✅ L’identité bretonne : comment peut-on la définir ?

✅ L’identité bretonne : comment peut-on la définir ?

Brefs éléments historico-psychologiques et tentative de définition de l’identité bretonne.

J’ai pu constater parfois de quelle manière nous pouvions nous sentir confronté à une forme de frustration quant à cette impossible définition de ce que serait un Breton.
Un article précédent sur le site de NHU Bretagne avait alors, face à une telle difficulté, trouvé la solution de ce problème en s’appuyant sur une description foncièrement irréelle et exagérément magnifiée, attribuant aux Bretons les meilleurs capacités possibles. Je voulais par conséquent aujourd’hui, à mon tour écrire, à ce sujet. Mais cette fois-ci en me plaçant aussi dans la continuité de l’article plus terre à terre mais parfaitement intéressant de Jean-Christophe SEZNEC qui évoqua sa «petite psychologie bretonne», publié le 20 février 2018. Ma démarche ici porterait alors sur la volonté de revenir sur des faits présents qui devraient si nous arrivions à les percevoir, à donner à la question Qu’est-ce qu’être Breton, une réponse plus glorieuse et surtout bien plus réelle.

Tout d’abord, je commencerais mon propos en opérant une légère mais importante modification.

Comprenant parfaitement ce qui a pu conduire Monsieur SEZNEC à faire le choix respectable de placer sa démarche sous l’angle d’une préalable modestie en usant de ce qualificatif de «petite», j’ai choisi pour ma part de poursuivre cette même réflexion en me dispensant tout aussi vite, de cette même précaution d’usage. Il ne conviendrait pas pour autant de me considérer à partir d’un tempérament qui serait donc décidément plus prétentieux. Non, aucunement. Ma volonté tiendrait juste de prendre en compte à la lecture de ce même article de quelle manière, les observations énoncées conduiraient à valider un vrai et authentique sujet de psychologie. Puisque rapportant des attitudes, une pensée singulière et commune à un groupe donné, qui donnent lieu à des expressions multiples à travers de nombreux sondages, ou études diverses. Ce sujet de psychologie existe par ailleurs en d’autres champs, en sociologie. Nous pouvons si besoin, nous référer le cas échéant à ce que Ronan LE COADIC, dans le domaine de la sociologie, put aussi nous dire de l’identité bretonne, en s’appuyant lui-aussi sur l’étude des représentations des Bretons, négatives (il y en a) ou positives par eux-mêmes et au-delà même des terres de Bretagne – et en histoire, non pas à partir de la question de l’existence ou non de l’état Breton mais de la différence quasi ethnique qui est décrite des Bretons à l’égard des Français jusqu’à aujourd’hui.

Le Breton est … ou ma petite psychologie bretonne.

 

Comme Monsieur SEZNEC …

Lorsqu’il nous partagea en découvrant en même temps qu’il nous le livrait, que se sentir Breton ne serait pas une construction de l’esprit (ce ne serait pas un fantasme) mais une réalité de posture, de caractère, je ressens cette même réalité, et je dirais même… cette évidence. Ceci dans la mesure où je ne serais pas en capacité, ni de l’expliquer, ni même de la taire. Je note ici par ailleurs, la prudence de Monsieur SEZNEC qui parla alors de posture, de caractère et non pas d’identité. Voulant prolonger ce propos mais d’une manière à la fois historique et psychologique, je ferais alors à mon tour, référence tout bonnement à la réalité d’un lien qui caractériserait les Bretons. Ce lien à une terre de Bretagne, mais bien plus encore, prenons le risque, à une communauté de valeurs. Nous reviendrons plus tard sur cette question. Quoiqu’il en soit, la question du lien ne peut plus être remise en cause du fait de sa permanence dans l’Histoire, à toutes les générations de Bretons, à travers les époques jusqu’à aujourd’hui.
Ce fait ayant été parlé, repéré, observé, vécu depuis si longtemps, sa réalité peut paraître validée.

Par ailleurs, à la place de chercher à s’en justifier, nous pourrions au contraire inverser le problème.

Donc nous interroger de la manière suivante: si cette posture d’attachement n’était pas ancrée dans le réel, comment aurait-elle subsisté et résisté à toutes les actions de déni et de dénigrement identitaire institutionnellement organisées par la France, pendant des siècles, en vue de l’étouffer? Quelle chimère aurait pu résister à cela? Non. La complexité de ce point tiendrait donc davantage de la complexité que l’on peut retrouver à travers la notion d’identité. Le caractère délicat de ce concept n’est cependant pas réservé à la Bretagne. Nous pouvons pour nous en convaincre, nous rappeler le fiasco de la démarche du gouvernement SARKOZY lorsque celui-ci entreprit une tentative de définition de l’identité nationale. Cherchant alors à nommer du commun, en niant certainement le particulier, ne pouvant aboutir à un résultat probant. En réalité, l’identité nous ramène régulièrement à quelque chose de subjectif (rappelons nous la notion par exemple d’identité narrative de RICOEUR), d’affectif même. Pour autant, je crois que l’erreur serait de croire que puisque cette notion est émotionnelle, alors elle ne peut qu’être critiquable, contestable.

Ce serait alors nier une dimension essentielle de chaque individu

En effet, la dimension émotionnelle, justement qui ne peut être réduite à du fantasme ou nécessairement à un aveuglement. L’émotion est aussi une réalité. Car elle est même synonyme de vie, surtout si elle s’inscrit dans le temps et se voit partagée par une multitude de personnes. Le Breton croit en la Bretagne de la même façon que d’autres croient en la liberté. Donnée certes impalpable mais ayant aussi dans les faits, des évocations ô combien réelles et précieuses. L’objet de croyance est donc certes idéalisé et abstrait, mais il n’en demeure pas moins essentiel dans l’organisation psychique de l’individu. Cet objet de croyance identitaire ayant vocation à être reconnu, se voit soumis à l’opposition naturelle d’autres identités. Et nous retrouvons là la position de l’identité bretonne, toujours suspendue aux lèvres françaises orientées vers une conception d’une République des lumières, mais oeuvrant néanmoins par leur puissance institutionnelle pour ne pas lui apporter de blanc-seing.

Questions d’identité – Pourquoi et comment être Breton ?

Avançons…

En premier lien, je serais tenté de croire, même si aujourd’hui cette logique serait plus critiquable à une époque où l’homme voudrait avoir le dessus sur la nature, que la nature façonnait (je le mets donc au passé) l’esprit des hommes. Que l’environnement de l’homme a des conséquences sur la construction de sa psyché. Ayant eu par exemple, l’occasion de me confronter à des déserts, je me souviens ainsi de quelle manière, j’ai pu saisir comme compréhensible, à partir d’une position où notre vulnérabilité face à une nature ne fait aucun doute, d’en venir à croire à des divinités, quelles que soient le nom qu’on veut ensuite leur donner. En Bretagne, la nature se voulut forte, rude, comme son granit, affichant elle aussi une immensité par ses landes mais surtout par cette mer omniprésente. Et à cet endroit, je rejoins donc monsieur SEZNEC, dans ses réflexions quant à la manière pour les Bretons de se présenter à partir d’un rapport philosophique, voire pragmatique et humble envers la vie, avec la mort en tant que donnée admise, à part entière d’une existence. Nous pourrions situer à cet endroit le caractère mélancolique du Celte tel qu’a pu le chanter GLENMOR ou Yann-Ber CALLOC’H. Quoiqu’il en soit, vivre au quotidien avec une mer qui pouvait choisir sans prévenir de conserver pour elle bien des pères de famille, ne pouvait certainement pas ne pas avoir d’incidence pour un sujet dans sa construction de son rapport à la vie.

Mais tout çà, sont des faits anciens, me diriez-vous.

Oui, mais un deuxième élément de théorie nous conduirait aussi à nuancer cette affirmation hâtive. Chacun étant immanquablement le fruit, au moins en partie, et même si nous ne voulions pas, de ses parents, ne pourrions-nous pas nous interroger quant à ce que nous porterions en nous, sans nous en rendre compte, de nos Anciens? Leur part nous serait alors tout simplement perpétuée par l’éducation que ces derniers ont donnée à leurs enfants, qui par la suite sont devenus nos grands-parents. Ce qui ne les placerait finalement pas si loin de nous. La langue bretonne porterait par ailleurs, en elle, des traces évidentes d’une pensée spécifiquement bretonne et que nous reprendrions encore aujourd’hui en l’employant. Ainsi à la suite de ce que Monsieur SEZNEC a pu déjà mettre en avant, j’ajouterais encore deux éléments contraires à ceux que l’on retrouve dans la langue française. A savoir l’absence, auparavant de verbe avoir (Kaout e brezhoneg) dans la langue bretonne. Cela, à mon sens, mettrait foncièrement l’accent en terme de valeurs d’une organisation sociétale où la valeur de chacun n’était pas évaluée par rapport à de la possession mais bien plus par une posture d’être.

La Femme en Bretagne.

La deuxième chose que je voudrais rappeler ici, serait le caractère ouvert de la langue bretonne au féminin. Le féminin dispose alors ici d’une conjugaison distincte. Ainsi démontrant l’acceptation pleine et entière de la place féminine dans la société bretonne. Nous pouvions retrouver cela dans son expression juridique avec la capacité de la femme par exemple, de disposer d’un héritage. Je ne peux également m’empêcher de rappeler que la Coutume de Bretagne (entendant là la loi) telle qu’elle fut étudiée par M. PLANIOL, accordait dès le bas Moyen-Âge, au lieu de ne se préoccuper que de l’intérêt des puissants, déjà et d’une manière totalement moderne, une préoccupation de solidarité et de secours envers notamment, les jeunes enfants orphelins par exemple.

Je terminerais enfin mon propos par quelques questionnements qui me conduiraient aisément à entre-percevoir pour la personnalité bretonne, en vérité, une grandeur qu’elle méconnaîtrait elle-même et qu’elle devrait pourtant réussir un jour à se référer. A partir seulement d’une lecture notamment historique et en croisant également celle-ci à l’observation que l’on peut retenir des comportements celtes, chez nos frères gallois, ou nos cousins écossais, je voudrais me lancer à cet exercice parfaitement difficile de traduire, quelle qu’elle soit, bretonne, française ou autre, une identité.

Ainsi être Breton à mes yeux, sans qu’il ne soit besoin de le rapporter à une image de super-héros, c’est faire référence à des valeurs, disais-je précédemment, et bien plus concrètes et authentiques à savoir la liberté, la discrétion, la pudeur, l’équinimité, l’ouverture d’esprit qui nous porterait aussi aux voyages et aux goûts des autres, la solidarité (ex: l’action récente de pêcheurs du Guilvinec pour défendre un pêcheur sénégalais menacé d’expulsion le démontrerait encore. Nous pourrions aussi nous référer au nombre d’associations caritatives en Bretagne).

Dans son esprit, il n’est pas au centre, il n’a pas cette prétention, c’est le monde et sa nature qui est à cette place.

Et nous visitons la mer comme d’autres vont voir un parent pendant quelques instants. Juste pour vérifier si tout va bien. Le Breton tient son rapport pragmatique aux choses à cet endroit, en lien direct avec la nature qui ne tolère aucune tricherie, ni bavardage. Le Breton saurait aussi se mettre au service de causes a priori indéfendables et dont il ne tirerait aucun bénéfice si ce n’est d’être fidèle à ce qu’il est. Pour s’en convaincre, il suffit de reprendre cette résistance y compris silencieuse de tous nos Anciens, qui continuèrent à se dire Bretons, lorsque tous un pays les incitait à renier cette définition d’eux-mêmes.

Le Breton se caractériserait par cette disposition à la passion, en tant que sentiment pur.

Qui les conduirait à se réunir mais non pas à partir de la soumission à un chef (tel que nous pourrions l’entendre dans la culture franque très hiérarchisée), mais finalement juste par amour. Je fais ici référence à l’organisation de la société bretonne qui durant le bas Moyen-Âge, définissait le roi, non pas comme un souverain autoritaire, mais un souverain au service de son peuple. De la même manière, aujourd’hui encore, nous savons en Bretagne adorer à leur juste valeur, et en démontrant en cela, aucune pensée trop normative ni pyramidale, de vieux paysans pour la richesse de leur poésie et attendre de chacun qu’il fasse montre de sa droiture pour mériter notre confiance. Par amour de la liberté, par amour d’un pays, d’une culture, nous nous battons donc régulièrement, à coups de binioù, de bombardes, de festoù-noz, d’écoles DIWAN, ou de bien d’autres manières.

C’est sans doute là notre réelle noblesse, la grandeur qu’il nous faudrait nous accorder.

Il n’est donc pas étonnant que le romantisme soit né en Bretagne, par notre écrivain peut-être le plus illustre, Châteaubriant. Et que l’idée de la chevalerie elle-même ait finalement trouvé sa source dans des œuvres telles que le roman de la Table Ronde ou Tristan et Yseult.

Par amour pour la liberté, les Bretons sont ce qu’ils sont quoiqu’il puisse être dit.

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Á propos de l'Auteur

Thierry GUERIN
Thierry GUERIN 12 posts

Psychologue de profession, je suis écrivain de temps à autre, passionné de la nature humaine au point d'aller la rechercher là où elle se trouve dans toutes ses cultures. Adepte par conséquent de tous les horizons, de la mer au désert.

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3 Comments

  1. Jean-Luc Laquittant
    avril 14, 10:07 Reply

    Encore une fois, on ne parle ici que “du Breton” bretonnant et marin. Beaucoup trop restrictif à mon goût, heureusement l’on cite néanmoins Châteaubriant au final qui n’était ni bretonnant, ni marin.

  2. thierry guerin
    avril 14, 10:47 Reply

    bonjour monsieur laquittant, merci pour votre commentaire qui me permet de préciser la difficulté du sujet que j’ai voulu ici aborder. Oui, c’est restrictif, et c’est pourquoi j’ai commencé mon propos en évoquant de “brefs éléments”. Résumer une identité en un article me parait tout simplement impossible. Quant à l’aspect du breton bretonnant et marin, l’évocation de Chateaubriant aura dû vous rassurer sur le fait que comme vous, je ne définis pas le breton uniquement comme nécessairement bretonnant ou marin. Aucunement, ce serait sinon faire usage de stéréotypes. J’espérais retracer au contraire d’autres aspects plus amples que cela. Merci

  3. Juhela
    mai 11, 16:57 Reply

    Sur le même sujet de notre identité bretonne, je publie mon journal de bord sur une page : http://www.facebook.com/Celte que j’aime./Colette Trublet. L’IDBE accueille quelques uns de mes écrits également sous mon nom : Colette Trublet. (Européen qui es-tu, entre autre.). J’ai donc lu avec intérêt votre publication. Je me suis souvent demandé comment nous sommes singuliers, reconnaissables souvent, partout où nous allons : J’en ai fait l’expérience. Comme si nous étions porteurs d’une manière d’être au monde particulière. En tant que femme également, j’ai mesuré combien il est périlleux en France où j’ai travaillé quelques années, d’être une femme seule élevant ses enfants. La virilité de certains collègues s’en était si gravement offusquée que je n’ai eu alors d’autre choix que rentrer chez nous. Se reconnaître breton-ne c’est aussi une question de miroir. Les français qui nous en tendent un, essaie de nous y voir français. C’est existentiel : ça ne colle pas. C’est comme de dire, regarde-toi, tu as les yeux noirs alors que toi tu sais qu’ils sont bleus ou verts. La folie guette celui qui n’en croit pas ses propres yeux. C’est d’autant plus traumatisant que celui qui tient le miroir est le vainqueur, le dominant. Il a un pouvoir subjectif (très abusif) sur notre réalité. Et comme il a obtenu que nous soyions dépossédés de notre héritage culturel historique, géographique, et langagier (Breton et gallo-breton) nous ne sommes pas capables durant plusieurs années et générations de nous exprimer face à lui à égalité de maîtrise des concepts utiles dans la discussion. Je pense aussi que nous sommes les héritiers, à notre insu, d’un savoir inconscient qui parfois se révèle lorsqu’il sort des décombres en terme de poésie par exemple avec Xavier Grall, Glenmor, Yvon Le Men, Dan ar Bras, Alan Stivell, Gilles Servat, Denes Prigent et avant lui Yann Vanch Kemener (je ne peux pas les citer tous) et dans la philosophie druidique comme dans le chant des séries (Barzaz Breizh, collectage par TH de la Villemarqué) . Cet enracinement dans son aspect existentiel c’est le triomphe de la vie adossée à la mort, d’unique nécessité, C’est sans doute “la cause des causes” à l’origine de cette identité qui ne s’efface pas en dépit des efforts de nos vainqueurs et en dépit de l’oubli apparent de certains parmi nos compatriotes. Merci pour votre argumentation. Je m’y retrouve … Colette Trublet

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