistes locaux.
Enfin..
Le gouvernement central indique à tous les modérés de l’autonomie bretonne, corse, basque et autres, qu’ils ne servent à rien, si ce n’est à permettre à l’édifice France ultra-centralisé d’avoir de beaux jours devant lui.
Malgré tout, ne nous méprenons pas.
Ce texte n’est en rien un appel à la violence, traduisez… comme vous voulez.
En effet, si la seule violence était suffisante pour gagner, l’Histoire nous aurait montré bien des pays devenir autonomes ou indépendants. Tout est bien plus complexe que cela.
Le cas du Pays Basque est à ce titre intéressant.
La violence a été pratiquée au sud comme au nord, c’est-à-dire dans le Pays Basque sous domination espagnole tout comme dans le Pays Basque sous domination française. En terme d’intensité, c’est au sud que la violence a été la plus forte. Aujourd’hui, le sud bénéficie de l’autonomie, pas le nord.
Néanmoins, la violence qui s’est exprimée avait comme objectif premier d’obtenir l’indépendance, ce qui n’a pas été gagné. De plus, au jeu de la violence, l’État, qu’il soit espagnol au français, n’est pas le dernier, loin s’en faut. Pour répondre à la violence militante basque, l’Espagne a utilisé la prison, la torture, les rafles, les assassinats, hors de toute juridiction locale ou internationale, hors de toute morale et en se plaçant dans des méthodes dignes des pires dictatures de l’histoire moderne. Tout cela avec la complicité de l’État français et sous le regard des autres États européens qui n’ont pas bougé.
La proposition de Sébastien Lecornu est donc des plus éclairantes.
Cependant, elle ne donne pas non plus une méthode pour gagner l’autonomie. En tout cas, elle nous fait comprendre, pour celles et ceux qui ne comprenaient toujours pas, que la modération excessive qui caractérise les leaders de l’Emsav est une faillite stratégique et idéologique, qu’elle l’a toujours été et qu’elle le restera toujours.
A bon entendeurs.
« Désormais entre les Rouges et les Blancs qui ne se réconcilieront jamais, il y a place pour la Nation Bretonne qui veut vivre et progresser. Le Régionalisme parisiané est en train de mourir d’une indigestion de Carnaval. Le Nationalisme est né. »
Yves Berthou/ Kaledvoulc’h, Les Vessies pour des Lanternes, 1913.