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Plutôt l’identité que l’indépendance
En Bretagne, plutôt l’identité que l’indépendance.
Dans les cercles militants bretons, il est fréquent d’entendre cette aspiration, parfois même cette obsession : l’indépendance. Et je l’admets, je suis également de ceux-là. L’accession au rang d’État souverain est vue par beaucoup d’entre nous comme la panacée, l’aboutissement ultime d’un combat plusieurs fois séculaire.
Et pourtant, à force de courir après ce but, n’en oublie-t-on pas le sens même de notre démarche ? Car que vaudrait une indépendance bretonne vidée de toute substance bretonne ?
Soyons clairs : l’indépendance n’est pas une fin en soi.
Elle ne l’a jamais été. C’est un outil, un levier, un moyen – parfois nécessaire – pour préserver ce qui, au fond, nous anime réellement, ou devrait nous animer : notre identité.
Une indépendance qui nous réduirait à n’être qu’un État de plus dans le concert aseptisé des nations occidentales modernes niant leur propre passé, leurs langues, leurs mythes, leur spiritualité, leurs spécificités, n’aurait aucun intérêt. Pourquoi vouloir un drapeau à l’ONU si c’est pour rejoindre la longue file des nations amnésiques ?
Une Bretagne indépendante, mais sans Bretons conscients de l’être, serait-elle encore la Bretagne ? Pour grossir le trait, quel intérêt d’être citoyens d’un État breton si nous parlons français, pensons américain, mangeons turc, dansons coréen et consommons chinois ?
Bien sûr, vivre 100 % « à la bretonne » dans un monde globalisé est impossible, ou tout du moins difficile, mais j’appelle tout de même l’ensemble des autonomistes et indépendantistes à s’interroger : en quoi, au-delà des slogans enflammés, sont-ils réellement Bretons dans leur manière de vivre et de penser ?
Le paradoxe est cruel : aujourd’hui, parler d’identité, de tradition, de peuple, est devenu suspect.
Au mieux, ringard. Au pire, suspecté de sympathies extrémistes. Le seul fait d’affirmer une différence culturelle, ou de revendiquer une transmission intergénérationnelle de valeurs et de modes de vie, suffit parfois à se faire étiqueter de « réac », voire de « facho ». Ce glissement est profondément pervers, car il confisque aux peuples le droit fondamental de continuer à exister autrement que comme des variables économiques ou des masses de consommateurs.

Et pourtant, que serait l’indépendance sans identité ?
Un vernis institutionnel, une posture creuse, une coquille vide. L’on voit déjà ce que deviennent certaines régions du monde ayant acquis leur autonomie politique mais ayant perdu leur âme dans le processus. Langue reléguée aux archives, folklore en vitrine pour touristes, spiritualité remplacée par le vide consumériste : voilà le destin de nombreux peuples qui ont troqué leur identité contre une modernité qui les nie.
Refuser cela ne signifie pas se refermer sur soi, ni rejeter l’ouverture aux autres. Cependant, toute ouverture sans ancrage mène à la dilution. Une langue que l’on ne parle plus, une culture que l’on ne vit plus au quotidien, un territoire que l’on ne ressent plus comme sien : ce sont là les vrais dangers, bien plus que la tutelle administrative d’un État central.

C’est pourquoi la priorité n’est pas l’indépendance, ni même l’autonomie.
Elle est la reconquête de notre identité. Car sans elle, même l’indépendance la plus éclatante ne serait qu’un simulacre. Il nous faut d’abord retisser le lien avec notre langue, notre mémoire, nos symboles. Réenchanter notre imaginaire collectif. Oser nous réapproprier et transmettre, sans complexe, nos chants, nos récits, nos gestes anciens. Non pas comme des reliques figées, mais comme une énergie vivante, en évolution, mais enracinée.
Car un peuple qui se connaît, qui s’aime, qui se pense, est infiniment plus dangereux pour les puissances uniformisantes qu’un État avec un siège à Strasbourg ou à Bruxelles. Et si, un jour, une autonomie ou une indépendance devait advenir, elle ne pourrait être qu’une conséquence naturelle, logique, presque secondaire, de ce renouveau identitaire. Jamais l’inverse.
Alors non, devenir un clone de plus, un petit État gris parmi les autres, n’est pas ce que nous devons chercher.
Calquer les institutions de Paris, Londres ou Berlin en les affublant d’un nom breton n’est pas ce à quoi nous devons aspirer. Que la Bretagne soit la Bretagne, ou ne soit rien, voilà ce que doit être notre pensée.
L’heure n’est donc pas aux calculs électoraux, ni aux rêves de drapeaux dans les palais. Elle est à la réappropriation. Elle est au réveil. Pas au réveil nationaliste aveugle, mais au réveil identitaire lucide. Car si nous ne renaissons pas de l’intérieur, l’indépendance, même signée en lettres d’or, ne sera qu’un leurre.
À toi qui lis ces lignes, fais donc tiennes la langue, l’histoire, les coutumes et les croyances de ton peuple.
La Bretagne a besoin des efforts de chacun d’entre nous. Notre salut ne viendra pas d’un traité de divorce avec Paris, mais de notre propre sursaut, de notre capacité à, individuellement et collectivement, nous réapproprier et perpétuer notre essence bretonne.
Alors Bretons, plutôt que l’indépendance, visons l’essentiel : la vie, la défense et la transmission de ce qui fait de nous un peuple. Et si demain l’indépendance vient, elle n’en sera que plus forte. Sinon, elle ne servira à rien.
En Bretagne, plutôt l’identité que l’indépendance : illustration header par Éveil Breton / Dihun Breizh
5 commentaires
Si l’identité peut se passer des cadres administratifs, en marche pour le grand ouest !
Pas de femmes dans votre illustration.
Un peuple se reconnait à des limites géographiques , historiques et humaines (où des personnes y vivent) sur un territoire reconnu comme tel la Bretagne historique , il en a été toujours ainsi .
Ce qui pourrait changer en France ce sont les accords de Bougival du 12 juillet dernier à savoir la reconnaissance d’un état calédonien dans le Pacifique d’une nationalité Kanak acceptée par l’état français .
Pourquoi pas une nationalité bretonne reconnue également , voir un état ?
N’eo ket re fall ar pennad-se. Koulskoude , pa ‘z anv ennañ eus cheñj hon doare bevañ, perak e tiskouezhit un den gant e gasketenn hag e hezoug??
Ar skrivagner eus ar pennad-mañ a responto dit