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L’État français contre les langues des peuples.
Après de multiples camouflets et de nombreux échecs au cours des décennies passées, après l’humiliation et le déni de justice que constitua la loi NOTRe, et le refus de l’État français de réunifier la Bretagne, les Bretons se sont réjouis le 8 avril dernier.
Enfin, les peuples autochtones emprisonnés dans les frontières de l’Hexagone marquaient un point ! Enfin, ils disposaient d’un semblant de reconnaissance ! La loi Molac, sur les langues dites «régionales» (1), après un véritable parcours du combattant, réduite à sa portion congrue en première lecture à l’Assemblée Nationale, avait retrouvé des articles forts : obligation pour les communes n’ayant pas d’offre en breton de payer le forfait scolaire des enfants contraints d’être scolarisés à plusieurs kilomètres de leur domicile, et possibilité pour l’enseignement, non pas «public » , mais d’État- Diwan étant une école publique associative et ouverte à tous- de s’ouvrir à l’enseignement immersif.
Les Bretons se sont réjouis de ce succès dû à l’opiniâtreté du Morbihannais Paul Molac, et de ses amis du groupe Libertés et Territoires.
Par 247 voix à l’Assemblée Nationale pour, 76 seulement contre, c’était inespéré. Et cette victoire des «girondins» contre les «jacobins» apparut dès lors aux Bretons, mais aussi aux Corses, aux Basques, aux Catalans, aux Alsaciens, comme une reconnaissance, enfin, de leurs identités plurielles et de la diversité culturelle d’une France jusque-là engoncée dans un centralisme d’un autre âge érigé à la hauteur d’un dogme religieux.
Les Bretons et les autres se sont-ils réjouis trop tôt ?
Peut-être. Sans doute. Car c’était sans compter sur les trois armes qui restaient aux intégristes et autres radicalisés «républicains», aux Talibans de l’uniformité, aux sectateurs de l’abbé Grégoire et de Barrère de Vieuzac et aux gardiens jaloux des Tables de la Loi jacobine : la promulgation ou non par le président de la république de ladite loi, la signature ou non de son décret d’application, sans laquelle la nouvelle loi sera ineffective et enfin, la saisine du Conseil Constitutionnel, l’aréopage chargé de vérifier si une loi est conforme à l’une des constitutions les plus centralisatrices d’Europe.
Ça fait beaucoup d’obstacles.
Il fallait s’y attendre, le gouvernement de Monsieur Castex, qui depuis le début était vent debout contre ce projet de loi n’allait pas rester les bras croisés face à la volonté populaire. La saisine du Conseil Constitutionnel, à quelques heures de l’échéance du délai de promulgation, par 61 parlementaires aux ordres fut une déception pour tous les Bretons. Et au-delà, pour les démocrates. Elle ne fut pas une surprise. Ce coup bas des noires phalanges du jacobinisme, M. Blanquer en tête, prouve la duplicité, dénoncée plus d’une fois par Michel Feltin-Palas, rédacteur en chef de l’Express, et la lâcheté du gouvernement français. Duplicité, car M. Macron a multiplié les déclarations d’amour aux langues des peuples et M. Blanquer, lors d’un voyage récent en Bretagne, a affirmé son attachement à leur promotion.
Lâcheté, car le Conseil Constitutionnel peut être saisi soit par le président de leur «république», soit par leur premier ministre, soit enfin par un quota de 60 députés et sénateurs.
On mesure au passage la disproportion entre ce quota, qui représente largement moins de 10 % du collège parlementaire et celui des 3/5 des votes nécessaires pour obtenir le changement de région d’un département.
Monsieur Blanquer et le gouvernement auquel il appartient ont donc préféré envoyer des affidés au charbon plutôt que de prendre leurs responsabilités. Comme l’avait fait le très jacobin, et aussi hypocrite Jacques Chirac, lors de la signature par Lionel Jospin de la Charte Européenne des langues minorisées et dites régionales, en 1999. Le Conseil Constitutionnel de «la république» a deux mois pour se prononcer. Paul Molac, dans une interview récente au quotidien Ouest-France faisait part d’une certaine sérénité quant à la décision de ces prétendus sages.
Tout le monde ne partage pas son optimisme hélas.
Depuis la loi Deixonne de 1951, aucune loi importante n’est venue conforter des langues pourtant inscrites dans la constitution française, mais seulement à titre patrimonial. Le sort fait à cette loi éclairera les Bretons et les autres quant à leur devenir dans un État qui se pare d’un faux-nez de démocratie. Au-delà, il devrait interroger les instances européennes sur le concept d’ «ethnocide» ou de «génocide culturel» – comme on vient de créer celui « d’écocide » – et sur l’opportunité de fonder un tribunal international chargé de juger des responsables. Parmi lesquels Jean-Michel Blanquer et sa bande pourraient occuper une place de choix. Il en va de la démocratie et du respect de peuples incorporés contre leur gré dans des États qui ne les respectent pas.
En attendant, j’invite chacun à méditer cette lettre envoyée par des paysans bretons aux autorités de leur «république» en 1902, lorsque le gouvernement du «petit père Combe » décida d’interdire le prêche en breton jusque dans les églises.
« Vous dites qu’en pourchassant le breton, vous chassez de France une langue étrangère. C’est donc que, nous aussi, Bretons, sommes étrangers par rapport à vous. Cela saute aux yeux, clair et net. Si nous sommes étrangers en France, nous, trois millions d’individus, pourquoi devrions-nous payer des impôts en quantité et vous donner 70 000 soldats par an et les deux tiers de vos marins ? Mais prenez garde que vienne un temps où nous cesserons de vous obéir. Vous serez cause par votre haine, votre déloyauté, votre ingratitude, vos lois, de tout ce qui pourra survenir à ce sujet.»
Des lignes qui, un bon siècle plus tard, restent d’une actualité brûlante.
Autant que celles, écrites la semaine dernière par Marcel Texier et qui résument parfaitement la situation : «Ils font la démonstration lumineuse pour les Bretons et les autres, que rester dans l’ensemble français, c’est, en tant que peuple, se faire hara-kiri. Dans les années 1480, un certain Père Morin (Tad Morin) prophétisait aux Bretons l’union de leur pays à la France en punition de leurs péchés (Barzaz Breiz). Quel châtiment ! »
Il viendra un jour où nous devrons cesser de mendier notre droit à l’existence.
Monsieur Blanquer et ses affidés seraient inspirés d’y réfléchir.
Note.
(1) Un terme que j’utilise toujours avec des guillemets. En effet, pour moi il n’existe pas plus de langues «régionales» que de langues «nationales». Il existe des langues officielles et des langues non officielles. Je refuse de considérer la langue de mes ancêtres comme une langue «régionale». Comme confiait en substance Denez Prigent au Magazine Bretons, «je ne suis pas un homme régional. Je suis un homme tout court. Je ne parle donc pas une langue «régionale», mais une langue tout court« . Et comme l’écrivait Henriette Walter, qui fut professeure l’Université de Rennes : « le français est un patois qui a réussi. »
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Liste des 60 députés exerçant un recours contre la Loi Molac
Langues régionales : une hypocrisie française, de Michel FELTIN-PALAS
Le Conseil Constitutionnel détruit les langues minoritaires de l’Hexagone
2 commentaires
E-pelec’h e c’hallfer kavout lizher ar gouerion-se… dedenus eo!
Ur gudenn a zo memestra a stur mat ar speredoù : a-benn difenn ar yezhoù ne c’haller ket mont re bell war an dachenn bolitikel. Komz eus ur stad kevreadel a vefe. Se zo un dra a lakaa revr ar bolitikourien da grenañ ha koulskoude e oa ( eo c’hoazh) an hent reizhwiriek nemetañ dre ma oa ar provinsoù, er mare-mañ, broioù estrenn. Hogen dibennet da vare an dispac’h bras… setu pelec’h emañ an dac’h! Bezañ gouest da lakaat ar gaoz war an dispac’h bras… hag e feulster dall a stank mik dazont bro C’Hall hiziv an deiz!
MERCI Thierry !